[Une prof en France] Ceux qui partent et ceux qui restent…

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J'ai fait, hier, une rencontre qui m'a fait réfléchir. Une fois n'est pas coutume, car en ce moment, il me semble que je cours plus que je ne réfléchis... Je pense à quitter l'Éducation nationale et je prépare donc ma réorientation professionnelle. Dans ce cadre, je rencontre beaucoup de monde, des gens passionnants aux itinéraires atypiques. J'étais, hier après-midi, avec le directeur d'un hôtel quatre étoiles, un Argentin, venu dans la région avec sa femme par amour de la France, de ses paysages et de son art de vivre. Ils ont restauré une bâtisse ancienne, un bel hôtel particulier de la fin du XVIIe siècle, et en ont fait un hôtel charmant, à la fois moderne et élégant. Mais là n'est pas le sujet. Il était ravi de la France jusqu'à la naissance de son premier enfant. Cet enfant grandissant, il s'est renseigné sur les options de scolarisation. Voulant lui offrir un enseignement de qualité, si possible bilingue étant donné que lui-même parle espagnol, français, anglais et italien, il l'avait inscrit dans une petite école Montessori. Mais cette école n'a pas supporté les coups de boutoir dont l'État ne cesse d'accabler les écoles libres et a fermé en juin dernier.

Exil scolaire...

Notre Argentin a donc fait la connaissance de l'école publique. Et cette rencontre l'a plongé dans des abîmes de perplexité. Il me l'a dit avec beaucoup de délicatesse, craignant de blesser ma fibre patriote. Je l'ai vite rassuré en lui faisant comprendre le peu de considération que je portais, malgré que j'en eusse, à notre système public. C'est alors qu'il m'a annoncé que sa femme et lui quitteraient la France à l'automne et s'installeraient à Barcelone afin de permettre à leur enfant d'être scolarisé dans de bonnes conditions, c'est-à-dire de recevoir le niveau d'instruction qu'ils escomptaient pour lui. C'est la première fois que quelqu'un me parle de ce que l'on pourrait appeler un exil scolaire… Sa femme et lui continueront à gérer leur hôtel à partir de Barcelone, qui n'est pas si loin, et vont lancer là-bas un nouveau projet, « ce qui sera plus simple qu'en France », pour reprendre ses mots.

Bien choisir les pays avec lesquels on se compare…

Les anciens, comme moi, se souviennent du temps, pas si ancien, où la France attirait justement en raison de la qualité de la formation scolaire que l'on pouvait y recevoir. Et c'était pour nous une fierté. Aujourd'hui, les étrangers qualifiés, entreprenants, travailleurs qui avaient choisi la France comme pays de cœur, pour y vivre et y travailler, se sentent obligés de la quitter pour assurer l'avenir de leurs enfants. Cela m'a rappelé une conversation que j'avais eue, il y a quelques mois, avec un ami russe. Lui aussi ne reconnaissait plus la France qu'il avait choisie et pensait partir. Il avait fait des demandes pour scolariser ses deux enfants en Biélorussie, et après examen des programmes scolaires français et des résultats de nos élèves aux différents tests internationaux, les autorités biélorusses lui avaient annoncé… un redoublement de deux années. Mon ami a donc décidé de différer quelque peu son départ, le temps de blinder ses enfants de cours particuliers afin de les mettre à niveau.

Je ne suis pas sûre que les Français aient conscience de tout cela. Quand j'en ai parlé à ma mère, dont l'avis est généralement représentatif d'une partie importante de la société, elle a été dubitative et n'y a pas vraiment cru… Par une sorte de pratique ambiguë de la double pensée, certains voient que tout s'effondre et, dans le même temps, continuent à se convaincre que c'est pire ailleurs. Certains commentaires iront peut-être dans ce sens. Je crois qu'il y a un mot allemand pour désigner cela : Schadenfreude, la joie malsaine que l'on ressent devant le malheur des autres. Il nous reste donc la Schadenfreude pour nous consoler de ce qui se passe chez nous ; mais il faut bien choisir les pays avec lesquels on se compare…

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Quand on voit le manque de médecins en France, malgré la suppression du numerus closus, il va être difficile pour tous ceux à qui on a donné le bac de continuer leurs études médicales (et même les autres…) avec un niveau aussi bas ! De plus, à l’école, on n’apprend plus « à apprendre », ce qui est très handicapant pour ce genre d’études. Il faut vraiment un sursaut et très vite pour redresser cette situation : en primaire, pour avoir de bonnes bases, axer sur le lire et écrire, le calcul et remettre l’examen de 6° en place !

  2. J’ai des amis qui vivent aux USA. Leur fille, 3 ans et demi est en classe maternelle bilingue. Elle sait écrire son nom à l’aide de lettres genre Puzzle, va commencer la musique à la rentrée (à moins de 4 ans) et bien sur comprend l’anglais et le français (et apprendra l’espagnol dans deux ou trois ans) et commence à apprendre à lire. On est loin de la décadence française.

  3. Moi même prof d’anglais, d’espagnol et français j’ai constaté dans les pays ou j‘enseignais et ou se portait l’uniforme que le niveau était bien supérieur et financièrement économique. Quant aux programmes, à force de répéter qu’ils étaient trop chargés, qu’il y avait trop de devoir le soir à la maison, nous avons des jeunes qui disent s’ennuyer le soir car peu à faire dans dans “les quartiers dit populaires”. Cherchez les erreurs.
    Mon fils élevé « à l’ancienne effort et sport » en secondaire et université en GB et Espagne, à 24 ans a été recruté loin de la métropole par les services diplomatiques étrangers sélectifs bien sûr, car en France, les cliques parisiennes ne lui aurait jamais confié un poste équivalent à des conditions aussi favorables.” Les féodaux  » aujourd’hui existent et se cramponnent au pouvoir sous d’autres formes qui ont compris qu’il fallait niveler le niveau par le bas et bradent des diplômes par démagogie pour faire plaisir aux moins chanceux qui d’ailleurs ne réclament plus que des WE et congés prolongés et les niaiseries des écrans. Les concours sont remplacés par des entretiens tendancieux des sujet de concours orientés.

    • Les jeux sur les « tablettes » ont remplacé les devoirs du soir que nous avions parfois du mal à finir. Mais c’était…avant.

  4. C’est doublement attristant. D’abord pour l’évidence de la médiocrité française, et ensuite car il va être déçu quand son enfant ne parlera que catalan.

  5. Ce monsieur ne devrait pas cracher dans la soupe, nous ne sommes pas aller le chercher. Des écoles internationales il y en a en France il pourrait y mettre ses enfants. Mes petits enfants sont nés à Barcelone y ont grandi et y sont allés à l’école les cours étant faits en catalan ils maitrisent le catalan et la langue nationale, toutefois ils y ont trouvé l’enseignement supérieur un peu court et comme les parents sont partis travailler en Hollande ils y ont passé le bac international dans une école internationale, c’était très très bien fait, les cours étaient en anglais, ils ont appris rapidement l’anglais et n’ont pas eu de retard, ils ont passé un bachelor et maintenant l’un est resté aux pays bas dans la meilleure fac du monde pour sa spécialité et l’autre est rentré en France dans une des 3 grandes écoles de commerce pour y faire un double master parce qu’elle est bien classée dans le classement international. Quant on a de l’argent (malheureusement) l’enseignement même en France est d’un niveau correct. Ayant enseigné dans le technique je dois dire que le niveau est très faible et que ce n’est qu’à un niveau supérieur que l’enseignement commence à être pertinent, mais les profs ont là-dedans une grande responsabilité, il serait temps qu’ils sortent de leur microcosme et de leur syndicat et aussi qu’ils comprennent que des cours ça se prépare, qu’en fonction de la classe qu’on a on ne fait pas le mmême cours que l’année précédente, mais je crains que ce soit beaucoup leur demander.

    • Raisonnement plein de contradictions ! Plongez vous dans les programmes scolaires de la maternelle au bac pour comprendre les abysses où nous en sommes rendus. Et pour arriver dans les trois écoles de commerce dont vous faites l’apologie (que j’ai un peu fréquenter dans leurs jurys) il ne faut pas que de l’argent, il faut un niveau de concours que bien peu obtiennent en sortant du bac. Et quid du niveau nos universités ? Je connais ce milieu de l’intérieur et y ai vu les ravages de l’esprit soixante-huitard se développer …

  6. Cet article et ses commentaires me rappellent un tragique vérité (mes enfants sont adultes maintenant). Je ressens une immense tristesse. Honte aux européistes, E. Macron en tête, qui oeuvrent à détruire la France pour mieux s’en accaparer !

  7. C’est faire bien peu de cas des innombrables surdiplomés qui traversent la Méditerranée pour venir glander en France et emplir nos écoles alors qu’ils ne comprennent rien à notre langue. Quand on vous dit que le niveau monte….

  8. Petit gamin originaire du Nord de la France, rejeton d’un père français catholique, et d’une mère juive américaine, mon frère et ma sœur sont nés à NY en 1938 et 1939, moi accident en 1951, de retour en France en 1945, mes parents ont galèré pour ces deux-là, avant de choisir la fameux Collège de Marcq (Marcq-en-Barœul près de Lille) pour mon frère, et un collègue privé catholique en Belgique pour ma sœur.
    Les collègues catholiques belges étaient réputés, anciennes congrégations catholiques ayant quitté la France après la séparation de l’Église et de l’État.
    Quand à l’âge de 6 ans ça devenait sérieux pour moi, moins pour l’éducation nationale déjà aux mains de la gauche, ce fût donc la Belgique également, et en pension s’il vous plaît.
    Belgique que j’ai quitté après l’université de Louvain la vieille, en effet ça a commencé à ce gâter en Belgique aussi, à la création de l’université de Louvain la neuve.
    Encore aujourd’hui à 73 ans dans quelques semaines, je dis depuis toujours que, s’il n’y avait qu’une seule chose pour laquelle je devais remercier feu mes parents, ce sera d’avoir été scolarisé dans des établissements privés.
    Je comprends les affres de ce couple argentin, et les vôtres Madame.

  9. La France est le 3e pays au monde en terme d’indiscipline en classe, d’après le classement PISA.Pilotées par l’OCDE, les études PISA évaluent les systèmes scolaires de ~80 pays selon divers critères, dont un « index de discipline », issu de plusieurs sous-dimensions (ex : chahut, écoute en cours, etc.). Le résultat de la France est catastrophique.

    La France est aussi le 2e pire pays du classement PISA concernant le bruit en cours. Les chiffres sont délirants : 52% des élèves déclarent qu’il y a du chahut la plupart du temps, un score hors-norme ! Pour comparaison, c’est 8% en Corée, 16% en Roumanie et 23% en Turquie.

    Dans ce classement PISA, la France est le 2e pire pays au monde concernant l’écoute et l’attention en cours. Le score de la France est : 2x plus mauvais que celui de la Roumanie 3x plus mauvais que celui de la Biélorussie 5x plus mauvais que celui du Japon

    Concrètement : 4 élèves sur 10 déclarent que la majorité du temps, la classe n’écoute pas le prof 5 élèves sur 10 déclarent que la majorité du temps, il y a du bruit et du chahut 6 élèves sur 10 sont arrivés en retard sur les deux dernières semaines.

    Heureusement, la situation dans nos écoles privées est « moins pire » que dans le public. Le score de discipline y est 4x meilleur Mais il reste assez médiocre, moins bon que les moyennes de l’immense majorité des pays classés

    • Je ne sais pas où vous avez trouvé vos statistiques, mais je suis enseignant à la retraite et je pense qu’elles correspondent à la réalité.
      En effet, le plus gros problème que rencontre actuellement un enseignant en cours est certainement le bruit (bavardages CONTINUELS) et l’inattention généralisée d’élèves qui n’ont pas appris à se concentrer.

  10. Quand on à été en expatriation.
    On voit que l’enseignement dans les écoles du système américain ou coréen,anglais sont bien supérieurs. Et surtout les possibilités des études supérieures

  11. Triste réalité dont personne ne parle donc méconnue du grand public . Et celà ne va pas s’améliorer avec ce gouvernement . Niveler tout le monde par le bas pour plaire à certaines populations . Les entreprises ont du souci à se faire pour les années à venir .

    • Difficile de dire aux français que l’enseignement qui est notre 1er poste de dépenses (!) est à bout de souffle.
      Pourtant, on continue à charger la barque de missions plus ineptes les unes que les autres alors que son rôle est d’INSTRUIRE avant tout.
      Mais quelle importance, l’éducation nationale relève d’un projet politique qui attribue à l’Etat la mission de modeler complètement l’esprit des futurs citoyens : on voit le résultat…

  12. Il existe en France quelques écoles d’excellence. Par contre le niveau en math physique et chimie est navrant dans le public. Je vous laisse juger de la performance orthographique en parcourant les commentaires. Cependant le feu d’artifice est sur les réseaux sociaux

  13. Vous vouliez surement dire – ceux qui partent, ceux qui restent, et… ceux qui arrivent en masses…

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