[UNE PROF EN FRANCE] Jeunesse sans mémoire, peuple sans avenir

© capture d'écran France 24
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La moitié des élèves de première de France travaillent sur Olympe de Gouges. C'est peut-être lié à la sur-représentation des femmes parmi les professeurs de lettres, qui seraient sensibles aux combats féministes de l'auteur. C'est plus sûrement lié au fait que le texte compte seulement 28 pages et que les enseignants ont dû penser qu'il découragerait moins les élèves que Gargantua... C'est dommage, car l'année de première est bien celle pendant laquelle on peut encore faire lire les élèves... Je suis plusieurs élèves de première, et ce texte est au programme depuis quatre ans. Je ne laisse d'être étonnée par la pusillanimité de mes collègues. Avec les luttes féministes ayant des relents d'années 70, on en fait des tartines ; c'est facile, c'est à la mode. Pourtant, la plupart des revendications d'Olympe de Gouges ont été acquises en Europe par les générations de femmes ultérieures : la liberté d'exprimer des opinions politiques, le droit de vote, le droit de demander le divorce, de gérer son argent ou de se présenter à des élections. C'est grâce à cela que Mme Taubira ou Mme Pécresse ont pu être élues : heureuse époque !

En revanche, je les trouve plus que discrets par rapport à la situation internationale moderne, et aux échos qu'on en trouve en France : pas un d'eux – ou pas une d'elles, car je croise peu de collègues hommes, et encore moins de collègues hommes choisissant Olympe de Gouges – ne parle de la situation des femmes dans les pays musulmans et du rapport général qu'entretient l'islam avec les femmes. Il serait intéressant, pourtant, de donner aux élèves des chiffres sur le retour des mariages forcés dans notre beau pays ou sur les cours de piscine interdits aux filles, ou de leur rappeler qu'en Arabie saoudite, les femmes n'ont été autorisées à conduire qu'en 2018 et que l'Afghanistan comme l'Iran ne cessent de réduire leurs droits. Ce n'est pas le XVIIIe siècle mais bien le XXIe siècle, et peut-être un certain avenir qui se profile.

Ce qui gangrène une partie de l'esprit critique, c'est la doxa progressiste. Elle empêche de se souvenir que l'Histoire est faite de revirements, de sinuosités, de changements, et que certaines notions, comme celle d'« acquis », n'ont en réalité aucun sens. « Rien n'est permanent, sauf le changement », dit un précepte bouddhiste. Mais pour que les professeurs comme les élèves puissent exercer un peu leur esprit critique et établir des ponts intellectuels entre les époques et entre les pays, il faudrait que tout le monde dépose ses loupes franco-centrées, mais également que la mémoire cesse de ressembler à une toile cirée sur laquelle tout glisse sans laisser de trace. Aucun des élèves que j'accompagne n'a la moindre idée de ce que fut la Révolution française. J'apprends tous les jours, mais je dois avouer que cette fois-ci, je suis surprise. Ce sont majoritairement des élèves sérieux, voire de bons élèves, issus de familles attentives, et ils n'ont gardé aucun souvenir des cours suivis au collège et au lycée : ils sont censés avoir travaillé sur la Révolution en quatrième, en seconde et, à nouveau, en première. Et ils n'en savent rien, ni les dates, ni les causes, ni le nom des protagonistes, ni les enjeux... Le vide sidéral, quelque chose de vertigineux. Comment est-ce possible ?

Comment cette génération peut-elle passer, ainsi, à travers tout sans rien retenir, alors même qu'ils disposent de supports d'apprentissage bien plus variés que ceux que nous utilisions à leur âge ? Rappelons-nous la mise en garde du maréchal Foch : « Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. »

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

52 commentaires

  1. L’effondrement de la culture des enfants est en effet sidérant, surtout quand on discute avec un adolescent : on peut en mesurer la catastrophe. L’indifférence totale des élites françaises au sort des femmes dans certains pays intégriste est révoltante.
    Mais comment expliquer la mollesse de l’opposition démocratique, c’est-à-dire patriote ?
    – on parle de « progressisme » pour des faits ou des opinions rétrogrades,
    – on parle de « démocratie » pour interdire des médias non soumis au Pouvoir en place,
    – on parle de « diversité d’expression », pour supprimer C8 qui en est un exemple, pourtant,
    – on parle d’extrême droite pour des partis patriotes, c’est-à-dire centristes et donc les seuls réellement démocrates (la démocratie ne peut exister que dans le cadre d’un nation, toute puissance politique supra nationale ne peut être que totalitaire),
    – on parle de fascisme également pour des partis patriotes, alors que le fascisme a toujours été à l’extrême gauche (depuis B. Mussolini et encore aujourd’hui)
    – on trouve le communisme très honorable, alors qu’il s’agit du pire régime de la planète, de sinistre et sanglante mémoire (Staline, Pol Pot, Mao…) et l’épouvantable Kim Jong Un actuel en Corée du nord. Quel honte pour la France d’avoir légalement un parti communiste !
    Où est l’indignation de l’opposition démocrate face à ses énormes mensonges ?

  2. j’ai appris « la révolution » au Collège et au Lycée (Bac 1968 pour vous donner une idée de mon âge).
    Mais ce ne devait, déjà, pas être la bonne version, parce que, issue d’une famille qui a eu des difficultés (je suis gentille, je devrais dire « avait vécu des horreurs ») à cette époque, j’&avais systématiquement une autre version des faits lorsque je rentrais à la maison et récitais ma leçon à mes parents.
    Je pense donc que la version de l’éducation nationale doit être différente suivant les époques.

  3. En ce qui me concerne j’ai jeté les gants depuis longtemps et à plus de 50 ans, chaque fois que je suis un peu malade, j’opte pour l’arrêt maladie. Dans le confort et la quiétude de ma maison de campagne, j’échange alors avec quelques collègues et travaille sur un article ou en évalue un autre – la recherche donc. Le reste, surtout l’enseignement, et son cortège de médiocrité, est bien vite oublié.

  4. Cher madame, ils ne savent rien parcequ’on ne lreur fait plus rien apprendre par coeur, cet exercice est la gymnastique de la mémoire à travailler dès le plus jeune âge, à qui la faute. Quant à la révolution, ils n’ont qu’à écouter LFI pour s’initier un peu.

    • Objection mon général : Le par coeur, ce sont les poésies, contes, comptines et tables de multiplication du primaire. Au delà du CM1, c’est le beau support livre à couverture colorée (pas le club des 5 ni Mickey ! ) qu’on gardait et relisait fréquemment et qui impressionnait l’esprit au point de s’en souvenir encore 65 ans après; Les livres précieux de la distribution des prix par exemple, un par matière en 6ième (sauf gym/couture éventuellement ! )…

  5. «  » »Comment est-ce possible ? » » »
    Comment est ce possible que ces jeunes aient pu passer au collège et encore plus, au lycée?? Oui, comment cela a été possible?
    Et cette prof qui se plaint du manque de connaissance, ne dit mot sur les cours pornographiques qu’ils donnent aux enfants. Mais comment cela aussi est possible?
    Elle est prof, elle doit le savoir.

    • Quand mes petits enfants me parlent du wokisme,car en fait, l’effacement de la mémoire collective historique de notre pays en fait partie,je me charge bien de remettre les choses à l’endroit en leur expliquant les tenants et les aboutissants et n’hésitant pas à mettre à mal certaines théories ou des oublis historiques dont Charles Martel et 732 par exemple,et je ne manque pas aussi de fustiger la théorie du genre avec ses cours et doctrines infernaux.Cest à nous les aînés de savoir expliquer et convaincre, c’est une de nos seules possibilités pour enrayer et contribuer à détruire ce phénomène.

    • cher hgo04, vous devriez comprendre que cette prof qui fait régulièrement des articles très à propos, ne peut pas en 1 article balayer tout ce qui ne va pas dans l’enseignement actuel, elle traite sujet après sujet – Elle est prof de lettre, et n’a donc pas non plus en charge l’éducation sexuelle des enfants ! déjà elle a le courage de dénoncer là ou la plupart de ses collègues ne disent rien !

  6. Allons, allons, si au Maghreb et au Sahhel, peut de personnes ont entendu parler d’Olympe de Gouges, on oublie pas les femmes pour autant, car quatre pages pour les co-épouses leurs sont réservées dans les livrets de famille…

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