Une chance pour la France ? Emmanuel Macron tente de reprendre pied en Orient
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Dans la vie quotidienne, l’opportunisme peut faire figure de vilain défaut. En politique, ce serait plutôt une qualité. La preuve par le voyage d’Emmanuel Macron en Irak, à l’occasion d’un sommet officiel réunissant Égypte, Jordanie, Turquie, Iran et Arabie saoudite ; ce qui lui a permis, ce dimanche 29 août, sur TF1, de faire le point sur la position française en cette région du monde.
Pourquoi en Irak ? L’éditorialiste Soulayma Mardam Bey, de L’Orient-Le Jour, quotidien libanais de référence, nous en dit plus : « Paris n’a pas l’influence de Washington, mais il est à la fois directement engagé militairement sur le terrain et peut, contrairement à son allié d’outre-Atlantique, se targuer de pouvoir parler à tous les acteurs, y compris Téhéran. » Lors du sommet en question, la France est donc le seul pays occidental à tenter de permettre à tous les interlocuteurs régionaux d’enfin se parler.
Selon Soulayma Mardam Bey, toujours, Emmanuel Macron tenterait donc, « dans un pays [l’Irak, NDLR] devenu exutoire des tensions entre Washington et Téhéran, où les milices chiites proches de l’Iran sèment la terreur, où l’État islamique menace de resurgir à tout moment et où la Turquie n’hésite pas à mener régulièrement des opérations militaires dans le nord contre les bases arrière du Parti des travailleurs (PKK), son ennemi juré », de s’asseoir à la même table.
D’où l’activisme élyséen en Irak consistant à aller à la rencontre des chrétiens et des musulmans chiites, sans oublier les Kurdes, ces grands oubliés de l’Histoire. On pourra, certes, gloser sur ce déploiement tous azimuts de notre diplomatie, prétendre que nous n’avons rien à faire en ces contrées et que tout cela ne nous regarde pas. Il n’empêche que la France n’est pas la Belgique, encore moins le Liechtenstein, et que tout ce qui se passe dans le vaste monde nous regarde fatalement un peu. Ou alors, pourquoi aller s’occuper des chrétiens du Liban ?
Pourtant, le cœur de l’intervention présidentielle se situait un peu plus au nord, en Afghanistan. Alors, reconnaître ou non le régime des talibans ? Qu’on les apprécie ou non, ce sont eux les nouveaux maîtres du pays, bénéficiant d’un indéniable soutien populaire, que cela plaise ou non aux chancelleries occidentales. Et Nicolas Lévine d’écrire, sur le site de la revue Éléments : « Qui me dit que les Afghans, en tout cas une majorité d’entre eux, et même une majorité d’Afghanes, n’ont pas envie de vivre sous le règne de la charia, la plus dure, la plus pure ? Sur les plateaux télé ou dans la presse, des spécialistes, contrits, l’avouaient du bout des lèvres : dans les campagnes, là-bas, les talibans sont globalement aimés. Et comme la campagne afghane, c’est 95 % de l’Afghanistan, on peut en déduire que les Afghans sont plutôt satisfaits, à cette heure. C’est leur choix, non ? Qui sommes-nous pour les juger ? Aucun système ne tient longtemps s’il n’est pas soutenu par tout ou partie de la population. »
Finalement, Emmanuel Macron ne dit pas autre chose : « On ne peut pas imposer la démocratie ou un gouvernement depuis l’extérieur. C’est ce que nous enseignent la Libye et l’Afghanistan. Ce n’est pas par la force des armes qu’on va imposer la démocratie quelque part. »
D’où cette cruelle remarque de Nicolas Lévine : « Faut-il faire la guerre pour que, partout à travers le monde, les petites filles puissent aller à l’école ? Est-ce que ça, ce n’est pas notre conception des petites filles et de l’école, et l’imposer, de l’impérialisme ? Faudrait savoir. Moi, j’avais cru comprendre que toutes les cultures se valaient. Pourquoi une culture qui prive les filles d’école et les marie à douze ans serait inférieure à celle qui les oblige à y aller et leur parle de masturbation à huit ans ? »
Il faudra bien, un jour, comprendre que des centaines de millions de petits Terriens ne rêvent pas forcément de vivre comme des Occidentaux décadents. Emmanuel Macron aura, au moins, eu le mérite d’initier le débat.