Tugdual Derville : « Cette histoire de Jean-Claude Seknagi nous rappelle à quel point la vie, même fragile, a de la valeur »
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Après quatre mois de coma, Jean-Claude Seknagi, 70 ans s'est réveillé, déjouant tous les pronostics des médecins qui s'apprêtaient à mettre fin à son alimentation et à son hydratation. Sa famille s'y opposait et le tribunal administratif de Montreuil lui avait donné raison. Dans un contexte où le nouveau ministre de la Santé Brigitte Bourguignon se dit favorable à la légalisation de l'euthanasie, Tugdual Derville, porte-parole de l'association Alliance VITA, réagit.
Marc Eynaud : Condamné par la communauté médicale, Jean-Claude Seknagi s’est réveillé au bout de quatre mois de coma, défiant tous les pronostics médicaux. Que vous inspire cette histoire ?
Tugdual Derville : Cette histoire nous appelle à l’humilité. Je ne suis pas à la place des médecins et je ne connais pas le dossier médical de cette personne qui semblait très lourd, mais sa famille s’est battue et a obtenu qu’il soit maintenu en vie. Il s’est finalement réveillé et a communiqué. Cela incite le corps médical, généralement prudent, à ne pas pronostiquer trop fermement des perspectives catastrophiques lorsqu’elles peuvent être déjouées par la résilience, la force de vie d’une personne et de ses proches.
M. E : Cette personne est tombée dans le coma, les médecins ont voulu arrêter son alimentation et le mettre en sédation jusqu’à ce que mort s’ensuive. Sa famille s’est opposée. Le tribunal administratif de Montreuil a tranché en faveur de la famille. Qu’est-ce que cela révèle ?
T. D : Cela fait toujours un peu peur lorsqu’un système corporatiste se referme sur lui-même. En l’occurrence, la Justice a dans un premier temps donné raison à la famille. C’est tout à l’honneur de la Justice d’avoir permis le combat de la famille pour que ce monsieur ait la chance de vivre. Cela nous incite à une grande prudence lors de perspectives catastrophiques.
Je connais une histoire similaire où les médecins avaient décrété que le projet de vie de cette personne était de mourir. Finalement, elle s’est réveillée, elle a survécu et son mari avait dû se battre pour que l’on cesse cet arrêt d’alimentation qui équivalait à une forme d’euthanasie. Il faut être alerté sur ce risque, même si je pense que les médecins ont voulu bien faire en croyant que la personne était en fin de vie et que de la maintenir dans le coma durablement était à leurs yeux disproportionné.
M. E : Est-ce que ce genre de fait divers au dénouement heureux n’est pas aussi un signal politique à envoyer ?
T. D : Au-delà de cette affaire, cela rappelle à quel point la vie humaine même fragile à de la valeur. Nous observons souvent que des personnes qui croyaient vouloir en finir sont très surprises de voir que des gestes très simples du quotidien leur redonnent le goût de vivre malgré la fragilité. La culture qui s’offre à nous est une culture de toute-puissance qui laisse à croire qu’une personne n’est digne de vivre que lorsqu’elle est en bonne santé. C’est un énorme risque.
Pendant son premier quinquennat, Emmanuel Macron avait résisté à ceux qui faisaient pression pour l’euthanasie. Il n’est pas anodin qu’il ait nommé une personne qui se dit être favorable à l’euthanasie. C’est une grande inquiétude pour nous et ce genre d’affaires devrait normalement vacciner le gouvernement contre l’euthanasie.
Ce qui est stupéfiant c’est que l’hôpital, les urgences et les EHPAD sont en crise. Le personnel est stressé et pas assez nombreux. Est-ce le moment de déstabiliser la loi fin de vie, qui normalement écarte l’acharnement thérapeutique d’une part et d’autre part l’euthanasie, le fait de passer à l’acte et de mettre fin à la vie d’un patient ?
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