Une femme à Matignon, et alors ?

Capture d'écran ©BFMTV
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« Je voudrais dédier cette nomination à toutes les petites filles. Allez au bout de vos rêves ! Rien ne droit freiner le combat pour la place des femmes dans notre société. » C’est par ces quelques mots que la nouvelle « Première ministre » Élisabeth Borne s’est adressée aux Français. Il est vrai que, depuis hier, on ne parle que de cela : oyez, oyez, la Première ministre est une femme ! On le savait, du reste, déjà avant qu’elle soit officiellement nommée. Une caractéristique commune de Matignon avec le Vatican : on ne sait pas qui sera le prochain locataire mais on sait déjà son sexe.

Une exigence étrange. Car si l’on va au bout de la logique, si la féminité revêt une si grande importance, au-delà des clivages politiques (jusqu’à la dernière minute, on ignorait si la lauréate serait de droite ou de gauche), pourquoi tous ces braves gens n’ont-ils pas appelé à voter, il y a quelques semaines, Marine Le Pen ?

Quoi qu’il en soit, a star is Borne. Un modèle, un idéal à atteindre, qui mettrait des étoiles dans les yeux des fillettes. À quand une panoplie dans les rayons de jouets : sur un cintre, à côté de la tunique à franges de Pocahontas, du diadème de la reine des neiges, la jupe droite et les lunettes en aile de papillon d’Élisabeth Borne. Des accessoires pas très glamour, mais reconnaissons au moins une qualité à Élisabeth Borne : elle devrait nous épargner le profil ministre influenceuse. Peu de chances qu’elle poste ses lissages brésiliens sur Instagram.

Mais n’en fait-on pas un peu trop ?

Élisabeth Borne n’est pas la première polytechnicienne - ce serait faire insulte à Anne Chopinet et à Caroline Aigle, pour n’en citer que deux, célèbres - et si Matignon est vraiment l’enfer que ceux qui l’ont occupé décrivent - dans le livre éponyme de Raphaëlle Bacqué -, pourquoi le souhaiter aux petites filles ? Il y a bien d’autres femmes admirables, exemplaires et enviables, dans ce pays, sans doute plus à même de leur envoyer du « rêve », puisque c’est le mot employé par Élisabeth Borne. Et tant de « maternalisme » laisse songeur : on croirait un unijambiste brandissant un trophée de patinage artistique. La féminité serait-elle un handicap pour que l’on ait besoin de l’exhiber à chaque échelon franchi ? On peut, en revanche, saluer le parcours admirable - emblématique de la méritocratie française - d’une petite orpheline de père à 11 ans, pupille de la nation et boursière. Celui-ci est le fruit de son talent et de son travail, donc tout à son crédit quand celui d’être femme n’est que celui de la nature.

Alors, pourquoi tout ce tintouin ?

Tout simplement parce qu'il n'y a rien d'autre à signaler. Élisabeth Borne n’est pas vraiment une jouvencelle : elle connaît les ors de la République depuis 37 ans. Elle a travaillé avec Méhaignerie, Jospin, Lang, Édith Cresson, Ségolène Royal, Bertrand Delanoë… puis Édouard Philippe et, bien sûr, Emmanuel Macron. C’est donc ça, le nouveau mandat du nouveau Président pour le nouveau peuple ? Il ressemble pourtant vachement à l’ancien. Le seul changement ? C’est une femme, on le commente donc à l’infini, parce qu’il donne l'illusion de la nouveauté.

La condition féminine d’une seule femme s’en trouve-t-elle améliorée ? À part celle de l’intéressée, c’est peu probable. Ironie du calendrier, Élisabeth Borne prend ses nouvelles fonctions le jour où le burkini est autorisé à Grenoble. Sur ce sujet, on se souvient de son soutien discret à Sara Zemmahi, candidate voilée de LREM aux départementales dans l’Hérault, qui n’avait finalement pas eu l’investiture.

Pas sûr que l’accession d’Élisabeth Borne à Matignon soit, in fine, une bonne nouvelle pour la condition féminine en France.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 19/05/2022 à 7:02.
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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

99 commentaires

  1. Réélu le Président se dit  » nouveau Président  » avec de nouveaux ministres et de nouvelles idées !!!
    Ce n’est pas avec une ancienne ministre socialiste ( qui ne dépare aucunement le parti renouveau où tous trainent des casseroles judiciaires ) qui traine dans les couloirs de l’Elysée depuis 37 ans que cela changera dans le bon sens ! Au contraire elle a cassé le service santé , fait de la RATP une entreprise musulmanes avec salles de prières et applaudi à l’invasion des migrants africains !!!

  2. Un peu d’humour. Je me souviens d’une chanson des années 70 qui s’intitulait « Born to be alive ». Est-ce Elisabeth Borne parviendra à maintenir le président en vie. On verra ce que donnera ce nouveau titre « Borne à Matignon », succès planétaire ou pas.

  3. Si avec ce début de quinquennat en fanfare les droites continuent à se regarder en chiens de faïence sans vouloir prendre en considération l’intérêt supérieur du pays et mettre de côté leurs querelles de gamins alors oui c’est vraiment foutu .

  4. La France ira mieux lorsque seules la compétence et l’intégrité seront prises en compte. Peu importe qu’il s’agisse d’une femme, d’un homme. L’Occident meurt de l’idéologie qui a remplacé le bon sens et le peuple applaudit.

    • La compétence et l’intégrité, qualités absentes chez nos politiques qui cultivent l’inverse à l’envi.

  5. Merci pour cet article .
    Ce tintouin est aussi ridicule que déplacé … On se croirait à l’aube du XX è siècle .
    La phrase de la dame à l’intention des petites filles en remet d’ailleurs une couche de façon inappropriée et mal venue .

    • quelle laisse les petites filles rever de ce quelles veulent pour quelles ne deviennent pas des femmes frustrées

  6. Les seuls sujet dont les français attendent qu’elles soient traitées en priorité ne seront pas abordées : sécurité, émigration.
    Pourquoi : préconisées pendant sa campagne par Zemmour.
    Que fait on alors : priorité à l’écologie.
    Comme dit le président :  » Les français je les em…… »
    Mais qui donc l’a élu ?.

    • Ceux qui l’ont élu : 38;5 % + 34 % (abstentions, blancs, nuls) = 72 %.
      72 % d’hypnotisés, de brain-washed.

    • c’est plus féderateur de parler d’écologie que d’immigration Macron rame dans le sens du courant c’est plus facile

    • Effectivement, on l’attend sur l’écologie, mais sur une écologie intelligente, pas sur les dégâts qu’ont causé les propagandes éhontées menées dans les écoles depuis quarante ans

  7. Personne n’a empêché une femme d’être ingénieur ou médecin, même quand Mme Borne était sur les bancs du lycée. Cantonner les femmes dans un rôle de victimes relève d’un odieux marxisme sociétal.

    • Elle n’était pas née qu’une Dame Joliot Curie ouvrait une page nouvelle de la physique, alors une femme premier ministre, qui a t il d’extraordinaire?

  8. Le feuilleton de la Renaissance En Marche Elisabeth à la plage Elisabeth à l’école Elisabeth à la maison Elisabeth à la ferme Elisabeth en Ukraine Il faut que tout change pour que rien ne change

  9. Avec tous les tocards qu’on s’est coltinés comme 1ers ministres, plus besoin de prouver que les femmes ont une intelligence supérieure à celle des hommes. ( je plaisante ).

    • Les femmes, si elles ne sont pas idéologues, ont souvent plus de bon sens que les hommes. Mais qui prône encore le bon sens depuis certains arrêts de la Cour Européenne de Justice, et de nos juridictions? C’est devenu une insulte pour les antifas.

  10. C’est tout juste si on ne lui demande pas de s’excuser d’avoir eu ce poste. Et de remercier jusqu’à sa mort celui qui l’a placée là. Macron ne l’a pas nommée parce que c’est une femme, mais seulement parce qu’il sait qu’elle est toute acquise à sa cause et qu’elle ne risque pas de s’opposer à lui.

  11. Oui, évidemment. Maintenant elle me parait concentrer sur son visage la béance d’une époque, idéologue, progressiste, technicienne jusqu’à qu’on n’en puisse plus, ses saillies contre les non vaccinées m’indignent. . Au moins Edith Cresson avait du glamour , une personnalité, bref était un femme et ne récitait pas mécaniquement son cursus.

  12. Bonjour Gabrielle,
    dans la catégorie « les polytechniciennes au gouvernement », dans un passé encore assez récent, il y a eu également NKM.

    • On peut toujours trouver des contre exemples. Souhaitons que l’ambition d’EB ne soit pas dévorante!

  13. Ca commence mal : elle devrait être fière de son titre de premier ministre, c’est cela la fonction.
    Une femme à Matignon, les hommes ont prouvé depuis 50 ans leur nullité en politique, en gestion et en dignité, essayer une femme à ce poste pourquoi pas. Hum la première tentative ne fut pas un succès , sa fonction au parlement européen non plus.
    J’ avoue que jusque maintenant seules quelques femmes ont montrées leur capacité en politique

    • À part Marie-Madeleine, Jeanne d’Arc, Jeanne Hachette, et des résistantes sous l’oppression allemande, je ne vois pas grand monde en ce moment..

    • Il y a eu, Margaret Thatcher. Il est vrai que nous avons Ursula von der Leyen en contre exemple.

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