Un mouvement inédit de préfets : pour le meilleur ou pour le pire ?

Prefet

Emmanuel Macron, c'est bien connu, veut être un grand réformateur. Après avoir supprimé l'ENA, il a supprimé les grands corps de fonctionnaires, notamment les préfets. La fonction ne disparaît pas pour autant, mais il souhaite ainsi rajeunir, diversifier les recrutements et instaurer une durée maximale d'exercice. De nouveaux visages issus de la société civile vont pouvoir se mettre au service de l'État. Avec ces réformes, n'en doutez pas, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

C'est ainsi qu'un important mouvement préfectoral a eu lieu en Conseil des ministres sur proposition de Gérald Darmanin, qui l'a présenté comme « le plus grand mouvement de la fonction préfectorale depuis sa création » : 31 préfets territoriaux et 5 préfets délégués. « C'est un renouvellement totalement paritaire » avec des « profils très différents », issus « du privé, de l'associatif, du syndicalisme », ce qui « marque une rupture profonde », a-t-il précisé. Si vous pensiez qu'on ne s'improvise pas préfet, détrompez-vous. Fini le temps du sous-préfet aux champs ! Voici le temps du renouveau et de l'efficacité.

Certes, on trouve quelques profils classiques parmi les nouveaux venus, mais certaines nominations ne laissent pas de surprendre. Thibault Lanxade est nommé préfet de l'Indre, comme s'il allait de soi qu'un bon chef d'entreprise sera aussi un bon préfet ; Lydia Guirous, issue du monde politique, porte-parole des Républicains jusqu'en 2019, nommée préfet délégué à l'Égalité ; Michaël Galy, directeur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg… Des personnalités de qualité, sans doute, mais ont-elles les compétences pour assurer la fonction de préfet ? Peut-être bénéficieront-ils d'une formation accélérée ?

La nomination la plus surprenante est assurément celle de Marilyne Poulain, ex-responsable de la CGT, très engagée dans le combat pour la régularisation des sans-papiers, qui devient « préfète » déléguée à l'Égalité des chances dans le Bas-Rhin. Dans un tweet, Julien Aubert, qui n'a pas sa langue dans sa poche, écrit : « Une syndicaliste nommée préfet […] qui s’est illustrée pour ses combats sur la régularisation des clandestins : voilà qui montre le sérieux du gouvernement sur ce sujet. La suppression du corps préfectoral aura servi à multiplier les nominations gadget. On coule. »

D'aucuns diront qu'il y a belle lurette que la France fait naufrage, mais force est de constater, quelles que soient les qualités personnelles de ces nouveaux préfets, que Macron détruit tout ce qui marche bien, comme s'il était démangé par la manie du changement pour le changement. De la même façon, il a mis en extinction deux corps d'encadrement supérieur du ministère des Affaires étrangères pour ouvrir les postes d'ambassadeurs et de consuls généraux à une plus grande diversité de profils. De même, les inspecteurs généraux de l'Éducation nationale, qui seront désormais en CDD.

Ce bouleversement dans le recrutement des hauts fonctionnaires est, comme la langue d'Ésope, la meilleure et la pire des choses. Il peut permettre, dans certains cas, de repérer, hors des viviers habituels, des personnes de grande qualité, mais il permet aussi, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général, d'en promouvoir de plus médiocres. Les préfets, qui devraient tous être de grands serviteurs de l'État, risquent fort, dans l'avenir, pour quelques-uns d'entre eux, de n'être plus que des larbins ou des copains du pouvoir.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

57 commentaires

  1. C’est curieux, mais malgré les « réformes » à répétition orchestrées par notre grand shadok réformateur, il y a toujours autant de fonctionnaires.

  2. Il est une chose que Macron n’a pas fait tomber. C’est le Mur des Cons. Et pourtant on aurait bien aimé qu’il fasse aux juges et aux procureurs ce qu’il fait aux préfets et aux diplomates …. juste pour voir la réactions des intéressés.

  3. L’ineffable Jean-Pierre Soisson à l’habitude de dire que l’Etat ne tient que par la solidité de deux corps : la Préfectorale et la Gendarmerie. Pour ce qui est du premier, le mal est fait comme on le voit. Pour ce qui est du second, l’affaire est en route avec la nomination d’un civil pour diriger des officiers supérieurs et généraux de l’Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale (IGGN). A quand un civil de nouveau comme Directeur Général ?
    Si les préfets, civils fidèles à leur engagement, n’ont pas réagi, je suis pas aussi certain des Gendarmes. Déjà les démissions vont bon train dans l’Arme, alors qui peut prévoir les réactions de militaires qui en ont assez de servir de bouclier sans défense voire d’essuie-pieds ?

  4. Les préfets comme les juges devraient être élus Marre de tous ces fonctionnaires inamovibles à vie mais le recrutement doit se faire uniquement sur compétence

  5. Les Préfets sont aux ordres, comme les militaires. Recruter des personnes de la société civile est très risqué, non pas politiquement mais administrativement car le job d’un préfet exige une connaissance parfaite des rouages de la république et des lois.

  6. « qui devraient tous être de grands serviteurs de l’État » de l’état oui mais le sont ils en réalité ? serviteurs du pouvoir plutôt !
    « risquent fort, dans l’avenir, pour quelques-uns d’entre eux, de n’être plus que des larbins ou des copains du pouvoir. »
    Mais n’est ce pas déjà le cas ? Les préfets ne font qu’exécuter les ordres venus d’en haut . Et si ceux la seront plus zélés sur certains sujets comme l’immigration cela permettra au politique de dire que le préfet est « indépendant » ! Alors du changement dans la « presque continuité » !

  7. La principale qualité d’un Préfet n’est pas d’agir au nom de telle ou telle idéologie, mais d’être aux ordre de l’Etat légitime. (S’il en existe encore un en France) Par conséquent, dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent faire abstraction de leur propres convictions, faire preuve de la plus grande neutralité et impartialité. Un peu comme les militaires. Nommer des préfets idéologues aura des conséquences néfastes. N’en doutons pas…Nommer des Préfets incompétents aussi.
    Mais avec le Macron, on a l’habitude. Un poste de Préfet pour BENALLA peut-être ?

  8. Il ferait bien de faire pareil dans la magistrature. Ce serait plus urgent de contrer le pouvoir de l’ENM et de son syndicat de la magistrature pour retrouver une vraie justice. Mais en passant par un vote plutôt que par le piston et le népotisme.

  9. Si l’on doit simplement répondre au titre de l’article c’est : Pour le pire ! Comme tout ce qu’entreprends ce gouvernement est forcément biaisé, la réponse va de soi.

  10. Le changement dans la Macronie, non seulement « coûte un pognon de dingue », mais il assure au maître de l’Élysée des sous-fifres corvéables à merci afin d’exécuter les basses besognes indispensables à l’effondrement de la République.
    Et c’est l’ex « meilleur élève » à Sarko qui s’y est mis à la manœuvre.
    Que du beau linge.

  11. Que ce soit les préfets de la nouvelle mouture ou de l’ancienne, ça ne changera pas grand chose. En effet les préfets, ne sont que la courroie de transmission des décisions élyséennes, ce qui est normal, ils ne sont pas la pour prendre des décisions, mais pour faire appliquer celles du chef de l’état. En dehors de ça ils peuvent avoir quelque initiatives, sur des sujets mineurs et limités. Beaucoup plus grave à mon avis, c’est la disparition des diplomates de métier qui eux savent ne pas manier le catastrophique « en même temps », cher à notre « guide ».

  12. Le corps préfectoral a toujours été lié au gouvernement en place, quel que soit sa politique : Préfets bonapartistes véhéments en Corse, aux ordres de Vichy sous Pétain ( c’est le Préfet de Loire Atlantique qui désigna aux forces d’occupation les otages à fusiller-affaire de Châteaubriand), Commissaires de la République chargés de « libérer » la France de ses Collabos réels ….Ou supposés tels; Préfets Gaullistes réprimant la sédition OAS après 1961, Préfets Giscardiens aux ordres du terrible Michel Poniatowsky etc….Le copinage du corps préfectoral avec le pouvoir en place a toujours été évident !

  13. Le risque majeur que les hauts fonctionnaires soient nommés à vie n’est-il pas que leur influence devienne supérieure aux directives des ministres ou du président de la république. On le constate dans le Ministère de l’Education nationale dont des universitaires hauts placés sont plus soucieux de combattre les grandes écoles d’ingénieurs (qui coûtent cher) au profit d’universités techniques (plus productives) que dans la recherche de la qualité de nos ingénieurs dont le pays a besoin. Il y a des fois où les CDD ont du bon.

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