[Une prof en France] Culture, culture, est-ce que j’ai une gueule de culture ?
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Ma cousine revient d'un voyage à Malte. M'enquérant des attraits de son séjour, je lui ai demandé ce qu'elle avait pensé des temples mégalithiques. « Les quoi ? » Elle n'en avait même pas entendu parler, ce qui prouve qu'en préparant son séjour d'une semaine sur cette île de 27 kilomètres sur 14, elle n'a pas pensé à consulter l'offre « culturelle ».
Il y a une sorte d'hypocrisie à demander à l'école de transmettre à tous les enfants les bases d'une culture pour laquelle la plupart des adultes n'éprouvent aucun intérêt. À une époque où le plaisir des gens se rattache essentiellement à leur corps, que ce soit par le sport, la nourriture, l'érotisme ou la coquetterie, on ferait peut-être mieux d'apprendre aux enfants à cuisiner ou à fabriquer des savons… Blague à part, un apprentissage sérieux des bases de couture, de cuisine ou de bricolage serait sûrement plus utile que des cours sur les mégalopoles ou sur les œuvres de Soulages. Les instituteurs qui les dispensaient il y a quelques décennies, si l'on en croit Martine à l'école, n'avaient pas le sentiment de s'abaisser en dessous de leur mission, bien au contraire.
Même en lycée, et c'est encore plus marqué en collège, j'évaluerais à 15 % le nombre d'élèves qui s'intéressent pour elles-mêmes aux œuvres culturelles qu'on leur présente. Une autre partie de la classe feint de s'y intéresser pour des raisons purement utilitaristes, ayant compris qu'un vernis de culture est un atout voire une nécessité sociale quand on a un peu d'ambition. Leur amour-propre leur fait sentir qu'il est plus confortable de connaître Hugo ou Léonard de Vinci si l'on veut gravir quelques marches. Mais ceux-là se contenteront de ne retenir que le minimum syndical, dont plus personne finalement ne questionne la pertinence. Combien de gens trouvent vraiment la Joconde « belle », voire simplement « intéressante » ? Mais ils savent qu'il faut la connaître, et peut-être l'admirer. Ils obéissent. Si l'on demande aux gens de citer les noms de cinq grands romanciers, ce sont certainement ceux du XIXe siècle qui sortiront. Leur valeur est-elle supérieure objectivement ? Ne seront-ils pas plutôt cités simplement parce qu'ils formaient le fonds culturel de la génération qui a organisé la massification scolaire ?
Osons une once de polémique… On reproche aux jeunes leur manque de culture parce qu'on n'a pas l'honnêteté d'interroger les fondements de ce que l'on nomme culture générale et de voir son évolution dans le temps, après un siècle d'utopie normalisatrice sous l'impulsion des hussards noirs qui ont imposé l'art du XIXe siècle et du début du XXe. La culture générale, c'est la culture du groupe, qui lui permet d'échanger des références communes, de se comprendre. Si l'on excepte les livres imposés par l'école, les meilleures ventes actuelles sont les autobiographies de Vincent Lagaf et de Florent Pagny et, dans le champ romanesque, Guillaume Musso, Joël Dicker, Mélissa Da Costa et Marc Lévy… Dix auteurs concentrent, à eux seuls, 20 % des ventes. Si les professeurs ne les donnaient pas à lire de manière obligatoire, combien d'exemplaires vendraient Hugo, Montesquieu ou Verlaine ? On peut le déplorer, mais c'est le réel.
On reproche aux jeunes de passer leur temps sur TikTok et Instagram et d'y consommer des contenus abrutissants. Ont-ils payé leur téléphone avec le fruit de leur travail ? Financent-ils leur abonnement ? Ou bien sont-ce leurs parents qui mettent tout cela à leur disposition, pour leur reprocher ensuite de l'utiliser ? J'ai confisqué, il y a quelques jours, le téléphone d'une élève qui avait reçu une notification en cours. Le SMS s'affichant sur l'écran était… de sa mère, qui sait bien pourtant que les téléphones sont interdits au collège, et que sa fille était en cours…
La « culture générale » qui se développe chez les jeunes, c'est ce que la société que nous avons construite leur offre au quotidien. Quand cette société promeut le laid, le sordide et le transgressif, il n'est pas surprenant que les jeunes restent perplexes devant l'incohérence et la confusion du message qui leur est transmis par l'école.
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24 commentaires
La fabrique du crétin digital fonctionne à plein régime.
Nous prenons plaisir à lire vos témoignages. En réalité, ils nous rassurent un tantinet. Ils sont la démonstration que tout n’est pas perdu, que certains enseignants restent lucides, vigilants et en capacités réactives. Revenons sur certains de vos commentaires : « le plaisir des gens se rattache essentiellement à leur corps, que ce soit par le sport, la nourriture, l’érotisme ou la coquetterie, …. » Vous résumez l’essentiel de l’air du temps en matière de comportements individuels. Les conséquences en sont désastreuses. Le parent en devient plus préoccupé à soigner son nombril qu’à éduquer sa progéniture. Prétexte à laisser le devoir d’autorité dans le placard. La facilité et l’hédonisme bus à grandes gorgées. Le matérialisme dans toute sa splendeur. Le balancier reviendra, c’est dans l’ordre de la nature. Gardons espoir. Un autre de vos commentaires : « un apprentissage sérieux des bases de couture, de cuisine ou de bricolage serait sûrement plus utile que des cours sur les mégalopoles ou sur les œuvres de Soulages » Me reviennent en mémoire deux situations vécues en école primaire, un autre temps : la lecture commune de Dumas, « les trois mousquetaires » et la dissection de grenouilles épinglées sur une planche, application en sciences naturelles. Je ne sais pas si cette pratique est encore possible aujourd’hui, pourtant fort instructive.
Absolument d’accord : » bouffe, culte du muscle, apparence » : c’est tout ce que la génération de massification a retenu ((avec les vedettes à la mode) pour survivre et « ètre in ». Contents d’eux. » Brahms » c’est quel chanteur ? « Pierre Loti il a joué dans quel film « ? Hep ! où sont les profs ,et les sonotones ? Ah non, pourtant : la dissection des grenouilles vivantes, c’était un cauchemar qui saisissait viscéralement les tripes de l’éthique naturelle innée ( sauf pour ceux qui en étaient dépourvus)
La culture des jeunes est celle de Tik Tok.Le monde a changé, la plupart de nos chérubins sont ignares et incultes. On prend la Tour de Pise en selfie ,mais on ne va pas la voir….Victor Hugo est plus une station de métro qu un écrivain. D ailleurs,au cours d une scolarité, on ne lit plus une œuvre entière, au mieux quelques pages..l orthographe a fait place à la phonétique.
La phrase avec sujet,verbe et complément est remplacée par des onomatopées. Le nivellement par le bas de l éducation nationale gauchiste se poursuit,grâce à l idéologie des ministres successifs et des technocrates wokistes.Pauvre France.
Excellent de justesse et d’intelligence .Merci ;
Je vous suggère tout de même ( et sans mépris ) ”tout le bleu du ciel” de Melissa da Costa !
J’ai un souvenir infernal de mes études. Je n’ai réellement commencé à lire que quand les titres étaient libres. J’ai eu la chance que la bibliothèque chez mes parents était riche et mon professeur ouvert car autrement, je ne suis pas certain que j’aurais ouvert un livre sans y être obligé.
La culture ? Maraîchère. Quelle culture? Celle où nos jeunes s’abrutissent dans des rêves parties. Où drogue circulent à profusion. Y aurait-il une culture puisque notre dernier ministre de l’enseignement pensent plutôt à sa promotion qu’à faire naître de jeunes espoirs. Que représentent les diplômes, rien, sinon un bout de papier donné. Les asiatiques vont nous ensevelir par leur connaissance. NOUS SOMMES DES MINABLES . Au fait il n’y a pas une chanson minable?
Dans ma jeunesse il y avait le Théâtre National Populaire…maintenant pour aller au théâtre il faut débourser une fortune..l’entrée dans les musées n’est pas donnée et qui est allé à l’opéra une fois dans sa vie ?
quand un jeune de famille très aisée ignore qui est Saint Louis et ne fait pas de rapprochement avec un roi de France, quand des jeunes énarques font des fautes d’orthographe et de français qui auraient fait rougir un enfant en primaire autrefois et quand des jeunes ignorent qu’il y a des couplets à notre hymne national alors il est temps de se demander si notre système d’éducation est au point
A quoi sert la culture aujourd’hui, nous avons le « wokisme » qui répond, comme certaines religions, à toutes les questions que le peuple se pose. Dans les Universités, nous avons d’ailleurs plus de professeurs de « wokisme » que de profs enseignant la culture générale.
Comme je vous comprend, mais vous savez comme moi que nombre de concours de grandes écoles ont supprimé l’épreuve de culture générale, il parait que c’était discriminant, il est vrai que mon fils avait du plancher sur sur l’art indien au quinzième siècle à son grand oral….
Ne mélangeons pas tout par des raccourcis pour être « dans le vent » : A l’origine, le seul vrai « grand oral » avec majuscules était celui de l’école libre des sciences politiques de la rue St Guillaume, fondée en 1874, pour le classement de sortie après 5 années d’études ( si droit et sciences éco en paralèlle; 3 années en accéléré). Depuis, les snobinards du monde des gens qui comptent et qui pérorent – mais pas avec les gueux- et qui pensent, ou croient penser, ont trouvé que c’était bien (et surtout que ça « faisait » bien) jusqu’à l’étendre désormais à la fin de 1ière année de médecine et même au simple bachot…De quelle grande école sur concours après prépa parlez-vous ? Cyr ? léger doute… Langues’O en sanskrit ? Pour ma part, « en son temps », interrogée rue St Guillaume en option éco-finances sur la théologie de Saint Dominique, j’ai réjoui et satisfait mon Jury..
Envoyer un sms, c’est une chose, que le destinataire le lise pendant un cours en est une autre.
L’avantage du sms est que justement qu’on peut le lire ultérieurement à son envoi.
Pas de smartphone en cours, c’est absolument normal, et, dans ce cas, la mère peut envoyer son sms sans problème…
Laideur et décadence de nos institutions, de l’Education Nationale en premier. Ce terme d’Education Nationale qu’elle laideur, l’appellation d’Instruction Publique est bien plus heureuse assurément. Victor Hugo a écrit « L’éducation c’est la famille qui la donne, l’instruction c’est l’Etat qui la doit ! »
La société mondialiste, progressiste et consumériste n’a tout simplement aucun intérêt à ce que le citoyen de base possède un bagage culturel minimum et dispose des références qui lui permettraient d’avoir un minimum de recul et de vision, de se forger une opinion personnelle et de ne pas être totalement esclave des diverses publicités et propagandes politiques.
Tout-à-fait exact. Le panurgisme permet une démocratie…dictatoriale. Suivez mon regard…
Combien de fois ai-je du corriger le manque de culture de mes enseignants au collège et au lycée !
Car les imbéciles des années 80, dont on se plaignait déjà, avaient grandi et certains étaient devenus « prof ».
À 50 ans, après des décennies de séjours Marmara, Fram ou luxair avec visites de musées pendant les vacances scolaires, certains ont un peu comblé leurs lacunes d’autrefois et ils se permettent de prendre de haut les élèves auxquels ils sont sensés enseigner sans se rappeler qu’ils étaient largement aussi stupides.
« la culture du groupe, qui lui permet d’échanger des références communes, de se comprendre. » Par les temps qui courent, la créolisation est en train d’éloigner nos références communes. Et pourtant, jean Hougron parlait de cette culture partagée des « asiates », de ces petits blancs d’Indochine et de certains autochtones. Après quelques verres de soju, il est possible de se comprendre à Séoul même sans avoir lu les romans coréens pires que romantiques où le héros en bave dans tous les chapitres et meurt à la fin. Et au début du siècle dernier à Madagascar, Jean-Joseph Rabearivelo laissait sa plume s’exprimer en français comme au lycée qui porte son nom à Analakely (quartier d’Antananarivo). Mais notre belle jeunesse qui peine à se comprendre, peut elle, veut elle comprendre les autres ?