Une étude s’attaque au rouleau compresseur des États-Unis d’Europe

Les conservateurs hongrois et polonais veulent « restaurer la souveraineté des États membres dans l’UE ».
© European Union-Wikimedia Commons
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L’opposition des conservateurs hongrois (parti Fidezs, au pouvoir depuis 2010) et polonais (parti Droit et Justice, au pouvoir jusqu’en 2023) à l’extension permanente des pouvoirs de l’Union européenne et de ses institutions est bien connue. C’est dans cet esprit que deux institutions proches de ces partis, l’université Mathias Corvinus Collegium (MCC) de Budapest et la fondation Ordo Iuris pour la culture juridique de Varsovie, ont récemment publié une étude : « Restaurer la souveraineté des États membres dans l’Union européenne ». La note comprend un diagnostic et deux scénarios d’évolution pour une transformation systémique du projet européen.

Concernant le diagnostic, MCC et Ordo Iuris rappellent que l’Union européenne a débuté en 1954 (CECA, CEE, Euratom) comme projet de coopération économique autour du libre-échange et a connu, à ce titre, de nombreux succès à la mesure du puissant développement des pays européens jusqu’aux années 1980.

Agenda idéologique

Hélas pour les auteurs, quarante ans d’évolutions institutionnelles et de pratiques politiques en direction d’une « union toujours plus étroite » ont conduit à la création d’une puissante entité supranationale dotée de sa propre monnaie, de sa propre juridiction et de sa propre capacité à imposer des sanctions financières aux États membres, comme d’ailleurs en ont été victimes la Hongrie et la Pologne. Outre une performance et une compétitivité économique qui ne cessent de se dégrader depuis vingt ans (l'échec de la stratégie de Lisbonne est à peu près total), cinq défauts majeurs et systémiques frappent l’Union européenne :

- un déficit démocratique lié au caractère non élu des principales instances européenne (Commission et Cour de justice) et au caractère non réellement représentatif du Parlement européen faisant face à la diversité des 27 pays qui le composent ;

- l’extension permanente du pouvoir des institutions, particulièrement la Commission et le Parlement qui ont instrumenté chaque crise pour accaparer des compétences absolument non prévues dans les traités, à l’instar de la compétence santé à l’occasion de la pandémie de Covid-19 et de la compétence défense sécurité avec la guerre en Ukraine ;

- l’érosion parallèle de la souveraineté des États membres, notamment par l’action de la Cour de justice européenne, en route vers un État quasi fédéral ;

- la promotion, pour les institutions européennes, d’une agenda idéologique progressiste et diversitaire qui conduit les institutions, et notamment la Commission, à sanctionner juridiquement et financièrement les États récalcitrants de l’est de l’Europe ;

- la bureaucratisation du fonctionnement européen, avec une énorme fonction publique européenne, une production normative pléthorique et obligatoire poussant à la comparaison entre l’Union européenne et feu l’URSS, alors même que la prospérité économique qui a marqué les premières années du projet européen s’étiole.

Réforme radicale

Ce dur diagnostic étant établi, MCC et Ordo Iuris proposent un double scénario de réforme radicale de l’Union européenne. Le premier vise au retour et au cadre institutionnel de 1957, puisque l’Union européenne serait renommée « la Communauté européenne des nations », qui deviendrait davantage, face à la reconnaissance de la souveraineté des membres principalement, un espace de coopérations interétatique où l’organe politique central serait le Conseil européen. Au détriment de la Commission qui deviendrait un secrétariat du Conseil, ayant perdu son monopole sur l’initiative législative et les plaintes contre les États. Le second scénario, moins détaillé, va encore plus loin avec le démantèlement à peu près total des institutions européennes dans leur cadre actuel.

À un moment où la poussée vers la fédéralisation est forte, dans le contexte géopolitique présent, avec les initiatives tant d’Ursula von der Leyen que d’Emmanuel Macron (auquel beaucoup prêtent un agenda européen personnel), ce texte a le mérite de présenter des scénarios alternatifs et l’ampleur des résistances et des divisions européennes face au rouleau compresseur réel ou supposé vers les États-Unis d’Europe.

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Georges Le Breton
Haut fonctionnaire en activité, spécialiste des politiques publiques.

Vos commentaires

42 commentaires

  1.  » poussant à la comparaison entre l’Union européenne et feu l’URSS, alors même que la prospérité économique qui a marqué les premières années du projet européen s’étiole. » Et ce n’est pas un hasrd. Comme tout régime communiste, l’URSS est morte de faillite économique, seul avenir prévisible de notre Europe de Bruxelles.

  2. MODIALISATION UE

    En tout domaine il n’est quasiment jamais tenu compte des signes avant-coureurs et des lanceurs d’alerte. Il suffit de regarder urbi et orbi pour voir ce qui ne va pas au lei de se conforter dans ce qui semble bien fonctionner.

    « La trop grande sécurité des peuples est toujours l’avant-coureur de leur servitude. » Jean-Paul Marat (Le révolutionnaire)

    L’UE n’est guère qu’une resucée de ce que les USA, avec tous leurs défauts, ont cherché à construire dès la fin de la seconde guère mondiale.

    “Un corollaire de la mondialisation de l’économie, c’est l’implantation chez nous [aux Etats-unis] de traits caractéristiques du tiers-monde : la dérive constante vers une société à deux vitesses dans laquelle de vastes secteurs sont devenus inutiles à l’accroissement de la richesse des privilégiés. Encore plus que par le passé, il faut contrôler la canaille tant idéologiquement que physiquement, l’empêcher de s’organiser et d’échanger des idées, condition préalable à toute pensée constructive et à toute action sociale.” [Noam Chomsky, L’An 501, la conquête continue, 1993

    • Méfiez-vous de certains correcteurs orthographiques sur téléphones portables qui corrigent, par prédiction automatique, dans le mauvais sens des mots exacts alors que l’on est déjà passé à autre chose. Il faut, bien sûr, lire « guerre » et non « guère ».
      Néanmoins, désolé pour cette apparence de PISA 27. J’aurais du mieux relire.

      Dans le même genre que la ministre Sarah El Haïry (déléguée à l’enfance : quel français pourrait-elle enseigner ?) qui confond « eau propre » et « opprobre » : une annonce, dans le guide des programmes de mon téléviseur, du film « Le crime de l’Orient-Express mentionne « l’imminent détective Hercule Poirot est recruté ». Celui qui a rédigé cela est un éminent mauvais scripteur.

  3. Je suis sollicité pour faire partie d’une commission visant l’urbanisme et l’aménagement du territoire au niveau communal. J’ai connu cela il y a 10 ans pour la mobilité. En fait, la municipalité décide ou propose, et questionne la commission, qui n’a aucun pouvoir, sinon consultatif. C’est la position d’une commission et celle de l’UE doit être la même d’autant qu’Ursula n’est pas élue et en Europe, personne dans la population pour la citer.C’est un conseil des ministres d’Europe qui doit mener la barque et s’il y a avait déjà une union entre pays dotés d’affinités, genre France-Italie, Danemark-Norvège, etc, on avancerait.

  4. Et pas que la Pologne et la Hongrie. Les oligarques tel Macron, (Van der Leyen n’est rien et ne dispose d’aucune légitimité), s’ils osent consulter les peuples, seront dégagés immédiatement. La souveraineté, c’est le Droit le plus absolu qui est méprisé et souillé par ces européistes délétères qui se prennent pour ce qu’ils ne seront jamais .

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