Ukraine : en Allemagne, le désengagement militaire à l’ordre du jour
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Alors que les troupes ukrainiennes ont lancé, il y près de deux semaines, une contre-offensive coup de poing d’une ampleur sans précédent dans la région russe de Koursk (faisant ainsi de l’Ukraine le premier pays de l’Histoire à envahir une partie du territoire d’une puissance dotée de l’arme nucléaire), l’Allemagne amorce son désengagement militaire.
Jusqu’alors, l’Allemagne était le premier contributeur européen et deuxième fournisseur mondial à l’effort de guerre de l’Ukraine, avec un apport de 17 milliards d'euros en 2023, après les États-Unis (42 milliards en 2023). Pour l’année 2024, une aide militaire de 8 milliards d’euros a été apportée, sous l’auspice du ministre de la Défense allemand Boris Pistorius. « Un signal fort envoyé à l’Ukraine pour lui dire que nous ne l’abandonnons pas », déclarait alors le ministre le plus plébiscité de l’outre-Rhin, partisan fervent du soutien apporté à l’Ukraine pour contrer l’invasion territoriale russe. Parmi la palette d’équipements militaires fournis par la Bundeswehr à Kiev, des chars de combat Leopard, des systèmes de défense antiaérienne IRIS-T et Patriot, des drones de surveillance ou encore des canons d’artillerie automoteurs Panzerhaubitze 2000.
Kiev, variable d’ajustement de l’équilibre budgétaire allemand
Mais l’enveloppe allemande pour l’année 2025 ne sera plus aussi généreuse. Cette volte-face allemande est motivée par des contraintes budgétaires. Les règles nationales engagent Berlin à contrôler son déficit public, en évitant de recourir à de nouveaux emprunts. « Kiev va devoir apprendre un nouveau mot allemand », titre le journal d'investigation allemand Der Spiegel. Le mot en question ? « Schuldenbremse< », soit « frein à l’endettement », un principe consacré par la Loi fondamentale allemande depuis 2009 selon lequel la République fédérale d’Allemagne ne peut excéder un déficit budgétaire public supérieur à 0,35 % du PIB. Cette règle de discipline budgétaire contraint le gouvernement allemand, en difficulté depuis l'automne dernier, à engager une réduction drastique de ses dépenses publiques et à désigner ses priorités (investissement dans les infrastructures, sécurité nationale, relance économique). Quatre milliards d’euros avaient auparavant été accordés pour l’année 2025, mais depuis, « la fête est finie, le pot est vide » : le Bundestag vient d’annoncer le gel de toute nouvelle aide militaire additionnelle qui pourra être apportée à l’Ukraine.
Côté ukrainien, les réactions fusent pour critiquer cette coupe franche qui tombe mal, à un tournant stratégique de la guerre menée contre Moscou. Dans un entretien accordé au journal Bild am Sonntag, l’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne, Olesksiy Makeiev, a pourfendu l’annonce du gouvernement de coalition dirigé par Olaf Scholz, qui entérine, de facto, son désengagement militaire progressif, alors que « la sécurité de l’Europe dépend de la capacité et de la volonté politique de l’Allemagne de continuer à jouer un rôle de premier plan dans le soutien à l’Ukraine », a-t-il déclaré.
Anticiper la victoire de Donald Trump
L’opposition publique grandissante, ainsi que les incertitudes quant à l’avenir du conflit, avec en ligne de mire la potentielle réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche, jouent également pour beaucoup. Une victoire de Trump et le retour de l’America First inaugureraient un retrait américain sans ambages du théâtre européen. Nul doute que, côté russe, Vladimir Poutine attend avec impatience l'élection présidentielle américaine de novembre prochain dans l’espoir d’entamer avec l’administration trumpiste des négociations de paix quant au sort de l’Ukraine, exsangue. Faute d’appui américain, l’Union européenne (qualifiée de « nain géopolitique » par l’ancien ambassadeur français Gérard Araud, dans un article du Point publié le 7 janvier dernier), étant placée dans une forte position de dépendance stratégique et militaire à l’égard des États-Unis, n'aurait d'autre choix que celui de l'alignement stratégique sur Washington. Un désengagement occidental et le retour aux pourparlers diplomatiques entre Kiev et Moscou peuvent donc être envisagés avec sérieux.
Plus encore, ce coup de rabot intervient peu après que le Wall Street Journal a révélé l’implication de l’Ukraine, au plus haut niveau de la chaîne de commandement, dans le sabotage des gazoducs Nord Stream I et Nord Stream II survenu en mer Baltique en septembre 2022. Ces gazoducs approvisionnaient l’Allemagne et l’Europe en gaz russe. Cette révélation avait été auparavant divulguée par le Spiegel et par le Washington Post, dans une enquête conjointe publiée le 11 novembre 2023. Mais le principal mis en cause n’est autre, désormais, que l’ancien commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, nommé depuis... ambassadeur de l’Ukraine à Londres. En juin, un mandat d’arrêt européen du parquet fédéral allemand était émis contre l’un des membres du commando ukrainien ayant saboté le pipeline, sept mois après le lancement de l’offensive russe. Le couple franco-allemand est une nouvelle fois à l'épreuve.
56 commentaires
L’article cite l’implication de l’Ukraine dans le sabotage des gazoducs NordStream, coupant définitivement toute livraison de gaz naturel russe à l’Allemagne via la mer Baltique, ce qui cause un grave préjudice (récession) à l’économie allemande et étrangle son industrie.
Cependant l’Allemagne n’est pas la seule perdante, loin de là. Y laissent aussi des plumes les entreprises suivantes qui ont financé NordStream 2 à hauteur de 9,5 milliards € selon cette clé de répartition : Gazprom -Russie (4,75 milliards €), Engie -France (950 millions €), Wintershall Dea -Allemagne (950 millions €), Uniper -Allemagne (950 millions €), OMP -Autriche (950 millions €), Schell -GB et Pays-Bas (950 millions €).
Or je signale que Engie est une société anonyme française dans laquelle l’Etat français détient au 31 mars 2024, 575.693.307 actions (23,64% du capital) et 34,43% des droits de vote. La question est : l’exécutif Macron a-t-il ouvert une enquête judiciaire en vue d’identifier, d’arrêter les auteurs et les commanditaires de ces attentats, et d’obtenir la réparation financière des pertes sèches de la SA Engie constituées pour plus d’un quart d’argent public, provenant donc de la poche du contribuable français ? Réponse : non.
J’approuve sans réserve cette initiative prise en Allemagne ! Parce que c’est une très bonne nouvelle, pour la paix en Europe ! N’en déplaise, aux Atlantistes et aux Européistes ! Hervé de Néoules un Ami de la Russie et de l’Ukraine !
La position de l’Allemagne n’est pas que budgétaire … On peut lire ailleurs : Selon Olaf Scholz, l’Ukraine a préparé son offensive dans la région russe de Koursk « très secrètement et sans aucun retour d’information » Que ces choses là sont poliment dites ! Pour l’économie et l’industrie allemandes cette guerre est un désastre. L’Allemagne est coincée entre son alignement US-OTAN et ses intérêts économiques et industriels. L’affaire du gazoduc est plus qu’une goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le voilier et les Ukrainiens, c’est du pipo, et ça ne suffira pas à calmer et dissiper les rancœurs et les aigreurs qui vont vers les vrais auteurs du sabotage que tout le monde connaît ne serait-ce que parce qu’ils avaient annoncé leurs intentions à l’avance. L’offensive sur Koursk, c’est du von Rundstedt hiver 44, un coup de poker « tapis » lancé par un Zélensky qui comprend que les carottes sont cuites et joue son va-tout, l’ensemble du front s’écroulant ailleurs ; Biden c’est fini, les Américains à tous les niveaux ont tourné la page de l’Ukraine ne se disputent plus que sur Israël, la suite on sait pas ; Macron est dans la mouscaille « profond », et alors … il va donc se passer beaucoup de choses difficiles à prévoir et pas seulement pour Zélensky.
Si les Allemands baissent drastiquement leur soutien à l’Ukraine, c’est parce que leur pays est en récession économique et qu’au visa des articles 109 et 115 de la Loi fondamentale allemande, la cour constitutionnelle de Karlsruhe a interdit le 15/11/2023 de dépasser un déficit public de 0,35 %, ce que je trouve normal et sain.
Résultat : la coalition tripartite gouvernementale de Scholz (SPD, les Verts et le FPFD) ne peut pas considérer l’aide à la guerre en Ukraine comme une priorité nationale, alors que les agriculteurs allemands sont à l’agonie et que l’économie et l’industrie souffrent et n’en peuvent plus de l’embargo de l’UE sur le gaz russe.
Mais tel n’est pas le cas en France où le Conseil constitutionnel n’a pas le pouvoir de son homologue allemand, et ne peut pas interdire à l’exécutif Macron de dépasser les 3 % de déficit public selon les critères de Maastricht. A se demander à quoi sert ce Conseil constitutionnel.
De plus, la Cour des comptes ne peut pas sanctionner le régime Macron pour déficit excessif, ses rapports n’ayant aucune force contraignante.
Enfin par Ordonnance, Macron a supprimé la Cour de Discipline Budgétaire qui pouvait lui mettre des bâtons dans les roues.
Résultat : Macron et sa bande peuvent vider les caisses et endetter la France autant et comme qu’ils veulent, car il n’existe en France aucun frein, aucun organe institutionnel pour s’opposer à la gabegie de nos irresponsables.
Pour mettre fin à l’endettement excessif, aux abus et détournements de fonds publics, il est indispensable de réviser notre constitution et nos lois dans le sens d’un véritable contrôle avec force contraignante de la gestion financière des pouvoirs publics. Si ce n’est pas contraignant, ça ne sert à rien.
Excellent. Il n’y a en France aucun frein à l’irresponsabilité financière. Il y a même la possibilité de dissimuler des données financières capitales (comptes sociaux notamment) sans la moindre sanction. Les politiques peuvent sans risques ni contraintes tirer des chèques sans provision. Quant au Conseil Constitutionnel il fait précisément partie du « système » qui autorise et même amplifie la gabegie. La Constitution de 58 ne prévoyait pas que l’Etat puisse tomber aux mains des pareils « gestionnaires ».
Et ne parlons pas des tirs « à retardement » de Monsieur Moscovici
Ne perdons pas de vue que Moscovici est redevable à Macron qui l’a nommé premier président de la Cour des comptes à la fin de sa mandat de commissaire européen. Comme dit l’autre, un service en vaut un autre.