Une école se juge à ses fruits… et le hors-contrat cartonne dans le supérieur

Collégiens à un hommage national Pont Alexandre III
Collégiens à un hommage national Pont Alexandre III

« Aujourd’hui, j’ai accompagné mon fils pour la rentrée en 5e dans un établissement privé catholique. J’ai été conquis par le discours du directeur qui a parlé de mérite, d’exigence, de travail, de discipline et de sanctions ! Le contraire de la société de merde que m’imposent les gauchistes », s’émerveillait un père de famille, sur X. Ce post innocent a suffi à déclencher l'ire du député fiché S LFI Raphaël Arnault, qui a crié aussi sec au « séparatisme ». Si cultiver le mérite, l’exigence, le travail, la discipline « sépare » de l’école publique, ce n’est pas à la gloire, convenons-en, de cette dernière. Ce constat en souligne même l’échec complet. Non, les Français qui font le choix pour leurs enfants du privé, et a fortiori du privé hors contrat, ne sont pas « séparatistes » - au sens où l'entend la loi du même nom - mais « évitistes » : ils sont dans une stratégie d'évitement.

Un récent sondage révèle qu’une majorité écrasante de parents - comme de professeurs, du reste - jugent l’école dégradée, depuis une dizaine d’années. Il ne faut chercher nulle part ailleurs le succès fulgurant des écoles hors contrat. Qui, sinon, sauf à être masochiste, souhaiterait opter pour une solution onéreuse (sachant que les parents, par leurs impôts, ont déjà payé une fois l’école), compliquée (pour les transports, par exemple), n’offrant aucune des commodités habituelles de l’école publique ou privée sous contrat que sont la cantine, la garderie, les activités périscolaires, les infrastructures sportives rutilantes, etc.

Un succès exponentiel 

Selon la « Fondation pour l’école », 300 classes ont été ouvertes, cette année. En 1994, il y avait 40 écoles pour 3.000 enfants. Il y en a aujourd’hui 2.550 pour 130.000 élèves. Quasi inexistantes, donc, il y a trente ans, elles représentent aujourd’hui 4,4 % des écoles françaises, et même 7 % dans l’enseignement secondaire. L’association « Créer son école », par la voix de sa présidente Anne Coffinier, précise même que les ouvertures des collèges-lycées représentent 33 % du total, un exploit quand on sait que le bac Blanquer a rendu très injuste la différence de traitement entre candidats du hors-contrat et candidats du pot commun : vingt épreuves réparties sur deux ans pour les premiers, contre six pour les autres.

Loin d'analyser les clés du succès de ces écoles pour s'en inspirer, le ministère de l’Éducation nationale a pris le parti d'en organiser la chasse jusqu'à l'hallali. Rappelons que, lors d’une inspection d’une de ces écoles en Normandie sous le règne de Pap Ndiaye, on a pris les enfants à part pour leur demander, notamment, « si ce n’était pas trop dur de ne pas avoir accès à Internet à la maison », « s’ils n’en avaient pas assez d’être cloîtrés toute la journée sans leur téléphone ». Des questions qui ne manquent pas de sel, avec le recul : Gabriel Attal et Nicole Belloubet accusent, aujourd’hui, le téléphone et les réseaux sociaux de tous les maux et les ont interdits, à titre expérimental, dans certains collèges. Dans leur jargon de précieuse ridicule, ils nomment cela « pause numérique ». À moins qu'en fait, ils ne reprennent les bonnes recettes du privé, mais préféreraient se faire couper un bras plutôt que l'avouer. De la même façon, l'uniforme - à connotation trop réactionnaire - est appelé « tenue unique », et testé en cette rentrée dans plusieurs établissements. Il y a bien longtemps que tout cela a été mis en place dans les écoles indépendantes.

Des fruits à long terme 

Mais un arbre se juge à ses fruits. Et la nouveauté de cette année est qu’ayant désormais le recul du temps, la « Fondation pour l’école » comme « Créer son école » donnent des informations sur « l’après », des indicateurs objectifs d’excellence scolaire, non pas fondé sur les résultats au bac, qui ne veut plus rien dire, mais en s'appuyant sur des critères plus fiables.

La Fondation pour l’école chiffre l’intégration dans les classes préparatoires aux grandes écoles : 16,4 % des bacheliers issus de ces écoles intègrent une CPGE, contre 2,3 % pour la moyenne nationale.

« Créer son école » livre une étude sur l’intégration à l’ENS Ulm des anciens élèves d’établissement hors contrat (y ayant fait tout ou partie de leur scolarité), montrant que chaque année, un à trois élèves intègrent Normale Sup… sélectionnés, donc, pour faire partie de l’élite de la fonction publique. Pour le séparatisme, on repassera ! Une jeune normalienne issue de ces écoles affirme à BV y avoir trouvé la discipline, la rigueur, l'amour des belles lettres, des petits effectifs, et que tout cela n'a pas été pour rien dans son succès. CQFD, comme l'on disait jadis dans l'école de la République quand elle savait encore démontrer.

Qui sera le prochain ministre de l’Éducation ? Nul ne le sait, à cette heure. Celui-ci s’échinera-t-il, comme ses prédécesseurs, de droite ou de gauche, à réformer sans le moindre succès un mammouth gangrené et sclérosé, ou comprendra-t-il enfin qu’il en va de ce monstre préhistorique comme des autres : il est voué tôt ou tard à disparaître... et qu'en attendant, il faut laisser aux bonnes volontés la liberté de reconstruire à côté.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

32 commentaires

  1. La querelle privé publique est hors sujet, ce qu’il faut prendre en considération c’est l’efficacité des deux systèmes et leurs coût respectifs pour la collectivité et pour les parents sans vouloir stigmatiser l’un ou l’autre. Dans la public ce qu’il faut améliorer c’est l’affectation effective des personnels dans des fonctions éducatives, ce qui est loin d’être le cas, donner plus d’autonomie aux écoles, réduire drastiquement tous les conseils et comités Théodule dont la seule efficacité est d’embrouiller le système et de nuire à son efficacité, améliorer la rémunération des enseignants du primaire avec des exigences d’efficacité.
    Il faut également que les politiques arrêtent de confondre l’égalité avec l’égalitarisme. Enfin il faut impérativement réduire l’immigration qui met face aux enseignants un public qui ne maîtrise pas notre langue ni nos codes sociétaux et dont le niveau scolaire est bien souvent en décalage par rapport aux prérequis pour suivre les cours et risquent de les amener à sortir prématurément du système éducatif. Un pays est un système complexe et déséquilibrer un élément des paramètres qui le régissent a des retombées négatives sur l’ensemble du système. Trop de ministres en France, trop de lois, de règlements, de normes injustifiées et hélas parfois contradictoires.Enfin pour être en phase linguistique avec l’élite ou prétendue être : stop au trop de top-down au profit du bottom-up, rien qu’un peu et ça changerait beaucoup les performances.

  2. A mon époque, il y avait l’école communale, je n’ai pas oublié que mon entrée dans cet établissement alors que j’avais 10 ou 11 ans m’a été refusée au prétexte que j’avais un an de trop dû à mes difficultés et non des moindres.
    A moins de 100m se trouvait -elle y est toujours- l’école catholique Sant Louis qui m’a accueilli sans problème. J’y suis resté jusqu’au secondaire ; aujourd’hui encore, je ne peux que remercier cet établissement aux qualités citées plus haut.
    Que les extensions de ces établissements perdurent c’est tout le mal que je leur souhaite.

  3. « Cerise sur le gâteau »: « En effet, un élève du privé coûte entre 30% et 40% moins cher à l’État qu’un élève du public » (Benoît Perrin, dans Valeurs Actuelles n°4580, page 12! citant une étude de Contribuables associés). Qui avait dit qu’il fallait « dégraisser le mammouth?

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