[Une prof en France] Belloubet enterrera-t-elle l’uniforme ?

Nicole Belloubet

Le moins que l'on puisse dire est que Nicole Belloubet ne semble pas soutenir avec enthousiasme les premières mesures qu'elle est amenée à mettre en œuvre à l'Éducation nationale, où Gabriel Attal avait creusé des empreintes dans lesquelles ses successeurs n'auraient qu'à mettre leurs pas. On sent bien qu'elle ne tardera pas à faire des pas de côté et à sortir de la piste, si elle ne se renie pas entièrement et reste fidèle à ses positions passées.

Beaucoup de « si » dans les déclarations du ministre...

Sur la question de l'uniforme, il paraît qu'il ne faut pas lui faire grief des propos qu'elle avait tenus en 2016. Il y a prescription. Elle ne savait pas, alors, qu'elle serait ministre de l'Éducation nationale… Maintenant qu'elle tient son maroquin, elle nuance : « Je pense que si c’est un moyen d’aider nos élèves, si c’est un moyen d’éviter des discriminations, il faut tout tenter. Une expérimentation est en cours, elle sera évaluée. » Il y a un peu trop de « si » dans cette phrase, et ils ne portent pas sur les bonnes prémisses. Et puis on n'a jamais vu une expérimentation de l'Éducation nationale être sérieusement évaluée. Là, nous serions face à une vraie révolution dans le fonctionnement de l'institution !

L'uniforme scolaire, comme tous les uniformes, est un symbole.

Qui, d'ailleurs, aurait l'idée d'évaluer l'utilité du port de l'uniforme par les caissières d'Intermarché, les vendeurs de Norauto ou les secrétaires médicales du cabinet de mon dentiste ? Même si l'on parle des pompiers, des policiers ou des médecins de l'hôpital, le port de l'uniforme n'est pas censé avoir « d'utilité » ni « d'efficacité ». Un médecin n'est pas meilleur parce qu'il a une blouse blanche. Fût-elle verte ou violette, fût-elle recouverte de palmiers ou d'as de pique, prît-elle la forme du pull à col roulé cher à Bruno Le Maire ou d'une salopette, elle n'influence pas les compétences de celui qui la porte. L'habit ne fait pas le moine, nous rappelle-t-on depuis l'enfance pour aiguiser notre prudence. On ne peut qu'être d'accord, pour une fois, avec Emmanuel Macron quand il déclare qu'il « ne pense pas que l’uniforme ou la tenue scolaire unique soient la solution magique qui permette de régler tous les problèmes de harcèlement, de laïcité, d’inégalités sociales ». Évidemment. On ne lui a jamais demandé, d'ailleurs, de faire tout cela, et la vaisselle en plus ! L'uniforme scolaire, comme tous les uniformes, est un symbole. Le fait de porter un uniforme rappelle au policier qu'il est au service de la sécurité de la communauté, et cela peut influencer son comportement ; la soutane rappelle au prêtre qu'il est un intermédiaire entre Dieu et les hommes, et qu'il a en cela un rôle particulier à jouer et un comportement particulier à adopter ; l'uniforme de l'infirmière lui rappelle que pendant son temps de service, elle doit être entièrement dévouée à ses patients. L'uniforme symbolise une fonction et un rôle social, et nous identifie comme appartenant à un groupe particulier dont nous devons respecter les codes et les engagements. Il pourrait rappeler aux élèves que l'école est un lieu de travail et une communauté, pas un self-service où l'on vient consommer des savoirs, si l'on veut et comme on veut. Alors, évidemment, dès qu'on parle d'uniforme pour les élèves, on brandit l'étendard de la démocratie, de la liberté, enfin, de toutes les valeurs qu'on a oubliées depuis des années. Au collège Chappe de Marseille, on a même fait voter les élèves : ils ne participeront donc pas à cette fameuse expérimentation car 66 % d'entre eux, enfin des votants, « ont refusé de se voir imposer une façon de s'habiller », explique Le Monde. Il est vrai que les ados ne sont absolument pas influençables et choisissent leur tenue vestimentaire en totale indépendance vis-à-vis de la publicité, des influenceurs et de la pression du groupe, et il est vrai aussi que si on leur demandait leur avis, ils voteraient massivement pour les devoirs, les évaluations et les examens…

J'aimerais bien, moi, donner mon avis sur un certain nombre de sujets touchant directement mon quotidien, comme l'aide supplémentaire de 50 milliards allouée à l'Ukraine, le pourcentage de taxes dans le prix de l'essence ou le mode de recrutement des médecins. Mais on ne me le demande jamais…

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

43 commentaires

  1. C´est curieux le choix du DRH de l´Elysee, il pouvait trouver au RN un tres bon ministre de l’éducation national, et il retient un mauvais dans le monde islamo-gauchiste. Cette brave Belloubet que l´on vient d’arracher de chez son coiffeur n’a qu’une seule préoccupation…c´est quand elle pourra y retourner. Au demeurant elle pourrait le prendre comme chef de cabinet.

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