Un débat ouvert : les traites arabo-négrière et atlantique sont-elles comparables ?

« On ne peut pas comparer l’esclavage des mondes musulmans et la traite atlantique » : recueillis par L'Obs, ces mots de l’historien M’hamed Oualdi surprennent. N’a-t-il pas participé à « une histoire comparée » des Mondes de l’esclavage (Seuil) ? Autre surprise, bonne celle-là : d’ordinaire, la traite arabo-négrière est tue, cachée, comme si elle n’avait jamais existé. L’exposition « Oser la liberté », au Panthéon ces mois derniers, faisait l’impasse totale sur le sujet : le but est toujours d’accréditer dans les intelligences que seule exista une traite occidentale blanche et chrétienne. L’interview de L'Obs va à l’encontre de l’oukase de l'ancien ministre Christiane Taubira selon lequel il ne faut pas culpabiliser les jeunes Arabes issus de l’immigration avec cette histoire de traite musulmane. C’est en soi un progrès.
M’hamed Ouali n’utilise pas l’expression « traite arabo-négrière » (trop racisée ?), récuse celle de « traite orientale » comme ne reflétant pas l’étendue géographique réelle de la pratique. Même s’« il est vrai que l’islam fournit un cadre juridique et des normes pour l’asservissement des êtres humains », il ne veut pas non plus qu’on parle de « traite islamique » au motif que, parfois, des musulmans (noirs) ont été réduits en esclavages par d’autres musulmans (arabes). N’est-ce pas un tantinet spécieux ? M’hamed Ouali préfère l’expression « l’esclavage dans les mondes musulmans ». Ce n’est pas sot : cela permet d’y inclure l’Empire ottoman.
Treize siècles de traite, avec castration systématique
Qu’est-ce qui rend non comparables, selon lui, les commerces d’ébène ? La simplicité de l’un (notre commerce triangulaire), la complexité de l’autre (« l’esclavage dans les mondes musulmans »). Mais cette complexité, c’est d’abord à sa durée qu’il la doit, et deux durées se comparent aisément. La traite orientale naît au VIIe siècle - avec l’islam, coïncidence ? - et dure jusqu’au début du XXe (sinon jusqu’à nos jours). Elle dure quatre fois et demie plus longtemps que la traite occidentale. Ses victimes s’en trouvent mathématiquement augmentées. D’autant que sa pratique ne fut pas exempte de cruauté surajoutée. L’historien franco-sénégalais Tidiane N’Diaye l’a écrit sans ambages : « Alors que la traite transatlantique a duré quatre siècles, c’est pendant treize siècles sans interruption que les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne. […] La plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains et de la castration généralisée. »
M’hamed Ouali jette le discrédit sur cet ouvrage : « Le livre ne s’appuie sur aucune source historique précise. » Il renouvelle là un tropisme musulman : « Saluée par le monde universitaire, écrivait Le Point en 2017, cette plongée dans le passé négrier du continent africain lui avait valu [à Tidiane N’Diaye] un mauvais procès de certains intellectuels musulmans et de nombreuses associations mémorielles. » M. Diaye dérange, qui a le verbe clair.
Les Blancs, coupables et surtout pas victimes
« Il ne doit pas y avoir compétition des souffrances », dit M’hamed Ouali. Il a raison, mais cela arrange ses affaires, lesquelles n’ont rien à voir avec la compassion. « Dire que les unes sont plus graves que les autres, c’est extrêmement dangereux », ajoute-t-il. Dangereux pour qui ? Pourquoi ? Une remarque de la journaliste qui l’interviewe, Julie Clarini, explique tout : la question de l’esclavage dans le monde musulman « est régulièrement instrumentalisée pour disculper l’esclavagisme européen ». Au-delà de telle ou telle raison « historique », il ne faut pas comparer les esclavages car la grande culpabilité de l’homme blanc s’en trouverait amoindrie.
Un homme blanc auquel, logiquement, le statut de victime est toujours refusé. Adoptant une posture « antiraciste », M’hamed Ouali n’envisage que les Noirs comme victimes. Omises, les victimes européennes razziées par les Barbaresques dans les îles et sur les côtes méditerranéennes (et parfois en Atlantique, jusqu’en mer du Nord), omis les chrétiens de l’Europe des Balkans réduits en servitude par l’Empire ottoman… Les tabous autour d'un certain esclavagisme ont la vie dure.

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37 commentaires
Mais ne devons nous pas à Najat Vallaud Belkacem une de ces lois « mémorielles » qui depuis la première loi de ce genre due à M. Pleven interdit d’évoquer des sujets qui fâchent la bienpensance ?
Il serait très intéressant de comparer toutes les traites y compris les razzias effectuées sur les côtes septentrionales de la méditerranée et les esclaves occidentaux détenus notamment à Alger.Et replacer cela dans un contexte historique plus large avec les pratiques esclavagistes des pays orientaux comme la Chine ou historiquement plus lointains comme la Rome antique. Parceque quasiment tous les pays ont pratiqué l’esclavage et ce sont les pays occidentaux, visés aujourd’hui par le wokisme, qui les premiers ont aboli cette pratique.
Tidiane N’Diaye. Le seul qui a eu le courage de communiquer le résultat de ses études. A consommer sans modération avec ses amis et autres.
Lisez ces trois livres : » Le coran révélé par la théorie des codes » ; » Le grand secret de l’islam » ; et » La laïcité , mère porteuse de l’islam » . Pour le premier ouvrage , faites-vous assister d’un mathématicien de haut niveau .
Le commerce triangulaire a été le fait d’une infime minorité de Français qui armaient des bateaux à cette fin. Il faut rappeler que les papes se sont opposés à ce commerce ce qui a conduit des catholiques à devenir protestants !
Moi, je me fie à Berard Lugan et me fiche de leurs élucubrations.
Depuis la nuit des temps, l’esclavage s’est imposé comme outil de production, la force physique étant longtemps restée la seule énergie disponible. Dans le monde occidental, c’est le charbon qui a libéré les hommes des chaines de l’esclavage. Rien de tel ne s’est produit dans le monde arabo-musulman, qui n’a pris en compte que très tard des énormes avantages d’une énergie abondante et bon marché. Sur le plan culturel, ce monde avait (a toujours) des références qui l’incitait à préserver l’esclavage sexuel. On peut constater le fait lors d’événement mineurs (Cologne, le 31 décembre 2016) comme d’événements majeurs (Israël, le 7 octobre 2023), et plus généralement partout en Europe où le nombre de viols augmentent avec le nombre de migrants. Il est donc temps de cesser cet interminable débat sur l’esclavage, qui a été le temps obscur de l’Histoire des hommes, un temps aujourd’hui révolu.
Bin non, l’esclavage chez nous a cessé en 1848, l’autre a continué jusqu’à nos jours….
Lisez le récit de son voyage au cœur de l’Afrique par Mungo Park. Il parle de l’esclavage tout au long du livre, mais y consacre un chapitre complet. Sur quatre Africains, trois étaient, d’une façon ou d’une autre, asservis. La plus grande traite esclavagiste est l’œuvre des Africains eux-mêmes. Si le récit de Mungo Park ne vous a pas donné de hauts de cœurs, renseignez-vous sur les « coutumes du Dahomey ».
Les traites à plus longue distance, vers les Amériques ou vers le Moyen-Orient n’étaient que branches commerciales d’un marché généralisé.
Pour savoir ce qu’était la traite Arabo-Musulmane, il n’y qu’ relire David Livingstone ! Sa statue domine toujours les chutes Victoria !
Les occidentaux ont voulu les imiter à partir de 1444 (portugais, vite suivis par les néerlandais et les anglais), et maintenant, c’est nous qui trinquons pour tout le monde…
L’art 4 du traité de Fontainebleau du 11 avril 1814 exilant Napoléon à l’île d’Elbe prévoyait : « Toutes les puissances s’engagent à employer leurs bons offices pour faire respecter par les Êtats barbaresques le pavillon et le territoire de l’île d’Elbe, et pour que, dans ses rapports avec les Barbaresques, elle soit assimilée à la France. » Au moment de renoncer à l’Empire , l’ex-enfant de Corse grandi dans les récits des razzias barbaresques éprouvait cette terreur: être enlevé par les esclavagistes d’Afrique du Nord. ..
Pour autant que je sache , lorsque les Européens ont découvert les côtes d’Afrique de l’Ouest , la traite africaine et musulmane était très bien organisée et prospère , et ils sont arrivés en nouveaux clients d’un commerce florissant .
Ca n’exonère personne , c’est juste un éclairage sur la différence de nature de la traite occidentale .
Les propriétaires d’esclaves d’avant la guerre de Sécession avaient tout intérêt à ce que leur « cheptel » se reproduise, d’où le nombre de Noirs aux USA. Les mâles européens razziés autour de la Méditerranée étaient le plus souvent castrés (en Corse notamment.) Sans quoi le Maghreb serait aujourd’hui largement peuplé de Noirs…
L’esclavage a hélas toujours existé et dans toutes les sociétés. Il prend simplement parfois des formes moins ignobles. Prenez par exemple les autoentrepreneurs exploités au mépris de toute limite par des entreprises qui disent vous simplifier la vie, la votre mais pas celle de ces esclaves modernes qui sonnent à votre porte.