[Une prof en France] La mort des humanités classiques programmée ?
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Je rentre d'une semaine à Rome. Bienheureuse, pensez-vous, et vous avez raison ! Rome est toujours un enchantement. C'était un voyage professionnel, mais j'ai pu libérer un peu de temps pour profiter des merveilles de la Ville éternelle. Éternelle… Cet adjectif laisse songeur. Si les constructions romaines, les statues et les mosaïques ont traversé les siècles, nous sont-elles encore vraiment accessibles aujourd'hui, et le seront-elles pour l'éternité ? Savons-nous encore comprendre ces vestiges, ces traces d'un passé glorieux dont nous sommes en train de perdre la mémoire ?
Cette plongée dans la Rome antique et baroque m'a fait sentir d'une façon particulièrement brutale le manque de culture de mes élèves, et de la jeune génération d'une manière générale. J'ai croisé des guides de haute culture, mais surtout des troupeaux de touristes qui déambulaient dans le forum le regard vide, incapables de comprendre le sens de ce qu'ils avaient sous les yeux. Plus personne ne s'arrêtait devant les centaines d'inscriptions latines qui nous permettent pourtant de comprendre la fonction de ces temples, de ces statues, de ces bâtiments publics, car plus personne quasiment ne comprend le latin, et rares deviennent ceux qui connaissent suffisamment l'Histoire romaine et la mythologie pour avoir une idée précise des réalisations d'Agrippa ou des campagnes de Germanicus, pour reconnaître les attributs de Minerve et d'Amphitrite, pour savoir ce que faisait Horatius Coclès sur son pont, et pourquoi Mucius Scaevola voulait assassiner Porsenna.
Qui se battra encore, ou simplement consentira à payer pour conserver des œuvres qu'il ne comprend plus ? L'enseignement des humanités classiques s'effondre, en France, depuis plusieurs années, malgré l'hypocrisie du ministère qui prétend défendre des disciplines qu'il sape dans la réalité. Les enseignants de lettres classiques sont maltraités. J'ai été affectée dans un collège de troisième zone dans lequel je fais essentiellement de la remédiation de niveau primaire ; une de mes amies proches, également agrégée de lettres classiques, s'est retrouvée sans affectation à la rentrée et a dû demander une disponibilité pour éviter de se retrouver remplaçante en REP+ à 70 km de chez elle.
Et j'ai reçu avant de partir en Italie deux amis dont le témoignage m'a glacée. Lui est agrégé de lettres classiques et vient de traduire Les Géorgiques de Virgile en hexamètres français et s'attelle à la traduction d'une tragédie d'Eschyle. Il navigue donc du latin au grec avec aisance et s'attache à rendre ces œuvres accessibles à travers des éditions bilingues exigeantes, pour lesquelles nous cherchons activement… un éditeur. Elle est certifiée de lettres classiques et utilise dans son enseignement toutes les ressources du théâtre. Je ne les avais pas vus depuis plusieurs années. J'ai retrouvé des enseignants exsangues, désespérés, encore bloqués dans des établissements défavorisés de la banlieue parisienne après vingt ans de carrière, ayant vu toutes leurs demandes de mutation refusées. Lui vient enfin d'obtenir une affectation en lycée, après dix-huit ans, mais il est dans un des pires lycées de Paris et n'évolue pas dans un environnement plus propice que quand il était à Drancy ou dans une autre banlieue dévastée.
J'avais croisé, l'an dernier, dans mon établissement, une remplaçante qui ne parvenait pas à avoir de poste fixe dans l'Éducation nationale autre que des propositions d'affectation dans les collèges les plus difficiles de notre région, alors qu'elle donnait des cours à l'université en linguistique de l'ancien français et en littérature médiévale. Elle aussi était lettres classiques. Que penser ? Est-ce céder à la paranoïa d'imaginer que le ministère s'acharne tout particulièrement sur les enseignants de lettres classiques, qui demeurent les représentants d'une culture que l'on veut faire croire obsolète, voire délétère et nauséabonde car véhiculant des valeurs ancestrales qui n'ont plus droit de cité aujourd'hui ? Les témoignages s'accumulent de façon préoccupante. C'est bien la mort des humanités classiques qui est organisée, peut-être sciemment, par le ministère, et les nouvelles générations se retrouveront coupées de leur Histoire, et de leurs racines. L'espoir se concentre maintenant sur quelques oasis. Elles ont suffi par le passé. Espérons qu'elles suffiront dans l'avenir.
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29 commentaires
Il est nécessaire de supprimer les humanités classiques des programmes de l’Education Nationale car il est nécessaire de créer un électorat de consommateurs formatés à un mondialisme ‘sans foi ni loi’ d’où sont exclues les valeurs de courage , d’éthique, de patriotisme.. Ces valeurs étaient accessibles grâce à l’étude de textes tels que le « De viris illustribus » , » les Philippiques de Démosthène », la force d’un « Delenda est Carthago « d’un Caton , et….le sublime objectif de devenir un citoyen ‘ kalos kagathos’ , (physiquement beau et vertueux) avisé à l’égard du Mal » odi et arceo » (je hais et m’en éloigne) et le conseil ‘anéou kai apekou « = « sustine et abstine » ( supporte et abstiens toi ) , clés d’u stoicisme prudent mais encourageant à l’action « sursum corda » (haut les coeurs)…
Quel gâchis !!!! Les enseignants de lettres classiques transmettaient le flambeau du réel humanisme en apprivoisant la jeunesse aux textes admirables ..et mémorables de la civilisation dont est sorti le pays. (« veni, vidi ,vici, CHICHE ,)
Alors que j’accompagnais il y a plus de 3O ans un voyage de lycéens à Florence, notre guide italienne aux Offices avait déjà été étonnée
par l’inculture classique des élèves; il s’agissait pourtant d’une classe normale d’un lycée de province très calme ! Le contexte actuel est infiniment pire. Rien d’étonnant à l’acharnement de la « cancel culture » contre les lettres classiques : il s’agit de détruire l’héritage gréco-latin qui est une des racines principales de notre civilisation occidentale. Le latin en particulier était la langue universelle qui reliait les différentes communautés catholiques au-delà des particularismes nationaux.
Même les séminaristes, prêtres, évêques et cardinaux modernistes ne savent plus le latin. Ce qui était souhaité, c’était la destruction de la civilisation et de l’Eglise. Il faut résister! Les gens qui n’ont souvent pas fait trop d’études ont gardé un certain bon sens et un esprit ouvert et ils comprennent des explications. Si on explique aux jeunes enfants pourquoi un mot s’écrit de telle ou telle facon, on éveille leur intérêt pour le latin et le grec. Astérix aussi peut les intéresser au latin!
C’est sure que de nos jours il vaut mieux avoir préparé un DEA sur les oeuvres des rappeurs Jul ou Ninho que sur celles de Virgile ou d’Eschyle pour avoir un poste intéressant dans l’enseignement.
Tout ce qui est exigeant est exclus car « inégalitaire’ par essence. Notre civilisation s’effondre et j’admire votre courage ayant moi-même fait latin et grec.
L’éducation nationale préfère créer de futurs individus acculturés, manipulables à merci que de former de futurs citoyens. Quand on explique qu’on devra changer de travail en fonction de la demande c’est qu’on a pas compris l’élévation que procure la recherche de la perfection et le dépassement de soi. Courage à tous ces professeurs d’excellence que l’on efface.
Il n’y a, hélas, pas que les lettres classiques qui ont été saccagées. Créez plutôt des écoles privées hors contrat, établissez vous-même des critères de succès avec vos propres examens, ne suivez pas les programmes de l’éducation nationale, mais les vôtres qui refléteront ce que vous pensez être un niveau. Le reste suivra.
Oui. Allez en écoles privées, de préférence confessionnelles dites « traditionnelles ». Le personnel d’encadrement y est d’origine pratiquant assidu et quotidien de notre langue- mère transmise par les Romains et des valeurs y afférentes ( qui ne sont pas les fumeuses » valeurs » dites républicaines ! )
Ayant fait Latin Grec ancien au lycée, au temps merveilleux de mai 68, finalement lorsque l’on constate la décadence actuelle, lorsque j’en parle, on me regarde toujours avec des yeux effarouchés! C’est quoi le latin, c’est quoi le grec ancien… C’est d’une tristesse sans fond!
C’est aussi mon cas.
Idem pour le latin (hélas, pas d’option grec ni russe ! J’eusse tant aimé parce que je m’ennuyais..); Même époque; J’étais alors en classe de première C ( rebaptisé « S » ultérieurement ) dans un lycée public parisien » lambda »…
Ce travail de sape a commencé il y a plus de cinquante ans. Volonté de saper les fondements de notre si belle langue française, reflet d’une civilisation rayonnante. Les soixante-huitards, bras armé des mondialistes, et avant eux, dès 1947, les communistes, ont envahi l’éducation nationale, avec le résultat brillant que l’on voit de nos jours ! Formation d’un peuple d’esclaves, qui ne sauront jamais que ce mot vient de « slavus », et qu’ils rejoignent par là même ceux de l’antiquité.
J’ ai eu le privilège d’étudier le latin et le grec ,de pouvoir lire dans le texte les tragédies de Sophocle et d’ Eschyle ,quel plaisir intellectuel insigne!
Pourquoi vouloir détruire la culture ?
Qui oeuvre dans ce sens?
Que l’ aréopage de gens aimant la culture se lève pour la défendre!
Merci pour cet article.
Bonjour Virginie. Toujours fidèle à BV et à ses lecteurs ? Merci. Cet affaissement de l’enseignement classique n’est qu’une pierre dans le jardin des désespérances. Vous le sous-entendez dans votre texte. Une volonté se cache-t-elle dans cette décadence ? Une thèse que je défends depuis des mois : tout converge vers un amoindrissement de toutes les activités. Le traitement de l’énergie électrique en est un exemple caractéristique . Pour quelles raisons s’accrocher aux exigences de l’Allemagne lesquelles pénalisent le prix de notre électricité nucléaire ? Soumission. Volontaire ? Je le crois. Les espagnols ont su s’extraire de cette convention. Pourquoi pas la France ? Industrie ! Notre gouvernement laisse partir des joyaux de nos technologies pour quelques millions qui ne sont pas engagés à leur sauvegarde. Volontaire et là c’est flagrant. Agriculture. L’U.E au travers d’Ursula se prépare à introduire l’Ukraine. Sans barrières commerciales, ce sera la mort de nos céréaliers qui ne pourront pas lutter contre des fermiers disposant de fermes de plus de 200 000 hectares. En France, le maximum c’est 2 000 hectares. Prenez l’industrie pharmaceutique. Nous manquons de certains médicaments. Cela s’amplifie. Du jamais vu ! L’Etat engage-t-il les mesures appropriées pour remédier à cette situation ? Non, il observe. Etc. On ne m’ôtera pas de l’idée que derrière cette liquéfaction de la France agit une volonté délibérée. Ajoutons cette immigration massive. Une richesse nous disent-ils. En attendant on affaisse les niveaux scolaires pour s’adapter à ces populations par des biais divers, mixité, intégration, etc. Bien ! Nous dotons la France d’un costume de plus en plus délabré. Un scandale dont peu de personnes s’émeuvent. Sommes-nous dans l’erreur ? Je ne le crois pas. Il suffit d’observer avec quelle obstination certains partis s’efforcent de détruire nos valeurs fondamentales par manipulations, mensonges, outrecuidances, etc. Prêchons-nous dans le désert ? Je vous souhaite une bonne semaine Virginie. Bon courage.
Combien parmi nos chères têtes blondes, mais pas seulement, sans aller jusqu’à Rome, sont capables, tout en déambulant dans les rues de Paris, de déchiffrer les frontons de nos églises ou autres bâtiments Républicains ?
Encore une destruction organisée .Quelle tristesse quelle honte..Le latin m’a formée et m’a aidée toute ma vie..
Formé par le classique, je dois dire que le latin m’a été très utile dans mes études de médecine, de plus cette étude, apprenait la logique, un fait qui a aussi tué le Latin, c’est Vatican II et l’abandon de la messe en Latin selon Saint Pie V, quand j’étais en 6eme dans les années 50, tous les dimanches matin je chantais avec mes camarades, les chants grégoriens en Latin, belle époque!
On peut encore la suivre , cette messe traditionnelle , plutôt dans des chapelles que dans des églises , un peu comme dans les catacombes il y a près de 2000 ans
Vatican II n’a pas supprimé le latin. Les Actes du Concile au n° 101 de Sacrosanctum concilium disent : « Selon la tradition séculaire du rite latin, les clercs doivent garder la langue latine dans l’Office divin. » Suivent des possibilités d’exceptions dans lesquelles se sont engouffrés les « déconstructeurs » de l’époque. Ce sont des activistes soutenus par des clercs et des laïcs soixante-huitards qui ont bazardé le latin après le Concile ! Les errements de 68 n’ont jamais fini de sévir dans la société jusqu’à aujourd’hui.
Effectivement; La messe, celle que j’ai connue/ vécue/ pratiquée de 1954 à 1973, essentiellement dans les « grandes » églises parisiennes (la Madeleine, St Augustin, la Trinité, le sacré-Coeur, St Pierre de Montmartre, St Séverin,..) , nous permettait par une sorte de « gymnastique » intellectuelle pertinente et réactive,de mesurer la richesse de la langue latine: Et dans sa musique poétique, ses chants générateurs de ferveur, et dans sa structure et logique, et dans sa profonde philosophie.
1965…
Destruction de notre histoire , de nos racines , massacre de l’éducation , le tout programmé par nos élus .