[UNE PROF EN FRANCE] Après Miss France et Top Chef, le Meilleur Prof du Monde…

Saviez-vous qu’il existait un concours censé couronner « le meilleur professeur du monde » ? Il n’y a pas encore de concours « Prof Univers » ni « Prof Intergalactique », mais cela ne saurait tarder. Ce concours est organisé chaque année depuis près de dix ans et récompense un « enseignant aux méthodes innovantes ». On le présente parfois comme le « Nobel de l’Éducation », rien de moins.
Je vous entends, vils flatteurs que vous êtes : vous vous demandez pourquoi je ne postule pas puisque, pour participer à ce concours, il ne s’agit pas d’être remarqué par une instance supérieure indépendante qui reconnaîtrait vos mérites objectifs, mais il suffit juste de s’inscrire et d’envoyer un dossier. Chaque année, de nombreux professeurs français courent après cette gloire.
Les médias se félicitent, d’ailleurs, que des Français soient régulièrement en finale. Sur les 20.000 dossiers reçus par la fondation organisatrice, 50 sont présélectionnés, parmi lesquels 10 participent à la finale, qui consacre ultimement le Meilleur professeur du monde et lui offre la coquette somme d’un million de dollars.
Où a lieu la finale ? À Dubaï. Et quelle est donc cette fondation si généreuse ? La fondation Varkey, qui est soutenue par l’UNESCO, l’UNICEF et tout ce que le monde compte de gens de bien et philanthropes : ainsi, Bill Gates a annoncé, dans une vidéo spéciale, la liste des finalistes 2018.
Si l’on regarde les spécificités des professeurs français sélectionnés, on remarque quelques points communs. Ils enseignent en général à des élèves en difficulté, dans des établissements classés REP, REP+ ou dans des CFA, ou mènent des actions au caractère social fortement prononcé. Ainsi, la finaliste 2024, que nos médias mettent à l’honneur, prétend au titre de Meilleur Professeur du Monde car elle organise, deux fois par semaine, des petits déjeuners dans ses classes. En jouant à la marchande et en préparant un petit déjeuner pour toutes les classes de l’école, les élèves apprennent à compter et à manipuler, découvrent des aliments exotiques comme le pain d’épices et développent leur « savoir-être » grâce à ces moments de convivialité. Gaëlle Assoune, une des finalistes françaises de 2021, centre sa pédagogie sur le développement de l’« empathie » en classe. Son objectif est de créer un environnement bienveillant où les élèves « se sentent compris ». Cette approche repose sur des activités et des discussions visant à renforcer la compréhension mutuelle et le respect entre les élèves. Donc, je confirme : je ne suis certainement pas assez « empathique » pour postuler.
Ayant le sentiment d’avoir vaguement cerné les critères de sélection de ces enseignants d’exception, je me suis quand même demandé qui établissait la liste des finalistes. Et là, un certain flou surgit. On nous parle d’un jury indépendant, composé de « fonctionnaires publics, d’experts en éducation, de journalistes, de directeurs d’école, de chefs d’entreprise et de scientifiques du monde entier », mais mes recherches ne m’ont permis de trouver… aucun nom. Pas la moindre identité d’un seul membre du jury, alors que ce Prix en est à sa dixième édition. Le président de la fondation, Sunny Varkey, est un entrepreneur indien vivant à Dubaï et ayant fondé GEMS Education, le plus grand réseau mondial d’écoles privées, regroupant plus de 70 écoles dans une douzaine de pays. Il ne met en avant, chez nous, que des fonctionnaires du service public, alors même que toute la structure qui soutient la fondation, entre autres financièrement, est appuyée sur des écoles privées. La fondation délègue, en outre, le choix des finalistes à l’un des cabinets d’audit et de conseil les plus influents du monde : PwC (PricewaterhouseCoopers). Et, là encore, aucune transparence : nous ne saurons ni leurs critères ni les modalités du processus de sélection.
Mais bien évidemment, nous leur faisons confiance et nous félicitons chaleureusement Mansour El Mansour, professeur saoudien, à qui le cheikh Hamdan, prince héritier de Dubaï, a remis, le 13 février dernier, le Global Teacher Prize 2025, accompagné d'un chèque d'un million de dollars. Il est vrai que les capacités de ce professeur sont remarquables : il enseigne à des orphelins et des détenus mais, dans le même temps, a permis à ses élèves de concourir pour des prix internationaux sur des projets de haute technologie, il est pionnier dans l’utilisation pédagogique de l’IA et utilise la réalité virtuelle pour créer une plate-forme interactive de travail visiblement fabuleuse, mais il a aussi planté un million d’arbres, il a offert 3.000 heures de bénévolat, a permis d’installer la climatisation dans les maisons de nombreuses familles défavorisées et a écrit vingt livres. Il doit y avoir une faille spatio-temporelle en Arabie saoudite qui permet aux journées de durer 52 heures. Stakhanov était un petit joueur.
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28 commentaires
Mansour a la réussite chevillée au corps! Normal, Mansour signifie victoire.
C’est une blague ?
Albert Einstein a dit : » seule deux choses sont infinies , l’univers et la bêtise humaine , pour l’univers je n’ai pas acquis la certitude absolue » …….Il parait que la connerie ça se cultive , ben j’en connais un bon paquet qui ont la main verte ….
Déjà, le titre du concours est une ânerie monumentale.
Il faut laisser ces « machins » entre eux. Ils ont des paquets de fric mais c’est temps perdu, il le gardent entre eux. Mes parents, instituteurs de village, recevaient des enfants de familles où l’emploi du Français n’était pas majoritaire. En fin de parcours, les résultats au Certificat d’Etudes Primaires n’en étaient pas moins là. Je doute qu’ils auraient eu la moindre chance dans ce genre de Barnum…