Ukraine : le « hachoir » de Bakhmout et la guerre de l’information

Zelensky-e1651074878159

Le 20 décembre dernier, Volodymyr Zelensky se rendait à Bakhmout pour y rencontrer des militaires et remettre des médailles. La presse occidentale célébrait le courage du président ukrainien qui n’hésitait pas à se déplacer dans l’une des zones les plus dangereuses du front afin de galvaniser ses troupes. La ville avait déjà valeur de symbole. « Bakhmout est la forteresse de notre moral », déclarait Zelensky.

La date de cette visite surprise ne devait rien au hasard. Le lendemain, le président ukrainien s’envolait pour les États-Unis afin d’y rencontrer Joe Biden et, surtout, de s’adresser au Congrès qu’il fallait convaincre d’approuver une nouvelle aide de 45 milliards de dollars. Au terme de son discours au Capitole, Zelensky avait déroulé un drapeau ukrainien, signé par des soldats de Bakhmout, qu’il avait remis à Kamala Harris, la vice-présidente des États-Unis, et à Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre. Une opération de communication réussie. La presse occidentale demeurait pourtant inquiète. Le journal Le Monde notait l’érosion continue du soutien à l’Ukraine dans l’opinion publique américaine, avec une baisse de 10 points depuis juillet 2022.

La scénarisation du déplacement à Bakhmout et du drapeau signé traversant l’Atlantique avait, bien entendu, pour but d’y répondre. Depuis le début du conflit, la communication est d’une importance vitale pour Kiev du fait de sa dépendance totale à l’aide occidentale. Il fallait donc maintenir l’idée d’une Ukraine qui résisterait tout au long de l’hiver avant de reprendre l’initiative au printemps. Bakhmout en était devenue le symbole.

Les mois précédant la venue de Zelensky à Washington, la presse américaine s’était régulièrement faite l’écho des difficultés de Joe Biden pour éviter que la coalition pro-ukrainienne ne se fissure. En novembre, les déclarations du chef d’état-major de l’armée américaine, le général Mark Milley, avaient provoqué un malaise parmi les faucons de Washington : « Quand il y a une occasion de négocier, quand la paix peut être obtenue, saisissez-la. Saisissez le moment », avait-il déclaré. De son point de vue, une victoire de Kiev aboutissant à l’expulsion des Russes hors d’Ukraine paraissait hors d’atteinte. Il fallait donc ouvrir les portes de la négociation sans tarder.

Ce n’était certainement pas la vision de l’administration Biden, et encore moins celle de Zelensky. Pas question de concéder le moindre gain aux Russes, la guerre devait se poursuivre quoi qu’il en coûte. La politique et la communication l’emportaient donc sur la réalité du terrain.

Quelques mois plus tard, Bakhmout, cernée par l’armée russe, s’apprête à tomber. Zelensky ne veut surtout pas donner le sentiment que ses troupes reculent ou qu'elles se retrouvent bloquées dans une impasse. Les sirènes appelant à des négociations redonneraient aussitôt de la voix. Il faut donc tenir, à tout prix et, sans doute, préparer un coup d’éclat qui fera diversion.

Entre-temps, il a donc fallu modifier le « discours », car certains experts s’interrogeaient sur le pourquoi de cet entêtement. Sur le site américain 19FortyFive, l’ancien lieutenant-colonel Daniel L. Davis notait que depuis la perte de Soledar en janvier, les dirigeants ukrainiens auraient pu retirer leurs troupes de manière ordonnée pour occuper de nouvelles positions et sauver ainsi des milliers de vies. Au lieu de cela, le commandement ukrainien avait été contraint de faire appel à des réserves dans le nord et dans le sud qui diminuaient d’autant les forces disponibles pour une contre-offensive au printemps.

Raisonnant en militaire de terrain, l’expert américain ne voyait pas que Zelensky privilégiait, une fois encore, la bataille de la communication. Interrogé, lundi dernier, par CNN, un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhailo Podolyak, déclarait qu'en réalité, en défendant la ville, l'Ukraine gagnait du temps pour reconstituer ses forces et infliger de lourdes pertes aux armées russes : « Même si les dirigeants militaires décident à un moment donné de se retirer vers des positions plus favorables, la défense de Bakhmout sera un grand succès stratégique pour les forces armées ukrainiennes et le fondement d’une future victoire. » La déroute annoncée serait donc un succès, il ne fallait pas en douter.

Et, d’ailleurs, Zelensky l’avait assuré, les commandants en chef des forces armées ukrainiennes s’étaient prononcés en faveur d'un renforcement des positions dans la ville. Le 6 mars dernier, le journal allemand Bild avait pourtant fait entendre une tout autre histoire : d’après des sources au sein de la direction politique à Kiev, le commandant en chef, le général Zaloujny, s’était opposé au président ukrainien et avait recommandé depuis plusieurs semaines de se retirer de Bakhmout pour des raisons tactiques. Bild ajoutait que ses reporters avaient parlé à des dizaines de soldats à Bakhmout, au cours des derniers mois, qui, tous, considéraient que la retraite aurait dû avoir lieu depuis longtemps. « Si nous sommes complètement encerclés ici, ce sera un désastre », avait confié aux journalistes allemands un des soldats.

Le jour où paraissait cet article, The Economist publiait les résultats d’un sondage qui révélait que les Américains et les Européens étaient de moins en moins enthousiastes à l'idée de fournir une aide supplémentaire à Kiev. Une « tendance inquiétante » pour le magazine londonien, qui insistait sur l’importance fondamentale du soutien des pays occidentaux. Un soutien au cœur de la guerre de l’information. Bakhmout devra donc tenir jusqu’au dernier Ukrainien.

Picture of Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

33 commentaires

  1. Comment vérifier que Zelensky est vraiment allé à Backmout. Et toutes ses simagrées pour apitoyer les américains et les européens semblent réussir ; il est arrosé à coups de milliards de dollars ou d’euros sur le dos des français qui triment en ce moment. Une aide à fonds perdus car la Russie restera sur ses positions et conservera lecDonbass et la Crimée ce qui est d’ailleurs légitime et historique.

  2. A la chute du pacte de Varsovie l’Otan avait promis verbalement de ne pas faire un seul pas vers l’Est de l’Europe, total elle à avancé jusqu’aux frontières de la Russie sauf dans quelques pays comme la Finlande (problème réglé) la Biélorussie (échouage) mais aussi l’Ukraine, après une promesse de la faire entrer dans l’UE et surtout l’Otan plus une élection contestable çà été inacceptable pour la Russie d’où l’actualité présente. Un bloc Chine Russie est inconcevable économiquement pour les USA.

    • Bravo pour avoir le courage de le dire mais les bonnes relations que nous avions avec la Russie seront-elles à nouveau possibles? Les US feront tout contre en se servant des autres…

      • Si les français, avec un cerveau et la culture qui va avec, se regroupent et font entendre leur voix la chose est possible.

    • Les (dit démocrates) américains peuvent remercier le trio Sarkozy-Merkel-Hollande pour leur trahison à l’Europe avec les accords foireux de Minsk.

  3. L’entêtement de Zelinski nuit au peuple ukrainien qui en paie la facture. Si j’en juge par ses demandes d’armes il faudrait lui donner notre armée et encore cela ne suffirait pas. Voilà où mène l’élection d’incapables à la tête de pays. Nous n’en sommes pas loin chez nous.

    • Et comme dit un proverbe : « Ce sont les parents qui boivent et les enfants qui trinquent ».

  4. Les services de renseignements israéliens donnent des chiffres qui paraissent plausibles selon les médias turcs :

    Ukraine : 157000 soldats tués 243000 blessés 17230 prisonniers
    OTAN. : 2458 « conseillers «  tués 5360 mercenaires tués
    Russie : 18480 soldats tués 44500 blessés 323 prisonniers
    Chiffres parus sur le site Place d’Arme

  5. Jusqu’au dernier ukrainien oui , car la troupe ukrainienne a quitté Bakhmout depuis plusieurs jours, du moins ce qui restait de la troupe.

    • La troupe? Vous voulez dire tous les étrangers volontaires pour la guerre? Oui celle là est partie se mettre à l’abri. Ne reste plus que des Ukrainiens enrôlés de force qui vont y laisser leur vie. Les vidéos montrant le « ramassage » forcé de civils Ukrainiens est suffisamment parlant pour se rendre compte de l’immoralité de Zelinsky et de ses sbires.

  6. Un conflit organisé de toutes pièces par le billet vert pour installer le chaos en Europe et pouvoir récupérer de beaux restes au nom de la liberté. Toujours la même musique . La guerre est à wall street ce que le poisson est au pêcheur. Les deux sont indissociables.

  7. Il y a 6 mois je m’inquiètais de l’envoi d’armes sans contrôle à un pays dont la moitié des politiques sont mafieux. L’autre moitié sont fous de haine vis à vis des russes. Une partie de ces armes se retrouveraient en vente. Voir si c’est encore trop tôt pour ne pas être censuré.

    • Vous avez tout à fait raison, il en va de même pour les médicaments et toutes les aides. En Ukraine, les caisses sont vides mais les poches pleines. Il est grand temps de dire STOP à ce conflit.

  8. Dans notre monde de communication, la victoire totale sur la Russie est déjà brillamment acquise et finalement, c’est bien la seule chose qui compte. Alors, s’il vous plait, regardez un peu plus les « informations » du service public, vous vous sentirez mieux et ne ruminerez plus des choses tristes.

  9. Combien de soldats ukrainiens en vie après ce conflit ? selon certaines sources l’espérance de vie d’un soldat sur le front de Bakhmout est de 4 jours…Zélensky est un criminel de guerre qui fait tuer son peuple sans aucun remord.

  10. Tous ces gens qui soutiennent Zelinsky ne se rendent pas compte qu’il envoient à la mort des jeunes ukrainiens de 16 ans qui sont enrôlés de force et placés en 1ère ligne. Ils sont envoyés à la mort au nom du Bien, pour l’égo des américains et de leurs esclaves européens. Ces derniers ne parlent jamais de paix. Jamais. Entre la promotion de l’avortement, de l’euthanasie, de la stérilisation et le soutien de la guerre contre la Russie, l’occident n’a que la mort à proposer. On me rétorquera que c’est la Russie qui a attaqué la première…Sauf que l’histoire ne commence pas le 24 février 2022 et à l’analyse, la Russie n’avait pas d’autre choix. Après 30 ans de provocation de l’OTAN, de l’Ukraine manipulée par le clan Biden notamment et de l’occident en général, elle a compris que c’était le seul moyen pour se faire respecter. Du coup, le reste du monde reprend espoir d’un monde multipolaire débarrassé de l’hégémonie et de règles toujours favorables aux USA. Il y a ceux qui frappent les premiers pour se défendre et il y a ceux qui allument les bougies…

    • Quelle belle analyse. En effet, la Russie n’a fait que venir au secours des Russes martyrisés par les Ukrainiens et vivant près de sa frontière et le non respect des accords de Minsk bafoués.

  11. La retraite victorieuse est pour bientôt soutenue comme à son habitude par nos médias propagandistes…

  12. En fait, ce n’est pas la Russie qui va détruire l’Ukraine. Ce sont les USA et l’EU. En finançant l’armement ukrainien. Cynique paradoxe.

  13. Zelensky envoie sur ordre de l’UE et des USA, ses troupes se faire systématiquement éliminer par le rouleau compresseur russe. Des milliards que reçoit l’Ukraine pour poursuivre cette guerre qu’elle perdra c’est insensé. La Russie n’a pas l’intention d’annexer l’Ukraine, il n’y a que le Donbass et la Crimée qu’elle défend et veut garder. La France s’imagine qu’on peut détruire une Nation aussi puissante que la Russie en misant sur une victoire Ukrainienne alors qu’elle devrait rester neutre face à ce conflit qui ne regarde que la Russie. Les français au lieu de voir l’économie du pays sombrer et d’être privé de certaines ressources feraient mieux de ne pas faire chorus avec les États belliqueux européens pour envoyer de l’armement et être favorable aux sanctions. Résultats la France s’appauvrît et les français souffrent.

    • Mais Macron n’en n’a que faire. Il boit ses bières en boîte de nuit alors que les Français sont dans la rue. Un tel mépris est honteux et inacceptable. Ce n’est pas un Chef d’Etat mais un guignol, un fanfaron (et je suis polie).

  14. Les plus à plaindre sont tous ces jeunes qui servent de chair à canon pendant que les reptiliens se frottent les mains et comptent les points pour asservir les peuples européens

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois