Une plate-forme pour signaler les points de deal ? Très bien. Et après ?
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La mode est aux Numéros Verts. Désormais c’est à chaque problème sa plate-forme téléphonique : assistance aux familles, peur du Covid, femmes battues, enfants maltraités, victimes du racisme, de l’antisémitisme, de l’homophobie ou de la grossophobie ; chacun a son 07 ou son 0 800 où s’épancher. Le té-lé-phoooo-ne pleure… chantait Cloclo, au siècle dernier.
Ça, c’est bien. Bien vu et bien toléré, pas de souci tant qu’il s’agit de déverser son trop-plein de désarroi dans une oreille compatissante. En revanche, je ne suis pas sûre que la nouvelle plate-forme annoncée par le ministre de l’Intérieur, ce dimanche, emporte les suffrages. Et pourtant…
Peut-être, tant de fois échaudée, suis-je devenue pessimiste, mais bon, je crains que son initiative ne soit perçue comme un odieux appel à la délation qui rappellerait les heures les plus sombres, etc.
Gérald Darmanin a, en effet, annoncé, ce dimanche, dans un entretien au Parisien, la mise en place d’un Numéro Vert pour permettre aux citoyens de signaler les points de deal dans leur environnement. Cette nouvelle plate-forme devrait être opérationnelle dès le début de l’année prochaine.
Le ministre de l’Intérieur a décidé de jouer la transparence et, donc, de donner chaque mois les chiffres relatifs au trafic de drogue, commerce le plus florissant sur notre territoire. Les esprits chagrins l’accusent donc de vouloir « faire du chiffre », à quoi ils ajouteront demain, sans aucun doute, l’incitation à la délation.
La vente de drogue est un commerce qui ne connaît pas la crise ; même pas touché par la fermeture des commerces dits « non essentiels ». Plus aisément que les restaurateurs, les entrepreneurs du deal ont su s’adapter : il y a longtemps que le clic & collect n’a plus de secrets pour eux, et le Black Friday, chez eux, c’est toutes les semaines !
Monsieur Darmanin a donné les chiffres : ses services ont, pour l’instant, dénombré 3.952 points de vente de drogue sur le territoire français, répartis comme suit : « Les départements qui comptent le plus de lieux de vente de drogue sont la Seine-Saint-Denis (276), le Rhône (255) et le Nord (251). Avec 34,2 lieux de vente de drogue pour 100.000 habitants, la Guadeloupe est le département où la densité de points de deal est la plus importante, selon ces chiffres. » Et pour ceux-là qui sont connus, combien qui ne le sont pas ? Au moins autant, sans doute, et c’est pour les dénombrer que le ministre fait appel à notre vigilance.
Entendons-nous bien : je n’ai rien contre, au contraire. Je m’interroge seulement sur l’après car, voyez-vous, dans cette belle ville de Toulon où j’habite (un exemple), il suffit de traverser le boulevard pour trouver les revendeurs, identifiables par chacun. D’ailleurs, pour ceux qui craindraient de commettre un délit de sale gueule, la divine fumée qui les environne aide au repérage. Mieux que cela, si je puis dire, car j’imagine que ceux-là ne se contentent pas de fourguer de l’herbe : je passe régulièrement devant une cité en bordure de départementale, dans les quartiers ouest de la ville. Là, au vu et au su de tout le monde, les dealers ont installé leur bureau sur le perron central de l’immeuble : fauteuil de PDG, petite table, parasol et boissons en été… Nouveauté, depuis l’automne et l’arrivée de la fraîcheur, le personnel est intégralement cagoulé de noir. On imagine que les armes sont à portée de main. Les gamins qui font le chouf sont aussi visibles que leurs grands frères et si quelqu’un craint quelque chose, c’est le passant comme moi qui, éberlué, s’avise de lever le nez pour admirer le spectacle. On lui fait alors vite comprendre que s’il n’a pas l’intention de faire des emplettes, il doit passer son chemin, et fissa !
Bref, une plate-forme pour signaler les points de deal, c’est très bien. Mais après ?
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