[Une prof en France] Écriture, la fin des cahiers ?

école pupitre écolier

Depuis plusieurs générations, le cahier semble indissociable, dans l'imaginaire collectif, du monde de l'école. Ce support d'écriture s'est imposé peu à peu, mais reste une invention assez récente, au regard de la longue histoire de notre peuple. Ni le jeune Romain, ni l'écolier de l'école palatine développée par Charlemagne n'écrivaient sur des cahiers, ni même sur des feuilles telles que nous les connaissons. Et l'avenir proche va peut-être faire évoluer à nouveau les supports de travail des élèves. La technologie offre des conquêtes ambiguës, qui suivent les orientations idéologiques de ceux qui les promeuvent. En 2013, une réflexion menée dans plusieurs États américains ainsi qu'en Finlande avait abouti à une suppression de l'apprentissage de l'écriture manuelle. France Info avait relayé l'information à l'époque, car cela concernait une grande partie des futurs Américains : « 45 États sur 50 ont décidé de faire disparaître l’écriture cursive du "tronc commun des connaissances requises" dans l’enseignement scolaire. » Puis, sous la pression d'une partie de l'opinion et d'éminents scientifiques, certains États avaient fait marche arrière et opté pour une réintroduction de l'écriture scripte, l'écriture cursive restant vue comme un acquis non nécessaire et chronophage.

Pourtant, dans le même temps que l'on assiste à cette disparition partielle de l'écriture manuscrite (il suffit de regarder comment les enfants tiennent leur stylo et d'avoir à déchiffrer leurs gribouillis pour constater qu'elle est mal enseignée), de nouveaux outils lui permettent de maintenir sa place à l'école. Une de mes filles m'a dit, récemment, que l'une de ses amies, scolarisée en CM2, n'avait plus de cahier ni de trousse mais une simple tablette. J'ai d'abord pesté contre cette idée inepte, puis j'ai repensé à ce qu'elle m'avait dit. Il ne s'agissait pas seulement de remplacer les manuels papier par leur version numérique afin d'alléger les sacs des enfants, mais bien d'adopter un nouveau support d'écriture. Comment cela est-il possible ? Ils utilisent la tablette reMarkable 2, qui permet d'écrire avec un stylo dont la tenue est assez proche d'un stylo « normal », et de créer des documents numériques à partir des notes prises, documents que l'on peut enregistrer, classer comme dans un trieur ou imprimer. Malgré mon amour de la tradition, j'avoue avoir la tentation de penser qu'un tel outil pourrait avoir sa place à l'école, s'il est bien utilisé. Non connectée à Internet, cette tablette n'est pas source de distraction pour l'élève et permet d'éviter un certain nombre d'écueils : plus de sacs d'un poids scandaleux, plus d'oubli de matériel, plus de confusion entre le cahier d'histoire et celui d'anglais… Son utilisation n'est pas intuitive (mais celle d'un cahier non plus) et impose un réel apprentissage de l'autonomie et de la rigueur dans l'organisation, mais ne serait-ce pas l'une des fonctions essentielles de l'école, bien avant la transmission de contenus que l'on peut trouver en de nombreux autres lieux et que les élèves oublieront pour la plupart ? L'école est là pour former, pas seulement pour remplir.

Mon opinion n'est pas arrêtée. Elle est sûrement contaminée par une sorte de nostalgie, tant est forte la tentation de croire que ce que l'on a connu soi-même est une sorte de modèle indépassable. Qu'en pensez-vous ? J'ouvre le débat dans les commentaires !

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

38 commentaires

  1. l’écriture reste indispensable à l’éducation de nos enfants à l’apprentissage de la langue Française !
    la tablette ne doit être qu’un outil de plus et non pas le seul moyen d’apprendre !

  2. Je n’ai pas pratiqué l’écriture sur tablette. Elle contenait tous les manuels numériques, ce qui appréciable en termes de volume et de poids . Deux inconvénients : quand l’élève oublie sa tablette et quand il oublie de la charger …

  3. Les cahiers avaient l’avantage d’aider à former les lettres correctement, les minuscules d’une certaine taille, les majuscules d’une autre, et les cahiers de brouillon avaient au dos les tables de multiplication, ce qui était bien pratique.

  4. Je ne suis, à priori, pas contre une tablette non connectée à internet, du moment qu’elle possède une mémoire qui permet à l’enseignant de suivre de près l’élève.

  5. Oui et toujours les cahiers et savoir lire très vite ..c’est trop cher diront certains …mais ils touchent une prime pour cela ….écrire reste indispensable.

  6. L’écriture cursive et scripte me sont indispensables au quotidien (prise de notes rapides, sans les fautes induites par l »intuitif »!), bien qu’ayant adopté et approuvé toutes les formes d’écriture que m’ont apporté la micro-informatique (ce site en ligne en est la preuve, sans lequel nous ne communiquerions pas, Virginie). Il ne faut pas en avoir peur, mais considérer ce progrès comme un allié.

  7. Que vont devenir les apprentissages du travail bien fait, d’un travail appliqué, propre , précis.
    L’informatique, la gangrène de notre temps…

  8. Le jour où ces gamins devenus grands auront un chèque à faire, bonjour les dégâts (bien sur il n’y a qu’à supprimer les chèques). Et puis quand il n’y a plus de batterie sur la tablette ils font quoi ? Ou pire si la tablette tombe en panne c’est comme si on leur avait volé leur cartable. La tablette est un outil utile, d’accord, mais dire qu’il remplace le cahier, non !

  9. La main qui dessine, la main qui écrit, la main créatrice par le geste – prolonge le cerveau et contribue à son développement, puis réciproquement et progressivement le cerveau guide cette main de mieux en mieux. Nos musées sont riches de tant de créations comme autant de preuves de l’enrichissement de l’Humanité par la main et le cerveau indissociables. Pianoter sur un clavier présente de nombreux avantages mais certainement pas celui de contribuer à développer le cerveau qui délègue ce qu’il ne sait plus faire et qui obéit à la machine, car la main tape (tape !!!) obligatoirement sur les touches disponibles. Quand j’écris manuellement, je dessine selon mon humeur et parfois je pense un peu jalousement aux enluminures ; quand je relis quelques vieilles lettres je reconnais parfois l’écriture comme la voix au téléphone, les fantaisies des accents, des majuscules…
    Cela dit, je rédige ce commentaire grâce à mon clavier et je m’en trouve fort aise, mais je n’abandonne pas pour autant le plaisir du manuscrit et de la liberté qui va avec.

  10. Cela on ne peut pas le faire sur une tablette ..il y un apprentissage de la finesse des gestes qui ne peut se faire que sur un support papier…

  11. J’ai souvenir, un brin ringard ou réac, si vous préférez, de mon apprentissage de l’écriture à l’école primaire et à l’emploi de diverses plumes dont celle « en bec de canard », qui nous faisaient faire tant de pâtés et tâches sur nos cahiers. Mais l’apprentissage aidant, quel plaisir après de pouvoir écrire correctement. Tout cela s’est terminé avec le stylo à bille pour le plus grand malheur des écoliers qui ne s’en rendent même plus compte.

    • Mon souci a longtemps été les traits à la règle que celle-ci transformait en demi-cercle de la couleur de l’encre utilisée.

  12. JMerci de ces informations…Nostalgique je reste très fidèle au brave cahier..Il faut apprendre à lire et à écrire avant 6 ans très simplement.:préhension t

  13. Ecrire sur un cahier proprement est une chose , le cahier de classe sert de support à l’élève pour s’amélioré et progresser dans son écriture en prenant des notes et en faisant ses devoirs . Il reste indispensable !

    • Avez vous une « tablette » ?
      Le cahier ( le papier en général) est indispensable en effet si on n’a pas de tablette . Mais de nos jours avec un cahier on peut très bien se passer d’ardoise, et avec une tablette on se passe aussi bien de papier.
      Une fois qu’on sait utiliser efficacement une tablette , il n’est pas interdit , si on est nostalgique ou admiratif des comportements anciens , de suivre en option des cours de calligraphie à la plume d’oie, ou d’écriture sur de la cire…

  14. Un peu comme vous je suis nostalgique mais je me dis que tant qu’on leur apprend à bien écrire peu importe le support .

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