UE : Von der Leyen convoque un « collège de sécurité »… mais au nom de quoi ?

Une manière de dire qu’il n’y a plus de nations...
© European Union, 2024
© European Union, 2024

Ursula von der Leyen vient d’annoncer la création d’un « collège sécurité » au niveau de l’Union européenne. Elle donnera la première date de convocation dans les prochains jours. Cette nouvelle intervient au moment où la question d’une défense européenne (quel que soit le sens que l’on donne à cette formule) est au cœur des préoccupations des États membres, tandis que la Russie et les États-Unis sont en train de négocier, par-dessus la tête des plus proches voisins de l’Ukraine, un probable traité de paix.

C’est au cours d’une conférence de presse, le 9 mars, consacrée aux cent premiers jours de la Commission européenne que l’impératrice de l’Europe - non élue, rappelons-le,- a fait cette annonce. Ursula von der Leyen a souligné l’urgence de la création d’un poste de commissaire européen à la Défense. Curieuse priorité, pour une Union dont la création fut dictée par la mutualisation du charbon et de l’acier, c’est-à-dire, au contraire, par la mise en commun des moyens d’une industrie de guerre, justement afin que celle-ci n’ait plus jamais lieu. Selon la présidente de l’Union européenne, qui n’a aucune compétence supranationale en matière de défense, il importe que l’Europe reste ouverte et fidèle aux valeurs de démocratie, de liberté et de l’État de droit. On ne voit pas bien le rapport qui existe entre ces valeurs un peu hors-sol et la volonté de bâtir, hors de tout cadre légal, une défense européenne.

Quelle légitimité ?

Au-delà de ce discours plein de bons sentiments, la question qui se pose, une fois de plus, est celle de la souveraineté des peuples. Qui, en effet, a demandé à Ursula von der Leyen de bâtir une défense européenne ? Qui lui a demandé de fédérer les gouvernements des États membres au nom d’une poignée de valeurs totalement impalpables dans le but de créer, possiblement, une armée supranationale ? Et à quel point de renoncement les ministres (théoriquement régaliens !) de la Défense concernés en sont-ils rendus pour se préparer à se rendre docilement à une telle invitation ?

L’Union européenne n’avait, jusque-là, jamais prétendu avoir de prérogatives de défense. Jusqu’en 1995, elle s’appelait la Communauté économique européenne, et on voyait alors très bien de quoi il était question : mettre en commun les ressources pour continuer à peser sur la marche du monde, parce que, réduits à leur individualité, les États européens n’avaient plus aucun poids sur les marchés mondiaux. On est aujourd’hui passé à autre chose : de recul en recul, parfois à cause de leur simple silence, les États de l’UE ont renoncé à une bonne partie de leurs prérogatives. Aujourd’hui, la Commission européenne s’attaque au cœur du sujet : la défense du territoire national. C’est une manière de dire qu’il n’y a plus de nations – c’est peut-être, même, une manière de paver la route d’Emmanuel Macron, si d’aventure (on ne sait jamais), il avait l’intention de succéder à Ursula von der Leyen à la tête d’une Europe aseptisée, prête à défendre le statu quo démocratique et l’invasion migratoire, jusqu’à sa propre mort naturelle s’il le fallait.

Nous vivons une époque bien étrange dans laquelle l’avis des peuples n’a aucune importance, pas davantage d’ailleurs que celui des chancelleries européennes, priées de se rendre immédiatement à la convocation de la présidente de la Commission. Espérons que la démocratie permette aux simples citoyens de se révolter à temps contre l’ordre mondial que l’on veut leur imposer. Dans cette étrange valse des valeurs, le monde devient multipolaire, tandis que le camp de la liberté autoproclamé ressemble de plus en plus à l’ex-pacte de Varsovie.

Picture of Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

125 millions d’euros pour des tablettes dans les prisons, c’est le budget de l’Élysée
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois