« Un vent les pousse » : Frédéric Bécourt confirme, avec son second roman
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Comment un romancier bien-pensant se trouve broyé par un système idéologique et totalitaire. Comment, au nom du bien, la plus aveugle et la plus froide des bureaucraties, portée par des bonnes volontés et un progressisme ravageur, essaye d’anéantir un père et sa fille. On pourrait penser à Orwell ou à quelque fantasme uchronique, dans ce nouveau roman de Frédéric Bécourt, mais à peine y décèlera-t-on une légère anticipation. Dans un récit enlevé et sans fioriture, Bécourt nous parle de descente aux enfers. Une famille déchirée, une journaliste, une fonctionnaire et une poignée d’éléments extérieurs : il n’en faut pas plus pour mesurer la pente glissante sur laquelle nous sommes tous engagés.
Un vent les pousse, c’est cet écrivain antimoderne qui s’est aussi attaché à cerner les travers et dérives de son propre « camp ». C’est un regard acéré sur la faiblesse de l’homme mais aussi sur les ressources qu’il parvient à mobiliser dans ses efforts désespérés pour s’en sortir. Dans ce roman, Bécourt réitère ce qu’il avait initié avec Attrition : la dénonciation de l’individualisme qui fait de chaque citoyen une proie facile par un État rapace qui, comme tout prédateur agissant en meute, sépare les individus du troupeau pour mieux le dépecer. L’homme liquide, sans racine ni famille, sans soutien ni barrière, véritable « chair à slogans » mortifères, regarde impuissant les vagues éroder son maigre récif sans qu’il ne puisse le quitter parce qu’il a oublié comment nager.
Ce deuxième roman, c’est aussi celui de la maturité. Dans Attrition, le lecteur pouvait finir par se lasser de l’aspect geignard du narrateur et de son insondable médiocrité. Le premier roman était sinistre par moments. C’est sans doute le travers de l’antimoderne, tellement peu à l’aise dans son époque qu’il choisit souvent de la subir sans réagir, de baisser les bras et de laisser son environnement dévorer ce que ses propres turpitudes ont laissé. Mais Un vent les pousse ne rend pas les armes. Il joint l’action à une révolte intérieure profonde, qui sont loin de pousser à la léthargie. Comme si l’auteur avait digéré les griefs pour les transformer en carburant.
On pourrait lui reprocher de trop donner dans les idées et les considérations philosophiques et politiques des personnages. Comme si l’auteur voulait être certain que le lecteur comprenne bien son propos. Mais il suffit de lire les quelques phrases que le personnage principal consacre aux raisons de son divorce pour être convaincu que Frédéric Bécourt n’a pas besoin de cours magistral sur les idées politiques. Il pourrait faire l’économie de certains dialogues intellectuellement brillants mais parfois superficiels.
Les spécialistes liront sans doute dans le média Avenue Foch un habile clin d’œil à un média que vous connaissez. Les connaisseurs du monde médiatique verront sans doute dans la jeune journaliste Léontine une synthèse entre plusieurs journalistes féminines qu’ils connaissent et apprécient. Il explore un univers qui grandit et prospère à l’ombre de ses puissants rivaux. De manière analogue, à l’ombre des grands éditeurs, Frédéric Bécourt trace un sillon de romancier prometteur.
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