Un phénomène nouveau : la science et la raison contestées à l’école

voile école

Voltaire doit se retourner dans sa tombe. Lui qui a contribué à la lutte contre les préjugés et à la conquête de la liberté d'expression serait stupéfait de voir comment, à notre époque, des professeurs sont confrontés à la défiance de certains élèves vis-à-vis de la science et du savoir. L'Express consacre une enquête à la progression de ce nouvel obscurantisme qui se développe partout, du collège à l'université, auquel un professeur de lettres, sous le pseudonyme de Laurent Valogne, a consacré un ouvrage, intitulé Ces petits renoncements qui tuent. De renoncements en renoncements, on laisse la bêtise supplanter la raison.

Une étude de l'IFOP, publiée le 9 décembre à l'occasion de la Journée nationale de la laïcité, permet de mieux saisir l'ampleur et l'évolution de ces atteintes au principe de neutralité religieuse dans l'espace scolaire. Elle confirme, notamment, que ces atteintes sont particulièrement répandues dans les établissements publics, qu'une majorité de professeurs ont connu l'expérience d'une contestation d'enseignements pour motifs religieux et se sont déjà autocensurés. Pire : les jeunes enseignants seraient plutôt favorables à un assouplissement des règles de la laïcité, ce qui montre que le mal s'est insinué dans l'esprit même de ceux qui devraient le guérir.

Il paraît évident que ces manifestations d'hostilité à certains sujets traités en cours ou les revendications communautaristes sur des menus à la cantine et des signes d'appartenance religieuse proviennent surtout d'élèves ou d'étudiants proches des courants islamistes, répétant par mimétisme ou par provocation ce qu'ils peuvent entendre en dehors de l'école. Mais ce serait simplifier le problème que de le restreindre à un refus de s'assimiler ou à l'affirmation d'une culture et d'une religion qui rejettent l'héritage judéo-chrétien et les valeurs qui l'accompagnent.

Ont également une part de responsabilité les professeurs qui se résignent à cette situation quand ils ne l'approuvent pas. De même, les personnels d'encadrement, qui continuent de pratiquer le « pas de vagues » pour ne pas attirer l'attention du rectorat ou du ministère sur leur établissement. Sans parler du wokisme, venu des États-Unis, qui, bien que minoritaire, s'empare insidieusement des esprits en perte de repères et s'impose comme une évidence. Sans oublier, non plus, la responsabilité de nos gouvernants qui, par conviction, lâcheté ou faiblesse, participent à cette perversion de la pensée.

Tous les repères sont bouleversés : la raison se confond avec la déraison, le vrai avec le faux, le bien avec le mal. Il faut rendre hommage à tous les lanceurs d'alerte qui dénoncent cette situation. Il faut aussi se montrer solidaire de tous les professeurs qui, quelle que soit leur sensibilité politique, ne renoncent pas à instruire, résistent à l'emprise de la pensée unique et cherchent à transmettre à leurs élèves des savoirs et des méthodes qui leur permettent de penser par eux-mêmes et non de répéter les slogans à la mode.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Lisez « Aristote au mont Saint-Michel » de Sylvain Gougeheim paru en 2008 et vous comprendrez ! Ce n’est pas un essai de politique, c’est une recherche universitaire totalement objective et factuelle

  2. Je me demandais comment des civilisations égyptiennes, grecques, romaines ou espagnoles qui avaient donné le jour à tant de savants et de philosophes avaient pu décliner pour redevenir sous-développées. J’ai la réponse : la civilisation occidentale suit le même chemin vers l’obscurantisme et la décadence. Jules Ferry (pourtant de gauche) avait créé une école d’excellence, ses descendants les gauchistes de Mitterrand (vous vous rappelez, tous ces barbus, à l’assemblée, en juin 81 !) ont tout détruit par laxisme, empathie et idéologie mortifère. Le 21me siècle sera dominé par les civilisations chinoises et ottomanes, plus rigoureuses.

  3. Une des multiples causes qui font que même le programme de Reconquête pour l’éducation et contre l’islam est un peu faible lorsqu’il faut lutter pour l’économie future du pays. Car il ne faut pas se leurrer, un pays qui ne forme pas d’élite compétente est condamné à sombrer économiquement. Qui plus est dans un contexte où l’énergie va devenir de plus en plus chère, les minéraux de plus en plus rare.
    En tant que formateur, j’ai pu constater que dès l’an 2000 le niveau des étudiants devenait catastrophique. Déjà aujourd’hui la France n’est plus capable de construire des fusées compétitives, des vaccins, des centrales nucléaires. La génération suivante sera encore plus lamentable.

  4. J’ai lu quelque part une citation qui disait en substance :  » les responsablesne sont pas ceux qui font mais ceux qui les laissent faire »…

  5. Le niveau ne s’est pas effondré encore davantage parce qu’effectivement il y a encore des enseignants résistants qui ont continué à faire leur travail, à savoir instruire, plutôt que de se faire des missionnaires de l’idéologie progressiste, par bêtise ou par lâcheté. Mais ces résistants se trouvent surtout chez les professeurs en fin de carrière, peut-être parce qu’ils ont connu une époque où l’enseignement méritait encore ce nom. Les jeunes générations sont souvent largement contaminées par l’idéologie bien pensante, ce qui ne laisse guère espérer un redressement à venir.

  6. Amelie Piat, le VII siècle ce n’est pas vraiment le Moyen Âge…C’est bien pire, c’est la fin de l’empire Romain d’occident, des désordres, la décadence…Un peu ce que nous vivons aujourd’hui, le confort matériel (pour combien de temps encore? )en plus.

  7. Il n’a jamais été facile d’exercer un métier, quel qu’il soit. Cela demande une remise en cause permanente. Quant à l’enseignement, ces dérives sont essentiellement liées à une grande faiblesse de la personnalité, de la formation et de l’autorité des enseignants nouveaux. 68 est passé par là. Le gant de velours a remplacé la fermeté. La soumission a remplacé l’affirmation de l’autorité. Dans le passé, le contestataire trop affirmé prenait la porte. A l’interro suivante, s’il ne savait pas, il avait une mauvaise note. Si en fin d’année ses résultats étaient désastreux, il redoublait ou changeait d’école. S’il n’avait pas le niveau, il n’avait pas la mention « très bien » au bac, bien trop légèrement attribuée de nos jours. C’est le grand nivellement par le bas lié à une grande déconstruction mise en œuvre par le Ministère de l’Education Nationale. Dans tous les domaines, quand la tête est gangrénée, le corps suit. Nous avons cette image de la France contemporaine.

  8. « Tout ce qui dégrade la culture, raccourcit les chemins qui mènent à la servitude  » A. Camus !
    Que des « ignorants » ignorent c’est normal
    Que des  » ignorants » ne veuillent pas s’instruire, ma foi tant pis pour eux
    Mais que des gens instruits se laissent contredire sur leur savoirs alors là c’est pire que tout !

  9. Les profs qui se plaignent de la manière dont ils sont traités par certains de leurs élèves, récoltent ce qu’ils ont semé. Pour être dans le coup, ils ont aboli les règles élémentaires de bienséance. On se laisse taper sur le ventre, on demande à se faire tutoyer et appeler par son prénom, on balance des vannes à deux sous, pensant se mettre gamins dans la poche… On ne peut pas, inciter des ados à participer, le samedi, à des manifs qui les dépassent, à défiler bras dessus bras desssous en leur faisant scander des slogans contre le gouvernement et l’autorité, leur montrer comment on peut défier la police, et exiger le lundi d’être respecté. Surtout avec des enfants dont beaucoup ont des parents qui les soutiennent, voire les incitent à défier la République… Exigence de repas spéciaux, port ostensible de tenues religieuses, exigence d’horaires séparés dans les piscines, remises en cause systématique du contenu des cours…

    • Bravo . L’essentiel est rappelé. Des évidences niées par ailleurs. Pour des êtres qui s’estiment au-dessus du lot, la remise en cause est très difficile car les vérités ne sont pas admises. L’excuse prédomine toujours. Comme le rappelle sans arrêt un certain premier de cordée « Ce n’est pas de ma faute, c’est l’autre ». L’image est reproduite et appliquée.

  10. Amelie Piat,
    tout ce que vous écrivez me semble bien vrai,
    mais s’il faut « remercier les politiques » pour le gâchis, il faut aussi, hélas, remercier le peuple français pour ce même gâchis les politiques font de bons boucs émissaires, mais ils ne portent pas tous les péchés de ce monde

    • Vous avez raison, mais ils portent tout de même 90% par leurs actions ou leurs inactions, ce qui est suffisant pour les dénoncer et justifie largement qu’ils se remettent en question, ou dégagent !

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