[Une prof en France] Chaises musicales au ministère, et pendant ce temps…

attal oudéa

Nous changeons encore de ministre. On se repasse le maroquin entre amis et affidés, mais sur le terrain, cela ne ralentit pas la chute. Comme les enfants des ministres sont tous à l'École alsacienne ou à Stanislas, je ne sais pas si ces gens ont une connaissance réelle de ce qu'est la jeunesse de notre pays, pas celle qui défraie la chronique par ses violences, mais celle qui végète gentiment entre les quatre murs des salles de classe, sans en tirer de profit et en attendant simplement, au chaud, que le temps passe. Mon petit collège semi-rural ne s'affuble d'aucun sigle, il n'est ni REP (réseau d'éducation prioritaire) ni ZUS (zone urbaine sensible), ne bénéficie ni de CLAS (contrat local d'aide à la scolarité) ni d'un PEL (plan éducatif local), enfin, il est « normal »… Je ne vous avais pas fait de florilège de citations depuis un moment ; il est temps d'y remédier, pour que vous voyiez ce que donnent dix ans de scolarité en France, quand on n'est pas dans un établissement privé de centre-ville.

J'ai donc organisé un brevet blanc sur mes heures de cours, ne voyant rien venir de la part de l'administration, qui doit considérer que s'entraîner à un examen n'est pas plus utile que de faire une sortie permettant de cocher les cases du parcours citoyen. J'ai repris les intitulés du brevet 2023. L'un des deux sujets de rédaction, « l'écriture d'invention », était le suivant : « Il vous est arrivé d’être pris dans un jeu qui vous a entraîné progressivement dans une aventure imaginaire intense. Vous raconterez cet épisode à la première personne. Vous pourrez enrichir votre récit par des descriptions, l’expression des sentiments et des sensations. » Pas de quoi casser trois pattes à un canard. Voici ce que cela donne chez mes élèves, dont je rappelle qu'ils ont entre 13 et 14 ans.

Léa : « Je me rappelle quand j'étais petite avec mes amis on joués a la princesse et au chevalier. On se retrouvé a la recreation puis on commencé a joué c'etait comme si on etait dans un autre monde on a de très belle robe robe et blanche. J'essaye d'ouvrir la porte et je me rend compte qu'elle est fermé a clé, je commence à avoir peur car nous somme bloqué tout en haut du chateau. »

Nathan : « Tous d'un coup, j'entend un bruit.

- Qui est-ce ? sort de là je t'ai vu

- Je me suis perdu je cherche le trésor de Barbe noire et toi qu'est ce que tu fais là ?

- Moi aussi je cherche le trésor de Barbe noire

- Sa te dit qu'on le cherche ensemble ?

- Aller pourquoi pas. »

Les deux naufragés de l'histoire de Nathan, qui n'a bien entendu aucun rapport avec le sujet posé, se battent contre des pirates : « Un combat éclate est on réussi à les faires partirs mais David est blessé à la jambe en plus sans médicament et sans expérience en médecine David très mal. Quand nous sommes aller chercher le trésor nous sommes enfin arrivé ouvre le coffre. »

Léonie : « Les lutins nous montre comment il font pour que les étoiles reste belle et brillantes on dormait dans les nuages, ont se déplaçaient à l'aide d'une poudre magique je suis heureuse et surprise à l'idée de savoir qu'il y à des petites personnes pour prendre soins de notre galaxies. »

Enzo : « Un jour je me suis mit a joue a un jeux Harry Potter tout seul et il y avait des baguettes magiques et il y avait le chapeau qu'ont met sur la tête et qui nous dit un clan et je le met et puis comme si je me reveiller jetait a Poudlard. Je croises Poter il me fait un tour de magie et je me re reveille dans ma chambre les jours se passe, je vais le dire a met amies se qui c'est passé. »

Vous savez quoi ? Je suis tellement devenue un professeur de collège public qu'en lisant ça, je me suis réjouie qu'Enzo ait écrit quelque chose, et je me suis dit que finalement, il était un des rares à avoir compris le sujet et à l'avoir traité en partie…

Si vous avez une idée miraculeuse pour métamorphoser ces enfants, nous sommes preneurs. Si vous voulez nous remplacer, nous sommes preneurs aussi. Il semble que la société assiste au naufrage en spectatrice, tandis que quelques-uns, trop peu nombreux, s'épuisent à écoper en attendant que d'autres, tout aussi peu nombreux, aient construit des radeaux.

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

36 commentaires

  1. A l’étranger il y a des écoles où on apprend aux élèves à étudier, ceux-ci n’ont même pas été capables de comprendre ce qui leur était demandé. Sans doute qu’à la maison on n’a pas beaucoup plus de vocabulaire, que le dialogue avec les parents est inexistant, le niveau intellectuel a terriblement diminué déjà dans la société que j’appellerais intermédiaire enfin les classes moyennes alors dans les milieux modestes ce doit être pire, j’ai enseigné et je me demande si ce n’est pas à l’école de revoir ses méthodes, de les harmoniser avec notre époque, mais sans doute que pour certains profs ce sera trop demander et au ministre aussi parce que lui est au-dessus de ces considérations. Enfin c’est mon constat les élèves ne savent pas étudier, ils n’ont pas de méthodologie, ils ne savent pas faire un planning et ne savent ni comment, ni quand étudier une matière. j’ai des proches dont les parents travaillent à l’étranger à l’école on leur a appris tout ça ils sont revenus en France étudier dans une grande école bien notée sur le plan international, ils sont réellement en avance par rapport aux autres élèves qui néanmoins finiront par les rattraper voire les dépasser c’est ce que je leur ai expliquer pour qu’ils ne prennent pas la grosse tête d’autant que les autres ont fait une classe prépa pendant un an ou deux et qu’ils n’ont pas vu le jour pendant ce temps là, alors qu’eux ont eu plein d’activités pendant de temps-là

  2. Il est a se demander SI « l’état » ne le fait pas exprès de faire péricliter l’éducation nationale afin de faire des générations d’illettrés ; afin qu’ils leurs soient plus facile de les manipuler . Ils ne sont plus capables d’écrire correctement , leur vocabulaire est d’une indigence qui n’est plus a démontrer .Ils sont devenu nuls en math , et je ne parle même pas de la géographie et de l’histoire . La FRANCE se meurt à cause de l’incurie et de l’incompétence de « nos gouvernants » .Quel désastre !

  3. Tout coule, mais ils font partie des naufrageurs. Pour la nouvelle ministre on a bien vu que dans le sport sa priorité était la lutte contre le racisme et l’homophobie. Et en général leur priorité des priorité est la lutte contre le RN.
    Ils sont tellement aveugles qu’ils ne voient pas qu’une grande partie de ces maux qu’ils veulent combattre seraient réglés en jugulant l’immigration. Mais l’immigration, ils l’encouragent. Ils devraient tous laisser la place aux rares qui sont encore lucides et courageux et aller à l’école du bon sens.

  4. Un ministre du défunt Empereur Bokassa premier à qui l’on demandait quel est son ministère ne savait plus , il avait un trou de mémoire le pauvre , les nôtres aussi !

  5. Ayant soutenu et soutenant gracieusement 17 majeurs et mineurs en français, espagnol, je n’ai pas point besoin d’écouter les balivernes des Ministres.
    Une question me taraude, l’extrême droite serait- elle responsable de cette carence, comme des manifs paysannes Outre Rhin et autres calamités?

  6. La photo exprime toute la détresse de ces deux gamins face à l’obstacle qui est trop haut pour eux et en plus ils sont heureux , pauvre France !

  7. Bien triste niveau, tant au niveau de la maitrise de l’expression que du niveau de maturité…Cela relève plutôt du niveau CP-CE1 non ? Où sont les parents ??? C’est très inquiétant…

  8. La photo est parlante , dans la vie ces deux là se détestent , une chance pour nous et pour eux ils ne sont pas en couple !

  9. En lisant cela, l’affliction me gagne. Je savais le niveau des élèves lamentable mais là nous avons dépassé le fond et creusons la terre sous la mer. Jusqu’où ? Le chemin du retour vers le savoir est il encore possible pour cette génération et les suivantes qu’auront enfantées des ignares ?

  10. J’ai à la’maison des vieux manuels scolaires de mes aïeux, qui étaient instituteurs. En 1905, on demandait aux élèves de 6e, dans un manuel de latin, de raconter l’histoire de la ville d’Alexandrie de l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine. Les lycéens d’aujourd’hui sauraient ils seulement situer Alexandrie sur une carte ? Tout le monde est responsable : les politiciens au premier chef, et la structure, mais aussi les enseignants, et les parents.

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