Sa parole n’est plus rare mais multipliée, surabondante…
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On me pardonnera de tenter un peu de dérision dans une période qui, malgré un début de déconfinement encourageant mais « il ne faut pas crier victoire » selon le Président, demeure encore très préoccupante.
Par moments, j'ai envie, par une sorte de pulsion iconoclaste, de me moquer des procédés, des recettes de la politique officielle. Incarnée d'abord, et sans répit, depuis ces dernières semaines par Emmanuel Macron.
Sa parole n'est plus rare mais multipliée, surabondante. Sa mobilité est constante et l'Élysée ressemble de plus en plus à un magnifique hôtel de passage. On ne devine pas toujours l'utilité de ses déplacements constants. Je continue à considérer que son agitation fait perdre tout le crédit qu'on aurait pu octroyer au couple exécutif avec un Président serein, s'exposant moins, et un Premier ministre qui s'envole dans les sondages parce qu'il arrive aux Français d'être lucides.
Comment ne pas sourire quand on constate que, pour Sanofi et le futur vaccin, alors qu'Édouard Philippe avait réglé le problème et obtenu le rejet de l'absurde et indécente idée initiale de favoriser les Américains, le président de la République a éprouvé le besoin de faire dans la redondance, avec un communiqué d'enflure généreuse et banale et l'annonce d'une prochaine rencontre avec Sanofi à l'Élysée ? On dirait presque qu'il marque son Premier ministre « à la culotte » et que tout ce qu'accomplit ce dernier doit être repris, doublé. Comme si le Président avait peur de disparaître en se maintenant dans un rôle qui n'exige pas, pour qu'on le respecte, un tour vibrionnesque.
La visite à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière a permis de poursuivre ce qui, depuis quelque temps, représente le comble de l'action pour le Président : regretter ce qu'il n'a pas su faire et proclamer qu'il va se réinventer. À toute vitesse ? Vraiment pas. Il a, lors de cette rencontre avec le personnel soignant, déploré la « paupérisation » dont il était responsable à cause d'une mauvaise réforme qui, il y a deux ans, avait eu des effets désastreux. Elle était survenue trop tard, elle aurait dû être engagée, selon lui, dix ans auparavant.
Et pour demeurer dans le registre qu'il affectionne dorénavant - je me repens, j'ordonne et ils exécuteront -, il a exigé un plan dans l'urgence au ministre Véran qui n'a déjà pas assez de travail avec le présent pour qu'on lui confie la gestion de l'avenir. Et à bride abattue. Apparemment, cette précipitation n'a pas été de mise pour la prime de 1.500 euros promise en mars au personnel hospitalier : il l'attend toujours.
Il y a quelque chose de comique dans cette instillation systématique, au bout de trois années de mandat, de regrets, de remords, de promesses, d'engagements. Le nouveau monde rappelé alors que, depuis des lustres, il est enseveli, à peine nommé, sous l'ancien plus caricatural que jamais. Au point que ce qui a été accompli de bien, durant la première année, est oublié, noyé dans un naufrage qui espère convaincre à force de s'avouer tel.
Je ne peux pas m'empêcher, observant ces péripéties, de songer à un hilarant pastiche sous forme de tragédie en cinq actes et en alexandrins, Les Voraces, où Frédéric Bon, Bernard Kouchner et Michel-Antoine Burnier avaient fait dire à Alain Poher, éternel intérimaire : une semaine par-ci, une semaine par-là, ça finira bien par faire un septennat ! Suis-je offensant si je m'avance jusqu'à soutenir, pour Emmanuel Macron, qu'une contrition par-ci, une repentance par-là, ça finira bien par faire un quinquennat !
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