Un jihadiste fait un procès à la France… pour revenir et être jugé en France !
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Un terroriste français étant détenu en Syrie après y avoir combattu pour l’État Islamique (EI), et faisant aujourd’hui un procès à la France pour la forcer à le rapatrier puis à le juger… Il faut se pincer pour y croire. D’autant plus que si les juges lui donnaient raison, la décision ferait alors jurisprudence, obligeant la France à accepter de rapatrier tous ses ressortissants restés en Syrie après y avoir guerroyé, contre le régime de Bachar El-Assad ou quelque autre bande rivale. Incroyable ? C’est pourtant très exactement la question sur laquelle devra d’ici quelques semaines se prononcer la cour administrative d’appel de Paris, saisie le 12 février par l’avocat d’un certain Adrien Guihal.
C'est par sa voix que les attentats de Nice et de Magnanville avaient été revendiqués
Adrien Guihal, l’un des plus hauts dignitaires français de l’État islamique, demande son rapatriement en France
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La « voix » de l’État islamique
Le quidam, surnommé Hamza par ses proches, est plus connu sous son nom de guerre, Abou Oussama al-faransi, pseudonyme qu’il prétend n’avoir pas choisi par admiration pour l’illustre Oussama Ben Laden, mais en hommage à un compagnon du prophète Mohamed (Mahomet). Son CV vaut qu’on s’y arrête, témoignant d’un parcours pour le moins « chargé ». Les services antiterroristes français ont de lui un souvenir plutôt sonore, Adrien Guihal ayant un temps été la « voix » d’EI, notamment sur les ondes de la station de radio de l’EI, Al-Bayan. On lui devrait plusieurs revendications enregistrées d’attaques terroristes sur le sol français, et notamment l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville puis l’attentat de Nice en 2016. Mais Il était déjà à l’époque un activiste chevronné et reconnu au sein de son organisation. Après une enfance passée en Seine-Saint-Denis, il s’est converti à l’Islam en 2002, avant de faire deux voyages en Égypte en 2006 et 2007 où il a appris l’arabe, mais s’est aussi inscrit, comme le précise une enquête de Libération, « sur le forum jihadiste Ansar al-Haqq (Les partisans de la vérité), où se côtoient textes religieux et propagande d’organisations terroristes », et dont il était vite devenu le modérateur, puis l’administrateur.
Projet d’attentat contre les Renseignements généraux
De retour en France, où il fréquentait les librairies islamistes de l’Est parisien, sa radicalisation a été facilitée par des fréquentations salafiste peu pacifiques, dont un autre jihadiste français bien connu depuis des services de police, le Toulousain Fabien Clain. En 2008, il a été arrêté et détenu en préventive pour un projet d’attentat contre le bâtiment des renseignements généraux à Paris pour « protester contre la présence militaire de la France en Afghanistan ». Il a été jugé et condamné en 2011 à quatre ans de prison ferme. À sa libération, il a alors opéré une apparente « reconversion » dans un garage automobile dans le Val d’Oise. Mais l’amour de la mécanique ne l’a pas empêché pas de fréquenter à nouveau et avec assiduité les milieux jihadistes locaux. On a ensuite trouvé trace de lui à la mosquée de Stains, fermée pour activisme jihadiste peu après son départ, avec sa famille et des « amis » radicalisés pour un périple en Europe. Soupçonné « d'avoir joué un rôle dans au moins un attentat évité de justesse en France : l'attaque de l'église de Villejuif (Val-de-Marne) », Adrien Guihal a fait l’objet d’un mandat d’arrêt en septembre 2015, alors qu’il avait déjà rejoint la Syrie depuis le printemps. Il y a participé aux combats qui font rage en Syrie, mais alors qu’il cherchait à fuir une offensive en se dirigeant vers la Turquie, il a été arrêté en mai 2018, en compagnie de sa femme et de ses enfants, à Raqqa (capitale de l’EI à l’époque) par les troupes kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Rapatrier… Ou pas ?
La doctrine de la France concernant les activistes islamistes (et leur famille pour certains), partis en Syrie ou en Irak pour le djihad a été depuis plutôt louvoyante. En 2019, leur rapatriement et leur jugement éventuel en France tenaient la corde. Or Adrien Guihal était toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt, et les autorités kurdes semblaient alors d’accord pour le livrer à Paris. En France, le maire de Nice, Christian Estrosi, réclamait haut et fort son extradition. Mais si les arguments des uns en faveur du rapatriement semblaient clairement motivés par un souci de résolution des affaires judiciaires en cours, dans l’intérêt supposé de la France, ceux d’autres étaient plus flous et ne se réclamaient pas du seul intérêt national. En octobre 2019, Anthony Dworkin, un universitaire enseignant notamment à Sciences Po Paris, publiait ainsi une analyse sur la question des rapatriements dont l’angle n’avait plus rien de Français mais relevait au contraire d’une vision européenne, voire américaine du problème. En y regardant de plus près, on s’aperçoit alors que son article a été publié par une organisation (qui l’employait) européenne : l’European Council on Foreign Relations, organe d’influence financé par l’Open Society de George Soros, dans laquelle BV a eu l’occasion de rappeler récemment l’implication de l’ancienne ministre et proche d’Édouard Philippe, Nathalie Loiseau.
Mais d’autres voix ont aussi commencé à se faire entendre, pour faire remarquer qu’un retour massif d’activistes devenus des guerriers aguerris ne serait peut-être pas très raisonnable. La doctrine officielle française a donc quelque peu évolué, et les autorités françaises préfèrent aujourd’hui qu’Adrien Guihal continue son séjour chez les amis kurdes. Mais ce n’est plus le souhait de l’intéressé. Entre temps, en Syrie, Assad est tombé, remplacé par un régime islamique, ce qui change quelque peu la donne.
À l’évidence, le sort des jihadistes baladeurs intéresse beaucoup de monde, et reste aujourd’hui un enjeu suffisamment stratégique pour que l’État français souhaite maintenir au loin des individus peu recommandables, et que l’(ex)État Islamique veuille au contraire obtenir, par tribunal interposé, un « regroupement familial » d’un nouveau genre. Réponse très bientôt.
![Picture of Etienne Lombard](https://media.bvoltaire.fr/file/Bvoltaire/2023/10/E-Josse-300x300.jpg)
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