[Une prof en France] Faire mentir les chiffres : tout un art !

pap ndiaye

On pouvait croire que le ministère de la Santé détenait la palme du trifouillage des chiffres. Le ministre de l'Éducation nationale vient de sortir une carte maîtresse qui lui permettra de rivaliser avec MM. Véran, Braun et consorts. Il vient d'annoncer qu'à la prochaine rentrée, 1.500 postes d'enseignants seraient supprimés. Vous croyiez qu'il y avait une pénurie d'enseignants ? Vous souffrez du même trouble optique que ceux qui prétendent qu'il y aurait une pénurie de lits d'hôpitaux, d'infirmiers ou de main-d'œuvre dans la restauration. C'est drôle, comme on peut se tromper, parfois, quand on ne regarde pas un problème sous le bon angle. Il y a, visiblement, un trop-plein d'enseignants, puisqu'on va pouvoir se passer de 1.500 d'entre eux… Le motif ? Le déclin démographique.

Il fallait y penser. Le secondaire perdra 840 élèves l'an prochain. On peut donc supprimer 500 postes dans le secondaire - en plus des 1.000 supprimés en primaire -, dixit M. Ndiaye, et cela ne se verra quasiment pas à la rentrée car les classes ne sont pas surchargées et on pourra répartir les élèves… Là encore, il faut s'incliner devant les chiffres. De mauvais coucheurs qui auraient, en plus, le défaut d'être parents d'élèves ont peut-être cru remarquer que leur enfant partageait sa salle de classe avec 30 ou 35 condisciples. Illusion d'optique ! Le ministère évalue à 26 le nombre moyen d'élèves par classe dans le secondaire. Pourtant, dans la classe de 5e de ma fille, ils sont 32, dans celle de sa sœur qui est en 3e, ils sont 33, dans la classe de mon fils, en première, ils sont 38. Et les 6 autres première de ce lycée public affichent le même effectif, comme les classes tenues dans d'autres établissements par mes amis professeurs, qui préparent tous entre 32 et 39 élèves au baccalauréat. Il doit donc y avoir en France, cachées on ne sait où, tout plein de classes heureuses à 10 ou 12 élèves dont on n'entend jamais parler. C'est la magie de la centralisation du pouvoir et de la réflexion à partir de moyennes nationales, sans prise en compte des réalités locales.

Ensuite, il faut accepter l'idée que 840 élèves en moins justifient la suppression de 500 postes. Je ne suis pas très forte en mathématiques, mais le ratio me paraît étonnant. Dans mon établissement, qui est un petit collège rural ayant subi beaucoup de défections, récemment, en raison d'événements propres à la zone, nous sommes 25 enseignants, pour environ 400 élèves. Nous avons donc la chance d'avoir des classes peu chargées. Ce qui est heureux, vu le profil de certains de nos élèves. Dans mon ancien lycée, nous étions une grosse cinquantaine, pour 1.400 élèves. Si l'on garde la même proportion, 500 professeurs prennent en charge environ 14.000 élèves dans le secondaire. Cela fera un gros manque, même si on retranche 840 élèves aux effectifs nationaux… Mais nous ne manquerons pas d'enseignants, promet le Pap. De la même manière, son homologue le médecin général avait affirmé qu'on ne manquerait ni de masques, ni de gel, ni de lits, ni d'électricité, ni d'essence, ni de rien, en fait. Les gens voient vraiment le verre à moitié vide au lieu de faire confiance à leurs grands timoniers qui gardent si bien le cap. Le cap vers un mur immense contre lequel on va se fracasser. Mais ils auront quitté le navire avant l'impact, si leur instinct murin les prévient à temps.

Notre Président, dans son discours du 17 avril, a annoncé que l'Éducation et la Santé seraient ses priorités. Cela commence par des suppressions massives de postes d'enseignants, qui font écho aux fermetures massives de lits d'hôpitaux au cours des dernières années. Pitié, oubliez-nous ! Laissez donc les acteurs de terrain gérer leur corporation, recréez les corps intermédiaires, et que l'État, plus incompétent d'année en année, cesse de se mêler de choses auxquelles il ne comprend rien et sur lesquelles il plaque une idéologie qu'il n'a même pas le courage d'assumer officiellement.

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

36 commentaires

  1. bah , j’ai 71 ans; à mon époque, une classe de plus de 40 élèves ne posait aucun problème ! A qui la faute si c’est ingérable aujourd’hui ?

    • J’en ai 79 et dans ma classe, à la campagne, l’instituteur faisait cours à trois niveaux dont celui du certificat d’étude! Et le « Certif » de l’époque ce n’était pas de la roupie de sansonnet comme maintenant.

  2. Bof ! Ce ne serait pas dramatique et même plutôt bien que ces suppressions d’enseignants soient dirigées dans le stock des délégués syndicaux.

  3. Résumons N’Diaye sexualité avant instruction. Apprendre à lire, écrire et compter est secondaire. Tout est à l’avenant.

  4. Peut être le gouvernement anticipe une forte baisse dans les années à venir du nombre d enfants scolarisés, et une réduction de l absentéisme des enseignants ?

  5. Faut pas rêver, la France se relèvera pas tant que de tels gouvernements seront en place. Par contre on peux se poser la question, est ce que ce pays peux s’en relever, on a tout tenté le mieux c’est de mettre à la tête de notre état des personnes n’ayant jamais gouvernés bien que, ce sera pas pour autant gagné vue l’état dramatique que celui et ceux qui ont gouvernés laissent ce pays.

  6. Vous avez sans doute mal compris notre Ministre de la désinstruction dont les enfants sont « dans le Privé » : c’est dans l’Instruction Catholique seule qu’il veut réduire et le nombre de Prof’ et le niveau des élèves .

  7. On ne peut plus continuer en France avec ces polichinelles gouvernementaux. Ils sont incapables, menteurs, profiteurs et destructeurs de notre nation millénaire.
    Ils n’écoutent pas la colère du peuple qui développe une crise profonde. Ce premier mai va en être le symbole.

    • « Ce premier mai va en être le symbole » … il faudrait pour cela que le peuple se réveille et la ce n’est pas gagné, la grande majorité gagne encore bien sa vie pour s’apercevoir du désastre qui s’approche. De toutes façons dès que celui ci va s’abattre sur le pays ils auront le grand courage d’émigrer.

  8. Chère professeur vous savez ce que disait Churchill,  » il y a le mensonge, le gros mensonge et les statistiques ». Quant au nombre d’élèves, tout dépend des sujets, en 1958, dans ma classe de mathématiques élémentaires, en terminale, nous étions 46 et tout se passait très bien, il est vrai qu’à l’époque, les enseignants enseignaient et les étudiants étudiaient!

    • Et la politique n’entrait pas à l’école! Que ce soit par les enseignants, les élèves ou les parents de ces derniers.

      • Il faut en effet tout balayer et tout reprendre à zéro. Discipline et respect des autres à l’école, dans les familles et ailleurs. Un seul objectif pour l’école : savoir lire, écrire et compter à un niveau acceptable, rétablir le redoublement et le tri pour l’entrée en sixième. Remettre aussi les enseignants « à niveau ». Désolée, je suis peut-être dure mais lorsque je vois toutes les fautes d’orthographe, même dans les articles publiés dans les médias… J’en fais aussi parfois mais ce sont le plus souvent des fautes d’étourderie. À 80 ans, c’est pardonnable. Non?

  9.  »Laissez donc les acteurs de terrain gérer leur corporation » : excellente votre formule madame ! Et elle est valable pour l’université, la recherche, les services publics etc Car la France est tellement plus intelligente que ces non élus qui, à peine installés en positon de nuire, veulent réaliser leurs fantasmes et leurs névroses sans écouter personne. Tous les ministres de ce minable gouvernement (remis en selle par Mélenchon qui a appelé à soutenir Macron) sont du même modèle toxique : des créatures de Macron.

  10. il est faux de prétendre que des classes à effectif réduit sont plus efficace en général. Ancien élève du public et du privé puis enseignant dans les 2 systèmes, seule la discipline, la sélection et le regroupement par classe de niveau permet d’atteindre un enseignement correct. J’ai eu plus de difficulté parfois dans ou avec des classe de 15 qu’avec des classes de 40 où m’ordre, la discipline stricte et la stimulation par le travail et les devoirs lié à la possibilité d’études ou de contrôle dans l’établissement avec une moyenne de 35. heurs par semaine, eh oui ( 08 à 12 puis 14 à 18, 4 jours par semaine et 4 heures le samedi matin) cela détermine la réussite et permet d’affronter la vie qui n’est que sélection permanente que cela plaise ou non. Mais il faut aussi une orientation et la possibilité de transfert de vers des filières adaptées aux capacités et dons de chacun en gérant les moyennes générales et en adoptant les coefficients par matière cohérents

    • Rien à ajouter, nous avons été éduqué par cette école, ce qui nous a permis de tracer notre route dans la vie.

    • Tout à fait d’accord avec vous. En maths sup et spé nous étions 40 par classe en(en 1979-80) et à 90% nous avons réussi. La sélection doit être la règle d’accès aux études supérieures et aussi au lycée.

  11. Face à ce naufrage de l’enseignement géré par un ministère tentaculaire, la solution pour redresser la barre serait peut-être de confier la charge de l’enseignement, tant en ce qui concerne le recrutement de l’encadrement, des enseignants que les méthodes et la pédagogie aux régions. Le ministère se réservant les programmes et les examens.

  12. Le français.

    Pour éviter qu’il ne se prenne pour Dieu, Dieu a fait le français moyen très moyen.
    Ceci n’est pas sans conséquence sur le cours de l’histoire. Moyen mais ma-lin, le français a eu l’idée de compenser sa médiocrité par un système d’instruction particulièrement performant.
    Bien avant d’être champion du monde du ballon dans un filet, il a repous-sé très loin les frontières de la recherche, de la technique et de la science… Et de l’armement il faut bien en convenir.
    Plus moyen que malin, le Français a cru que, finalement, il n’avait besoin ni de Dieu ni de la connaissance.
    Moi je veux bien, mais les effets commencent à se faire ressentir et le pré-sent d’aujourd’hui ne présage rien de bon pour le présent de demain.

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