Un militaire à la tête du pays : pourquoi pas ?

Saint-Cyr

France, pays de paradoxe ! La semaine dernière, ici même, nous soulignions le fait qu'il y a plus de quarante ans qu’un militaire ou ancien militaire de carrière a été appelé au gouvernement. Rappelons-nous, c’était le général Bigeard. Et encore, il ne fut que secrétaire d’État ; et même si son action, très courte (à peine dix-huit mois), fut salutaire pour la condition militaire qui avait été passablement oubliée sous de Gaulle et Pompidou, il faut bien le reconnaître, cette action fut circonscrite à un domaine restreint qui n’embrassait pas tout le fonctionnement de l’État.

Il y a encore dix ou quinze ans, le citoyen « lambda » aurait été bien en peine de citer le nom du chef d’état-major des armées. Toute personne qui suit un minimum l’actualité est capable de citer, aujourd'hui, le nom du général de Villiers, il est vrai pour les raisons que l'on connaît, et - il faudrait faire le test – on trouvera sans doute plus de Français « lambda » capables de donner le nom du chef d’état-major des armées actuel que celui du directeur de la police nationale. Pourtant, le second, comme le premier, passe dans les matinales radio ou télé. Mais sitôt la matinale terminée, le militaire rentre dans ses quartiers avec peu d'espoir d'être appelé un jour au gouvernement...

Mais voici qu'un sondage Odoxa, rapporté par Le Point, nous révèle qu’un Français sur deux serait favorable à l'idée qu'un militaire prenne la tête du pays, en cas de nouveaux attentats. Un sondage commandé par l’éditeur Jean-Claude Lattès à l’occasion de la sortie d’un roman de politique-fiction du journaliste Henri Vernet, Article 36, qui imagine la prise de contrôle du pays par les militaires. Après tout, on sait bien faire appel à l'armée pour ramasser les poubelles.

Au fait, qu’est ce que l’article 36 ? C’est l’article de la Constitution qui permet d’établir l’état de siège. État de siège : un truc qui fait frémir et resurgir du vieil album tout un tas d’image d’Épinal. L’armée qui fusille dans les fossés de Satory, le couvre-feu, les chars au coin des rues, etc. Il convient, cependant, de préciser que l’état de siège est décidé en Conseil des ministres, qu’il s’applique pour une durée et un territoire déterminé, que sa prorogation doit être votée par le Parlement. La mesure forte de l’état de siège est, évidemment, le transfert de pouvoir, pour le maintien de l’ordre et la police, des autorités civiles aux autorités militaires. Par ailleurs, il ne peut être déclenché que lorsqu’il y a "péril imminent du fait d’une insurrection armée ou d’une guerre" (loi du 9 août 1849). En 2016, après l’attentat de Nice, le député, alors LR, Frédéric Lefebvre avait demandé l’instauration de l’état de siège plutôt que la prorogation de l’état d’urgence. François Hollande, de son côté, avait estimé que l’état de siège n’était pas "adapté" à la lutte contre le terrorisme. C’était même, pour lui, "inconcevable". Question d’appréciation.

En tout cas, ce sondage révèle que les rapports à l’armée et aux militaires sont différents selon la coloration politique. Ainsi 66 % et 58 % des sympathisants RN et LR sont d’accord sur l’idée, en cas de nouveaux attentats terroristes, qu’un militaire prenne temporairement la tête du pays. Ils sont tout de même 49 % chez les sympathisants LFI, mais seulement 32 % chez les sympathisants PS et à peine 25 % chez les sympathisants LREM. Quelles conclusions en tirer ? Que l’électorat macroniste, plus urbain, plus éduqué, plus diplômé, plus bobo, plus tout que vous voulez, estime que le militaire reste une brute qui doit se cantonner à sa caserne ou se caserner dans son cantonnement ? À chacun de se faire son idée.

Maintenant, posons-nous la question : pourquoi un général qui a commandé des hommes depuis sa sortie de Saint-Cyr, Navale ou l'École de l'air, parfois dans des situations « compliquées », en opération extérieure notamment, serait moins capable de prendre les rênes de l’État, en particulier dans des périodes difficiles comme celle que nous connaissons aujourd'hui, qu’un jeune inspecteur des finances, sans vraie et solide expérience du « management », comme on dit maintenant ? Et puis, rappelons tout de même qu'un militaire est un ancien civil et qu'il le redeviendra un jour !

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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