Ukraine : les fact-checkers de Libé, idiots utiles de la guerre de l’information ?

Une vision très unilatérale qui pose question.
1280px-Libération.svg

Le journal le constate avec gravité : « Plus que toute autre période, celle des guerres est sujette à la désinformation, qu’elle émane de sources inconnues ou d’autorités officielles. » Aussi, dans le cadre de la crise en Ukraine, le service CheckNews de Libération nous indique être pleinement mobilisé pour « démêler le vrai du faux ».

Le 2 mars dernier, les fact-checkers de Libé se sont penchés sur un cas complexe : la question de l’extension de l’OTAN à l’Est.

En mars 2014, à la suite de l’annexion de la Crimée, Vladimir Poutine tient un discours au Kremlin. Il s’en prend vivement aux Occidentaux. « Ils nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion [de l'OTAN] vers l’Est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières. »

L’OTAN contre-attaque peu après en évoquant « le mythe de la “promesse non tenue” », tout en se livrant à de subtiles acrobaties sémantiques : « Il n'y a jamais eu, de la part de l'Ouest, d'engagement politique ou juridiquement contraignant » de ne pas élargir l'OTAN. Oui, bien sûr, certaines « conversations » avaient pu donner aux Soviétiques de fausses impressions, mais ils avaient mal compris.

On se souvient, notamment, de la déclaration du secrétaire d’État américain, James Baker : « La juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est. » Seulement, rien de « juridiquement contraignant », pour reprendre la formule otanienne, et puis, autre argument, la fin de l’Union soviétique allait créer « une situation complètement nouvelle ». Alors, peu importe ce qu’on avait bien pu dire avant.

Deux récits, deux interprétations, et une vraie guerre de l’information relancée par l’invasion de l’Ukraine.

La fact-checkeuse de Libération, Emma Donada, a donc fait appel à deux « spécialistes » censées nous apporter une garantie de neutralité académique. Problème : leurs propos collent quasiment mot pour mot avec l’argumentaire de l’OTAN. Une vision très unilatérale qui pose question.

Qui sont ces « chercheuses » ?

La première, Johanna Möhring, est présentée comme « chargée de recherche » à l’université de Bonn.

Elle a effectivement une expertise de l’OTAN puisqu’elle y a travaillé comme stagiaire, ainsi qu’elle l’indiquait dans un document de l’association Women In International Security (WIIS) dont elle est l’« ambassadrice » pour la section française. Cette association a été fondée par une ancienne secrétaire d’État américaine à la défense, représentante auprès de l’OTAN. Et la branche française, dont fait partie Johanna Möhring , a, par le passé, remporté un appel à projets lancé par la représentation permanente des États-Unis auprès de l'OTAN. Johanna Möhring , comme l’autre spécialiste consultée par Libération, Amélie Zima, est également membre du Centre Thucydide, rattaché à l’université Paris-II.

Ce think tank français est financé pour partie par le ministère des Armées via la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Sa directrice, Alice Guitton, est une ancienne représentante permanente de la France auprès de l’OTAN. Le Centre Thucydide réalise notamment des études sur appel d’offre pour la DGRIS. Il indique également « parrainer » l’antenne française de l’association WIIS, qu’il domicilie. La responsable de WIIS Italie, Irene Fellin, a été nommée en 2021 secrétaire général de l’OTAN pour les femmes, la paix et la sécurité.
Il y a quelques années, Johanna Möhring se présentait également comme « senior fellow à l'Institute for Statecraft » de Londres.

Problème, comme le journal La Croix le rapportait en décembre 2018 : cet institut avait fait scandale outre-Manche à la suite de révélations du collectif de hackers Anonymous.
Des documents accablants révélaient que, sous couvert de lutte contre la désinformation en provenance de Russie, l’institut avait développé un réseau de propagande associant « des représentants des communautés politiques, militaires, universitaires et journalistiques ». L’Institut Statecraft était, en réalité, financé par les ministères des Affaires étrangères et de la Défense britanniques ainsi que par… l’OTAN. Tout un écosystème, au cœur de la guerre d'influence et d'information.

Et, manifestement, il n'y a pas que la Russie qui soit à la manœuvre.

Ça valait la peine de « checker » !

Picture of Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

22 commentaires

  1. La question est : libération ne vend plus ou presque rien , n’a plus de lecteurs et pourtant fait parler de lui .Qui finance sinon le gouvernement avec nos impôts .Non nous ne sommes pas d’accord cet argent doit aller dans l’éducation , la sécurité et les soins .Stop .

  2. Pour interessantes qu’elles soient au niveau de l’information juridico-politique internationale, ces révélations passeront certainement au dessus de la tête du citoyen moyen qui, (pour parler comme le fit Edith Cresson en son temps) n’ a « rien à cirer » de positions ou contre positions extérieures à ses préoccupations pratiques .
    D’ailleurs, quel est le tirage de « Libération » ???

  3. Les éditorialistes de BV devraient boycotter Libé, et d’un ! On ne peut attendre aucune honnêteté ni vérité du journal de référence de la gauche marxiste/trotskiste, et de deux !

  4. Ce n’est certainement pas dans le journal Libération qu’il faut aller chercher des informations, qu’elles soient françaises ou étrangère.

  5. Libération organe de gauche où il était interdit d’interdire, seulement, Libé a évolué avec le temps. Maintenant il est interdit de ne pas penser comme eux.

  6. Alors la, on est sauvés. Il y a d’un côté une Europe désarmée et pas organisée et de l’autre Une democrature possédant la deuxième armée du monde. On joue au jeu de c’est pas moi qui l’a dit face à 60000 chars. Personne n’ecrasera la Russie. La seule question maintenant est comment on en sort. Personne n’humiliera Poutine. Souvenez vous que pour refroidir là guerre en 45 il a fallu lâcher les polonais les tchèques et bien d’autres. Ils s’etaient Pourtant battus comme des lions pour la victoire

    • Souvenez vous! la révolte des Juifs du ghetto de Varsovie en 1944! ( par Mordechaï Anielewicz, leur chef) ils se sont battus comme des tigres enragés…puis finalement écrasés par les nazis,( général Jürgen Stroop, criminel de guerre) malgré des parachutages – hasardeux – d’armes par les Anglais…et l’armée soviétique, très proche, est restée l’arme au pied! sans intervenir; ordre de Staline!!

  7. Bonjour,
    Je ne comprends pas !
    Libération est aujourd’hui un journal mort, sans lecteurs, en dehors de quelques journalistes, qui n’existerait plus depuis longtemps, tout comme le Monde, d’ailleurs, s’il n’y avait le système de subornation à la pensée officielle par le biais des subventions.
    Nous, petit peuple, ce qu’écrit, dit ou fait « Libé », on s’en fout ! Alors arrêtez de nous en parler et tout ira mieux.

  8. Dès les années Mitterrand Libé contenait les trois quarts des pages à pleurer sur la « condition miséreuse » des immigrés et le reste à des articles sociétales orientées ainsi que foule d’annonce LGBT les unes plus vulgaires et pornographiques que les autres.

  9. Libération et la désinformation (très orientée), c’est une longue histoire. Déjà du temps de S. July avec l’affaire de Bruay en Artois…

  10. Libé un média neutre ? Quand on se souvient de ses prises de position pour le mariage pour tous, pour la PMA et la GPA, pour une immigration démesurée, pour la légalisation du cannabis, pour l’écriture inclusive, contre MLP et Zemmour, on a des doutes on ne peut plus sérieux.
    Quant aux « fast checking » à la mode dans tous les médias, il est très facile de démontrer qu’ils sont orientés selon le média qui les utilise.

  11. Libération est en effet une référence incontestée en matière de désinformation.

  12. la suppression de la télévision RT nous donne la mesure de l intéret porté par l UE a la pluralité de l information…

  13. Libération! Un titre qui ne survit que grâce aux subventions du gouvernement (c’est à dire l’argent de nos impôts) et qui prétend à la neutralité…C’est tout simplement pitoyable…

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Pourquoi prétendre être fort avec la Russie quand on est faible avec l’Algérie ?
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois