Un ancien officier français détenu depuis un an à Madagascar : sa fille parle à Boulevard Voltaire
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Le silence est pesant sur le sort de Philippe François. Ce colonel passé par Saint-Cyr et les troupes de Marine, chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite, titulaire de la croix de guerre TOE [théâtre des opérations extérieures, NDLR] et de la croix de la Valeur militaire, devenu récemment homme d’affaires, est depuis un an détenu dans des conditions difficiles dans les geôles de Madagascar. Sans que l’opinion ni la plupart des grands médias ne se mobilisent massivement. Ce silence, sa fille, Constance Wagner-François, a décidé de le briser en racontant à quelques médias son combat. Elle a dit à Boulevard Voltaire ce qu’elle perçoit comme une grave injustice, rompant pour cela avec les consignes de discrétion données par l’État. La fille de Philippe François, âgée de 28 ans, dénonce « un manque d’humanité ».
« Cela fait deux mois et demi que nous demandons un check-up de santé complet, s’alarme-t-elle. Il est soumis au stress, il a perdu 20 kg, il a peur d’un cancer. » À ses questions, le service concerné du ministère des Affaires étrangères répond que son père va bien.
Insuffisant pour la jeune femme qui s’est mariée sans la présence de son père, arrêté quelques jours avant la cérémonie alors qu’il s’apprêtait à quitter l’île pour la France. Depuis le 20 juillet 2021, Philippe François, père de six enfants issus de deux unions, croupit en effet dans les geôles de Madagascar dans des conditions très difficiles. « Il a passé cinq mois à l’isolement dans l’une des pires prisons du monde, celle de Tsihafahy, raconte-t-elle. Et il attend depuis plus de six mois l’ouverture de son procès en cassation à Madagascar. »
Philippe François est dans de très mauvais draps. En décembre 2021, il a été condamné par la justice malgache à dix ans de travaux forcés pour atteinte à la sureté de l'État, association de malfaiteurs et complot en vue d’assassiner le président malgache Rajoelina toujours en poste. Son ancien associé durant trois mois, Paul Maillot-Rafanoharana, a écopé du double : 20 ans de travaux forcés ! La police malgache aurait trouvé chez Paul Maillot un fusil à pompe et l’équivalent de près de 200.000 euros en liquide. C’est cette association avec Paul Maillot-Rafanoharana, saint-cyrien comme Philippe François mais exclu de l’armée, lui, qui semble avoir entraîné l’arrestation. Paul Maillot a critiqué le pouvoir en place et a émis le souhait de s’engager politiquement contre le président Rajoelina. A-t-il froissé au sommet de l’État qui aurait associé les deux hommes dans sa réprobation ?
« Les faits ne sont pas là, les preuves ont été manipulées, proteste Constance Wagner-François. Une clé USB à charge a été modifiée au lendemain de l’arrestation. »
Le plus difficile, pour la jeune femme ? « Le sentiment d’injustice et surtout cet abandon par le propre pays de mon père, ce pays qu’il a servi pendant 25 ans. »
Avant le malheureux épisode malgache, la carrière militaire de Philippe François est sans nuages. Bien classé, le jeune officier de la promotion Lieutenant Tom Morel de Saint-Cyr, né en 1967, choisit les troupes de marine, une arme d’élite. Il obtient de nombreuses récompenses sur les théâtres d’opération.
Breveté de l'École de guerre, il commande le régiment de marche du Tchad de 2010 à 2012 puis quitte l'armée en 2013 pour un poste de cadre supérieur à la FNAC, puis dans la logistique (FM Logistic, XPO) avant de partir pour Madagascar en janvier 2020. Il y prend la direction générale de SmartOne, une société de solutions d’intelligence artificielle, et participe à la création de Tsara First, un fonds d’investissement pour le développement économique de Madagascar. Ses affaires malgaches ne rencontrent pas un grand succès, si bien qu’il décide de rejoindre sa famille en France au printemps 2021. Un emploi l’y attend. Son arrestation et son procès ont bouleversé ses plans.
Depuis, Constance Wagner-François se débat, déplorant l’absence de conseils juridiques. Elle voudrait que les autorités françaises demandent l’accélération du calendrier judiciaire et exigent une date de révision du procès. Une date qu’elle attend depuis plus de six mois.
Elle décrit son père comme « un militaire très carré, très opérationnel, un amateur de gadgets techniques, très organisé », amoureux « des projets qui améliorent la vie des gens ».
Enceinte, elle aimerait que son père profite de la joie d'une naissance familiale. Le 2 août 2022, Philippe François aura 54 ans et pas la moindre perspective de retour rapide à cette heure.
Contacté par Boulevard Voltaire, le ministère des Affaires étrangères n’a pas donné suite.
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