Uber et sa voiture intelligente : l’accident bête !
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Lundi 19, dans la ville de Tempe, en Arizona, Elaine Herzberg, une femme de 49 ans, traverse la chaussée. Une voiture survient et son conducteur ne freine pas. Elle ne survivra pas à ses blessures. Jusque-là, rien que de malheureusement très banal ; à ce menu détail près : l’automobile en question était du genre autonome. Et si conducteur il y avait, il était en mode pilotage automatique.
Alors qu’il est partout claironné que l’intelligence sera artificielle ou ne sera pas, que le cerveau humain n’est que peu de chose face à la puissance de l’algorithme, les esprits chagrins y verront peut-être une sorte de signe des temps. Prométhée voulait voler le feu des dieux ; ses enfants spirituels, eux, se contentent de griller les feux de signalisation. C’est moins noble ? Il n’empêche que le concept y est.
Pour Uber et son concurrent Waymo, l’enjeu, plus que d’ordre philosophique, est aussi financier. Ainsi la filiale de Google a-t-elle obtenu, à l’amiable et en février dernier, 250 millions de dollars de la fameuse entreprise de taxis pour « vol de technologie », après avoir tout d’abord exigé deux milliards de dollars de dommages et intérêts. Il est vrai que la principale charge financière d’Uber ou de Lyft (un autre concurrent) demeure le salaire de ses chauffeurs : il n’y a pas de petites économies. Et ce futur marché s’annonce gigantesque, ce, d’autant plus que l’administration américaine assure que ces technologies nouvelles devraient permettre, à terme, de réduire le nombre d’accidents de la route. Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, on imagine que c’est de l’humour.
Les explications d’Uber sont elles aussi pour le moins croquignolettes : "La femme traversait en dehors des clous." Encore quelques jours et on l’accusera de s’être jetée exprès sous l’automobile juste pour entraver les progrès de la science. Pour Consumer Watchdog, association de défense de consommateurs, les incitations gouvernementales au projet de voitures autonomes généralisées relèvent « d’une feuille de route autorisant les constructeurs à faire ce qu’ils veulent, quand ils veulent et où ils veulent, faisant de nos routes des laboratoires privés pour des voitures robots sans aucune considération pour notre sécurité ».
Le gag, c’est qu’il y avait malgré tout un conducteur dans la voiture incriminée. Au lieu de freiner, tel que l’aurait probablement fait tout être humain normalement constitué, il devait jouer au sudoku ou consulter son horoscope, histoire de voir si c’était bien son jour de chance. On notera encore que cette tragédie est la seconde du genre. En effet, il y a deux ans, un autre automobiliste américain avait trouvé la mort pour avoir laissé à son véhicule le soin de conduire à sa place.
Au-delà des questions de gros sous et d’une métaphysique de l’homme à la sauce cyber-vaudou, toutes ces histoires relèvent, de plus, d’une logique des plus tordues. Et nos dirigeants de nous expliquer que 90 % des accidents de la route sont le fait de causes humaines. Il convient donc de remplacer l’homme par la machine, ce qui fera sûrement dire aux mêmes que 90 % des accidents de la route à venir seront le fait de causes mécaniques. Pareillement, l’alcool serait impliqué à hauteur de 30 % dans ces mêmes accidents. Ce qui signifierait donc que les buveurs d’eau seraient coupables des 70 % restants. D’où la nécessité impérieuse d’inventer des éthylotests fonctionnant à l’envers. On dit que Gérard Depardieu serait tenté d’investir dans cette entreprise aussi innovante que citoyenne.
PS : la route tue trois mille Français chaque année et les maladies nosocomiales quatre mille. À quand la limitation de vitesse dans les couloirs d’hôpitaux et la priorité à droite à l’entrée des salles d’opération ? Le tout surveillé par des infirmières artificielles, tant qu’à faire...
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