[Une prof en France] Éducation de la volonté : il y a du boulot !
3 minutes de lecture
Nous sommes nombreux à constater les défauts de l'école, voire sa subversion. En replongeant dans les écrits du passé, nous pourrions changer notre regard sur ce qui est essentiel et réorienter notre pédagogie, au niveau individuel pour chaque enseignant comme au niveau des directives institutionnelles et de la formation des professeurs qui, pour la plupart, sont soucieux de bien faire et souhaitent avant tout que leur enseignement soit efficace.
Le philosophe Émile Chartier, connu sous le pseudonyme Alain, enseigna à partir de 1909 aux préparationnaires du lycée Henri-IV et y forma des penseurs d'envergure tels Simone Weil, Raymond Aron, Julien Gracq ou André Maurois. Il publia en 1925 un traité de Pédagogie enfantine dans lequel il livrait ses pensées sur l'éducation, qu'il développa aussi dans ses fameux Propos, dont les Propos sur l'Éducation (1932).
Alain développe l'idée que le cœur, la base, le centre de l'éducation devrait être le travail sur la volonté. Et force est de constater que l'on ne forme pas ainsi les professeurs : on leur dit sans cesse qu'ils doivent transmettre des savoir-faire et - en tout cas on l'aimerait - des savoirs, mais on les fait peu réfléchir à la psychologie humaine et aux principes de la cognition et de la mémorisation. Bien avant l'advenue des neurosciences et des sciences cognitives, dont on parle tant aujourd'hui sans pour autant appliquer leurs préconisations dans notre pédagogie, Alain mit en lumière des éléments importants : « De même qu'on ne peut faire attention que si d'abord on agit, plus évidemment encore on ne peut vouloir que si on fait quelque chose. Ce principe conduit fort loin. […] On comprend que les discours concernant les actions que l'enfant n'a pas à faire présentement sont à peu près inutiles. Par exemple on prépare mieux le soldat futur par gymnastique, adresse, patience, suite, éducation de la responsabilité dans les petits travaux des écoliers, que par des discours émouvants. L'économie n'est rien pour l'enfant, mais l'ordre, la précaution, la propreté sont quelque chose. La justice sociale est une abstraction, mais le respect du matériel scolaire, des livres, des crayons, joint à la bonne administration de ce qu'on possède est quelque chose. Un discours contre la révolte ou la violence n'est qu'émouvant ; mais la politesse scolaire, la pudeur, la mesure, le sourire sont quelque chose. L'opinion publique (le citoyen) est de l'avenir. Mais faire que l'enfant remonte toujours de l'erreur à sa propre inattention est une leçon de jugement. Bref l'enfant, en sa situation scolaire (et familiale, et sociale), comme enfant, peut agir ; c'est en ces actions qu'il apprendra à vouloir. […] L'enfant ne s'instruit moralement que par les fautes qu'il fait. […] Qu'il apprenne à vouloir en ce qu'il peut vouloir. La bonne volonté n'est pas assez ; c'est l'action qui forme l'enfant. »
Alain rappelle la fonction essentielle des responsabilités données à l'enfant, qui peuvent paraître minimes mais qui, en réalité, sont un travail de fond sur la maîtrise de soi et la volonté. Or, la volonté permet l'attention, et l'attention permet l'apprentissage. Ce n'est pas en écoutant passivement un cours que l'on forge sa volonté, mais en impliquant l'enfant dans un engagement actif. Pour cela, Alain promeut des exercices simples : balayer, aérer, mettre les papiers à la corbeille, ranger le matériel (autant de choses que l'on ne demande plus guère aux enfants, surtout dans le secondaire), aider le voisin, faire des exercices en temps très limité (4 minutes de calcul mental), écrire un texte court avec des contraintes fortes, car les contraintes fortes sont stimulantes… Revenons donc au principe fondamental, et développons la volonté chez nos élèves, non par des discours mais par des exercices pratiques précisément calibrés.
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25 commentaires
Je pense que, même si les deux aspects sont liés – éducation et instruction – la réforme souhaitée se situe tout d’abord à sa source : celle des parents. « On ne forcera jamais à boire un âne qui n’a pas soif ! » Recommençons par donner à nos enfants le gout de l’effort, expliquons leur le sens social de la discipline et la différence entre « le bien et le mal ». Ils deviendront alors, aptes à mieux comprendre, accepter et intégrer le discourt et les valeurs de l’enseignement.
L’arrière grand-père que je suis devenu, reprend tout cela patiemment aujourd’hui, avec courage et tendresse, dès que l’occasion se présente auprès de mes petits enfants. Je reprends un peu d’espoir qu’ils en fassent un jour leur « catéchisme de bonne conduite »
Merci pour votre excellent article!
Tout ce que vous décrivez comme contraintes éducatives était bel et bien mis en pratique dans les écoles libres du siècle dernier. On nous faisait même confiance pour rester disciplinée en cas d’absence momentanée d’un professeur.
Bonjour Virginie. Instructif. Vous avez déniché un beau sujet, comme d’habitude, qui peut ouvrir bien des débats. » Qu’il apprenne à vouloir en ce qu’il peut vouloir. » Carotte, motivation, volonté, le courage se dégrippe. Prenons un exemple du quotidien. Vous roulez tranquillement à 80 kmh… relax. Il vous reste 10 km pour atteindre votre but, la ville voisine industrielle. C’est l’heure des transferts domicile/travail. Un automobiliste qui piaffait d’impatience dans votre coffre vous double rageusement. Il lui reste ces 10 kms à parcourir pour atteindre son entreprise. Avant de doubler, lui serait-il venu à l’idée de faire un petit calcul mental « bienfaisant » afin de rechercher le temps gagné, en imaginant qu’il roulera ensuite à 90/100 kmh ? Une misère …. une poignée de secondes. Un simple exercice à apprendre en primaire, qui peut sensibiliser à vie, juguler le vouloir, réduire les risques d’accidents. »Qu’il apprenne à vouloir en ce qu’il peut vouloir. » Nos enseignants sont-ils formés à ce type d’approche ? Alain appuie ses raisonnements sur le bon sens, le bon geste machinal appris dès la tendre enfance, le cerveau devenant ainsi bénéfiquement formaté. Si nous en revenons au présent, nous prenons conscience que certains lobbies ont très bien assimilé la méthode en recherchant sa pratique en milieu scolaire, avec le soutien du pouvoir. Les prétentions des progressistes ne sont que des resucées d’actions passées négligées. On en revient toujours aux fondamentaux, inébranlables. Les utopistes par définition sont dans le rêve. Ainsi ils prétendent annihiler haine, racisme, etc, alors que ces tensions en l’être humain sont naturelles. Elles sont à juguler , « apprendre à vouloir ce qu’on peut vouloir » . Nos dirigeants sont-ils dans cette veine ? Ils en sont très éloignés. Virginie, je cesse. Bonne suites dans vos vacances.
« L’enfant ne s’instruit moralement que par les fautes qu’il fait. » dit plus simplement, c’est en se trompant qu’on apprend – nos gouvernants eux se trompent matin midi et soir et visiblement n’apprennent rien…. va comprendre Charles !!
Superbe photo d’un passé révolu…
Pour comprendre, faudrait-il encore avoir un cerveau! Mais n’est pas plus aveugle que quelqu’un qui ne veut pas voir, et sourd que celui qui ne veut pas entendre. Cupidité et conflits d’intérêts sont malheureusement la norme actuellement.
La volonté comme outil pédagogique est systématiquement utilisée dans les pays asiatiques. Ces pays sont généralement premiers dans le classement Pisa. Les asiatiques vivant en France sont souvent les meilleurs élèves, tant au niveau scolaire que dans l’enseignement des arts, de la musique, du sport, etc. Et pourtant nos politicards de pacotille ne parlent jamais de prendre exemple sur cet enseignement là : pourquoi ?
la volonté ne peut s’enseigner que par l’exemple…et la volonté de montrer l’exemple !
Quelle chance pour l’éducation de nos enfants que de retrouver nos racines…le génie français demeure. Il faut surtout relancer la France par l’éducation. Depuis 1968 l’éducation nationale s’est étalée dans un abandon professionnel. Pour preuve on n’arrive plus à recruter. L’éducation est le premier maillon d’une chaîne: culture, travail, responsabilité « …….
Bravo, belle analyse, rien à ajouter… sinon la base chrétienne de nos valeurs civilisationnelles.?
C’est la « tête bien faite » plutôt que la « tête bien pleine » ..Notre président aurait dû méditer.. Autrefois on apprenait à organiser son cerveau on apprenant à réfléchir et s’exprimer ..vocabulaire orthographe exercices de style dissertations et puisque vous parlez d’Alain il convient de rappeler ce qu’il a si bien écrit « Toute vérité devient fausse dès l’instant que l’on s’en contente » Ce devrait être la devise des journalistes
On peut s’inspirer du passé, mais on ne peut pas vivre avec le passé, vivons avec notre époque. Lorsque je dis on peut s’inspirer du passé, ceci comprends également les erreurs, je crois qu’il faut déjà corriger les fautes de mai 68, rétablir dans les établissements scolaires la discipline tant pour les élèves que pour les profs ,revenons aux fondamentaux et remettons les profs au travail c’est à dire préparer correctement les cours, corriger sérieusement les copies, faire de la discipline dans les classes pour enfin pouvoir faire un cours avec des élèves attentifs et silencieux et considérer chaque élève de la même manière et n’accorder aucun privilège à quiconque parce qu’il vient de la diversité. Ce sera déjà un grand pas de fait. Je conseille aux enseignants de lire les principes de Fayol vieux de cent ans et toujours d’actualité même si ça s’adresse aux chefs d’entreprise, entreprises que les enseignants devraient fréquenter plus souvent.
Excellent
Amusant, Alain me rappelle mes débuts scolaires en 1944, les élèves arrivaient le matin, l’un de nous était chargé de remplir les encriers, d’autres allumaient le poëlle, et chacun devait s’assurer qu’il ne trainait pas de papiers au sol, et à la sonnerie, tout le monde en rang devant la porte en attendant que le Maître entre, le tout en silence, manifestement une autre époque.
Les enfants étaient encore des enfants et non des assassins dont on a peur à notre âge dans les rues des villes…
Moi aussi j’ai rempli les encriers, après avoir préparé le mélange poudre + eau ! J’adorais ça !
Un rien vous amuse ! Je ne trouve pas celà drôle, ce qu’est devenu l’école depuis 68. Ce n’était pas une « sonnerie », genre la sirène pompiers du 1ier mercredi du mois, mais une cloche. Vous oubliez : En rang par deux, strictement ; Les coups de baguette en fer sur les doigts; L’encrier qui « saute » quand la plume accroche, et tâche la blouse (claire pour les filles) , d’où la fureur des « bonnes » soeurs et le piquet au coin.1956. Des leçons de vie simples, mémorisées. C’est après que ça se gâte: Quand nos acquis confrontés au mensonge, à la perversité, aux tricheurs, aux vicieux, aux arrivistes ( milieux familiaux différents ?) butés, fumistes, narquois et sûrs d’eux ;à la fourberie et la mauvaise foi , choses qu’on n’avaient jamais rencontrées..
Pour cela il faut recruter du personnel compétent , ce qui n’est plus le cas , et des sanctions pour les élèves fauteurs de troubles . l’enseignement dans les écoles publiques n’est plus possible dans des bonnes conditions , ne reste que le privé pour assurer une bonne éducation à nos petits . D’ailleurs ou vont les enfants de nos élus , pas dans le publique , ça c’est bon pour les gueux , les sans dents …..Et quelle place occupe la France dans le classement de l’enseignement , France qui était parmi les meilleures se trouvent aujourd’hui très près des pays du tiers monde , la faute à qui .
Trop de « mélanges des genres », dans tous les sens du terme. Il faut des milieux homogènes, au besoin à confronter ensuite lors de colonies de vacances ou autres ( on appelait ça le » patronage »..)
Alain est accessoirement le promoteur du principe de la mise a la terre des appareil électriques
La France est le 3e pays au monde en terme d’indiscipline en classe, d’après le classement PISA.Pilotées par l’OCDE, les études PISA évaluent les systèmes scolaires de ~80 pays selon divers critères, dont un « index de discipline », issu de plusieurs sous-dimensions (ex : chahut, écoute en cours, etc.). Le résultat de la France est catastrophique.
La France est aussi le 2e pire pays du classement PISA concernant le bruit en cours. Les chiffres sont délirants : 52% des élèves déclarent qu’il y a du chahut la plupart du temps, un score hors-norme ! Pour comparaison, c’est 8% en Corée, 16% en Roumanie et 23% en Turquie.
Dans ce classement PISA, la France est le 2e pire pays au monde concernant l’écoute et l’attention en cours. Le score de la France est : 2x plus mauvais que celui de la Roumanie 3x plus mauvais que celui de la Biélorussie 5x plus mauvais que celui du Japon
Concrètement : 4 élèves sur 10 déclarent que la majorité du temps, la classe n’écoute pas le prof 5 élèves sur 10 déclarent que la majorité du temps, il y a du bruit et du chahut 6 élèves sur 10 sont arrivés en retard sur les deux dernières semaines.
Heureusement, la situation dans nos écoles privées est « moins pire » que dans le public. Le score de discipline y est 4x meilleur Mais il reste assez médiocre, moins bon que les moyennes de l’immense majorité des pays classés
Tout cela est exact. D’un autre côté on a retiré aux enseignants absolument tous les outils répressifs. Si on applique le code de l’Education, on ne peut absolument rien faire, ni travaux d’intérêt général, ni punition, ni sanction chiffrée (une note de discipline par exemple), un enseignant n’a en théorie même pas le droit d’élever la voix. Quand on voit dans quel état éducatif certains parents livrent leurs enfants à l’école, on se dit qu’effectivement on ne peut pas redresser la barre sans levier.
Ce sont les profs eux-mêmes qui en 68 disait qu’il était interdit d’interdire et qui laissaient les élèves les tutoyer
Ce sont les enseignants eus-mêmes qui ont creusé leur tombe.