[Une prof en France] Du vécu : l’apprentissage du français à un jeune immigré

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A. est en France depuis trois mois. À son arrivée d'Albanie, il ne parlait pas un mot de français. Que fait-il là ? Nous n'en savons rien, mais l'administration est aux petits soins pour lui, nous demandant de tout adapter pour lui permettre de s'intégrer le plus rapidement possible. Pourtant, il ne me semble pas que l'Albanie soit une zone de guerre, mais mes connaissances en géopolitique ne sont peut-être pas à jour. Il appert que pour ma direction, fidèle zélatrice de l'idéologie dominant dans les sphères étatiques à défaut de faire l'unanimité dans la population, toute personne venant d'un pays au PIB plus faible que le nôtre jouit sans conteste de droits irrévocables à une aide prioritaire. Aide que nous dispensons, nous, sur le terrain, à ces jeunes allogènes qui ont compris que moins vite ils apprendraient le français, plus longtemps on les dorloterait sans presque rien leur demander en retour. Trois mois… et il ne fait toujours pas de vraie phrase, en tout cas devant ses professeurs, car dans la cour de récréation, il semble communiquer parfaitement avec certains de ses camarades.

Avec le franc-parler qui me fait particulièrement apprécier de ma hiérarchie, j'ai soulevé auprès de ma directrice le problème que posait l'immersion en classe d'un jeune de 15 ans ne voulant dire que « bonjour », « ça va » et « est-ce que je peux aller aux toilettes ? » Évidemment, les raisons pour lesquelles Burrhus est scandalisé lorsque Néron lui révèle son intention de faire assassiner Britannicus dans la pièce de Racine lui restent mystérieuses, et il observe avec un certain ahurissement ses camarades ânonner piteusement les quelques vers du dialogue entre ces deux personnages que je leur ai demandé d'apprendre et de mettre en scène. Il passe sa journée à attendre, en dormant sur sa table, en rêvassant ou en essayant furtivement de consulter son téléphone.

Quand je lui dis qu'A. ne peut faire aucune des activités que je propose en classe, ma directrice me répond que je dois les adapter pour lui. Quand je lui rétorque que je n'en ai pas le temps, vu que j'ai déjà 15 demi-illettrés parmi mes 25 élèves, elle me suggère de passer une certification FLE (français langue étrangère). Et quand je constate qu'il ne comprend rien, qu'il n'écoute pas et n'a pas écrit une phrase en trois mois, ce qui me paraît prouver que le laisser en classe toute la journée ne fonctionne pas, elle soutient que l'immersion linguistique est la méthode la plus efficace, parce que des chercheurs de l'université l'ont affirmé dans leurs papiers. Las, si c'est une vérité scientifique, je m'incline et le réel devrait en faire autant. Comment la réalité pourrait-elle avoir l'outrecuidance de donner tort aux chercheurs en sciences de l'éducation de la faculté ?

Hier, j'ai demandé à A. de construire une phrase avec les mots « chien », « dormir » et « maison ». Il n'a rien proposé. La directrice aura beau jeu de me reprocher, encore une fois, mon excessif niveau d'exigence.

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Changez de métier chère Madame, c’est pas la peine de vous détruire la santé pour des gens qui ne veulent que profiter de la France pas s’y intégrer. Mais nos énarques ne le comprennent pas trop intelligents !

  2. C’est cet esprit stupidement égalitariste qui nous amène la décadence de l’éducation nationale. Encore un bienfait du vivre ensemble…

  3. Notre langue est ringarde, même Bruxelles l’a abandonné au profit de l’anglais !
    Bon courage à cette enseignante qui lutte à contre courant contre une idéologie bien en place , dont la logique est de favoriser l’étranger plutôt que l’autochtone !

  4. Dans ma ville je croise beaucoup d’immigrés et pourtant ils sont en France et ils parlent en permanence leur langue
    de l’autre coté de la méditerranée .

    • Je comprends parfaitement que les étrangers vivant en France, parlent leur langue lorsqu’ils sont entre eux, ça ne me choque pas du tout, le principal est qu’ils sachent parler et lire aussi français et que comme le veut la politesse, ils parlent français lorsqu’ils sont en compagnie de Français.

  5. « …Avec le franc-parler qui me fait particulièrement apprécier de ma hiérarchie… » Nous n’en doutons pas . Tenez bon . Ajoutons : « …ma directrice me répond que je dois les adapter pour lui…. » Cette directrice nous confirme toute l’étendue de son pouvoir dans l’insignifiance et l’irresponsabilité. Tirer l’Education Nationale vers le bas avec le consentement de sa hiérarchie . Car elle n’agit pas ainsi sans s’adosser à une autorité supérieure. Cet enfant rusé a tout compris. Je vous propose de jouer avec lui, si vous l’osez. Prenez le gentiment par la main, flattez-le comme valeur d’exemple, conduisez le face à la directrice. En sa présence, demandez-lui la lecture d’une phrase à sa portée. Il sait lire, il se trahit. Il refuse, il ne sait pas, prenez la directrice en témoin, instruction trop faible, afin de proposer et de le conduire dans une classe inférieure. Pris au piège, sa fierté refait surface et subitement il sait lire. Ou il s’inscrit dans cette démarche et accepte l’humiliation. Ce qui serait étonnant. Vous aurez ainsi placé chacun, la directrice et l’élève, face à leurs responsabilités. A propos, les groupes en classe ….. nous n’y comprenons plus rien. S’agit-il de groupes de différents niveaux dans la même classe ? Ce qui serait absurde… et ingérable efficacement. Ou des classes de différents niveaux ? Ce qui serait très profitable pour tout le monde. Bonne semaine Virginie et bon courage.

  6. Mais les associations se contrefichent que les français doivent payer pour entretenir ce parasite. Par contre aucun des membre de ces organisations ne se propose d’en hagerger et de financer leur présence. On devrait imposer à chaque membre d’en prendre 1 ou 2 à leur charge au lieu de les imposer à la communauté nationale

  7. marcher est un exercice indispensable, mettez un ou deux petits cailloux ronds dans la chaussure, marcher devient plus difficile, on marche moins vite et moins bien. Maintenant ajoutez un ou deux petits cailloux bien rugueux et surprise marcher devient très douloureux voir impossible. L’enseignant fait marcher sa classe, petit caillou rond, ça marche moins bien, petit caillou rugueux, ça marche très mal et l’enseignant n’y arrive plus, il s’épuise et finit par s’asseoir n’en pouvant plus.Puis arrive PISA et vous connaissez la suite. Hélas, trois fois hélas.

  8. Ces chercheurs d’université sont complètement hors sol. Leurs théories marchent quand on a la complète coopération des élèves. Quand une personne ne veut pas faire d’effort, un enseignant pourra utiliser toutes les stratégies possibles, le résultat sera le même. Un de mes professeurs d’université s’est retrouvé en face d’une classe de niveau secondaire, il a dû quitter son poste incapable d’appliquer les méthodes que nous devions préconiser. J’ai une certification FLE et, pour un tel étudiant qui semble bien avoir compris comment exploiter un système laxiste à son avantage, cette certification ne fera pas l’ombre d’une différence. L’enseignant devrait avoir la possibilité de renvoyer cet étudiant qui manifestement perd son temps et celui des autres en restant dans cette classe, sans parler du coût de cet exercice infructueux pour les contribuables.

  9. Le WOKISME intellectuel, qui gangrène nos administrations éducatives, devient vraiment un problème, pour les profs sur le terrain !

    • Pour les profs et les profeeeees!. Ce Wokisme est en train de nous rendre complètement idiots! Dans l’autre sens, une girafe, un giraf? et…un loup, une loupe (quand le mot louve aura disparu) Je m’arrêt car je vais mourir de rire ou de consternation…

  10. Bientôt , mais je devrais dire déjà les jeunes parlent un globish incompréhensible hors leur sphère et l’EN souscrit à la fin de notre langue. Démon temps nous ne la maîtrisons pas tous au même niveau de vocabulaire, mais les mots formaient des phrases cohérentes que nous comprenions tous. Difficile pour moi de saisir une quelconque cohérence dans le gloubiboulga linguistique des banlieues.

    • Les jeunes parlent globisch mais pas que….la télé aussi et quand je lis le « folder » du supermarché, ça fourmille à chaque page. Ajoutons que les « jeunes » parlent aussi verlan et la complication est complète.

      • J’ai même entendu hier soir sur une chaine d’info, le présentateur dire en parlant d’une manifestation : « …qui ont rendu Thommage. » Avec leur manie de mettre des TE à la fin de tous les mots. C’est ce que l’on appelait autrefois des liaisons « maltapropos » …

  11. Petit témoignage , Mon petit-fils de 10 ans, venant de Russie, en un an, a fait des progrès remarquables , parle très bien le français, une logique implacable et matheux ! À la rentrée prochaine, il entrera en sixième, a souhaité apprendre l’allemand, l’anglais et le latin ! Il a participé à un concours littéraire, sur 30 élèves, il a pris la cinquième place , a gagné un chèque de 12 euros pour acheter des livres ! Intégration réussie !

    • Le russe est une langue à grammaire compliquée, avec de nombreuses déclinaisons, deux manières de conjuguer chaque verbe, des accords pour tout en fonction du genre masculin ou féminin même pour les noms de famille. À ce propos, « blini » ne prend pas de S car étant déjà le pluriel de « blin » (crêpes) le pluriel se fait non pas avec un S mais avec un i… Cela demande une certaine gymnastique d’esprit, comme en latin et allemand…

      • Merci pour vos explications, ma belle-fille trouve que la langue française est une langue compliquée, prend des cours de français régulièrement et en cas de difficulté nous parlons anglais, hélas ! Mais elle s’accroche, mon fils nous incite à lui parler notre langue

  12. Merci pour ce témoignage,encore un immigré qui représente une chance pour la France,inutile d’être universitaire pour imaginer son avenir proche !

  13. Tout s’effondre dans ce pays, tout y est déliquescent. Votre constat s’accorde à cette évidence.

    Vous n’en avez que plus de mérite dans votre dévouement, votre engagement qui confine au sacerdoce et à l’abnégation, désormais, puisque vos efforts déployés, les plus louables soient-ils, sont devenus vains.

    Vous l’avez parfaitement exprimé, ce n’est plus le mérite qui est récompensé mais la propension victimaire, la violence et la paresse qui sont exonérées.

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