[Une prof en France] Le père, la prof et la directrice

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On parle souvent des soucis de discipline que nous avons à gérer en classe. Une anecdote.

Je fais entrer dans la salle les élèves de 5e. Ils s'installent et je leur demande de sortir leur livre. Un livre de poche, cela doit peser 250 grammes, comme un gros steack ou un smartphone, qu'on a plus souvent dans son sac qu'un tournedos. Je me rends rapidement compte que malgré mes remontrances et mes menaces, un certain nombre d'élèves n'a pas ses affaires. Je demande donc que ceux qui n'ont pas leur livre lèvent la main. Une forêt de doigts se dresse dans la salle quand une surveillante fait son entrée pour distribuer je ne sais quoi. Alors que je vais à la porte pour réceptionner un des innombrables papiers que nous devons distribuer aux élèves et qu'ils ne lisent jamais, mon regard balaye la classe pour identifier les heureux gagnants de la punition annoncée. J'avise alors une élève qui, le coude sur la table, a la tête vaguement appuyée contre sa paume dressée. Je l'interpelle pour savoir si elle lève la main ou non, et comme elle répond avec une certaine insolence, je lui demande d'un ton plus sec de lever correctement la main. Mon regard la quitte quelques instants pour laisser partir la surveillante, et lorsqu'il se pose à nouveau sur M., je la vois, debout à côté de sa table, le bras levé et tendu comme un gladiateur romain… Ne me départissant pas de mon calme olympio-professoral, malgré la moutarde qui commence à me chatouiller le nez, je lui intime l'ordre de cesser immédiatement et de se rasseoir, ce qu'elle fait en marmonnant : « Faudrait savoir… On me dit de lever le bras, moi, j'lève le bras… » On avait déjà perdu dix minutes avec tout cela, soit un cinquième du cours, mais je décide de ne pas laisser passer.

Dans mon collège, ça, c'est normalement un non-événement, plus personne ne relève ce genre de choses. S'ensuit un échange qui devient de plus en plus vif, car à chaque fois que je dis quelque chose, elle répond. Pas de façon agressive, mais elle répond. Mon objectif, alors, est purement éducatif, ce qui ne devrait pas du tout relever de ma « mission » d'enseignante : faire comprendre à ces adolescents, et à elle en particulier, que quand on se fait reprendre par un adulte, on ne répond pas, même pour dire « OK » ou « d'accord ». On ne leur demande pas leur accord pour les reprendre quand leur comportement doit être corrigé. Mais certains mots n'ont plus vraiment de sens pour eux. Évidemment, tout cela débouche sur une sanction, sous l'œil résigné des quelques élèves pour lesquels l'école est encore un lieu d'apprentissage et qui eussent aimé qu'on fît davantage de français. Il est 14 heures, l'incident est clos, le cours peut commencer. Lorsque je sors de ma salle de classe à 16 h 30, la directrice vient me voir : le père de M., furieux et vindicatif, s'est présenté devant le collège et lui a demandé des comptes de façon très agressive au motif que j'aurais humilié, rabaissé et harcelé sa fille en lui tenant des propos scandaleux. Elle serait bouleversée… La directrice est quand même venue me voir. Pour vérifier les dires du père ? Pour me prévenir ? Pour me faire passer un message subliminal ? Je ne sais pas trop. Dans tous les cas, les vaguelettes dont elle avait perçu le mouvement ne lui plaisaient pas. Vive le siècle de la communication à la vitesse de la lumière !

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

68 commentaires

  1. Il y a 35 ans, mon fils, alors en maternelle, est tombé en cour de récréation en faisant des pitreries. La directrice m’a demandé si je voulais porter plainte contre l’école pour défaut de surveillance. C’était vraiment tendre les verges pour se faire fouetter. Aujourd’hui les enfants et leurs parents se croient tout permis.
    A la même époque, des parents avaient fait circuler une pétition contre l’institutrice qui exigeait (Mon Dieu, elle EXIGEAIT) que les enfants de grande section sachent compter jusqu’à 10 ! J’avais proposé une pétition contre les parents dont les enfants de 5 ans et plus ne savaient pas compter jusqu’à 10. Ca n’a pas vraiment plu.
    Nous étions à Paris, dans le 16è arrondissement, tous bien blancs, bien français de souche.
    Je finis par me demander s’il n’est pas vrai que Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.

  2. Les « jeunes d’aujourd’hui » (comme disait ma grand-mère) sont biberonnés à la sauce sitcom (les séries télévisées) où tout ordre est suivi d’une répartie de la part du subordonné ou de l’élève en objet, en en contredisant le fond ou la forme. Et comme on nous porte ces « modèles » (personnages ou acteurs) aux pinacles, le résultat est imminent!

  3. Pour réagir de cette façon, on devine aisément que le père de cette élève n’est pas de notre ethnie. Pourquoi cette DIRECTRICE ne fait pas ce qu’il convient dans une telle situation, c’est à dire signifier aimablement à cette personne de retourner rapidement dans son pays d’origine si la méthode de discipline Française en milieu scolaire leur déplaît. A force de tolérance, voilà où nous en sommes, ces gens tirent la FRANCE vers le fond et cela explique le grand désordre dans lequel nous sommes et que nous subissons depuis des décennies. Ca commence franchement à irriter les Gaulois. Nous attendons vivement qu’un vrai Chef d’Etat remette les pendules à l’heure à tous les niveaux de notre PAYS avant que nous retrouvions projetés dans la préhistoire.

    • Mais malheureusement nous avons réélu l’homme qui ne fait  » pas de vagues ». Alors les factieux ont 5 ans de plus pour finir de détruire ce que fut l’Ecole de notre jeunesse et encore moi j’étais dans un collège de Maristes où tout marchait a la baguette et la discipline n’était pas pas un mot creux.

  4. Maintenant, le lot commun !
    Et un père qui vient se plaindre, on leur doit tout, on est dans l’ère de la consommation…
    Et une chance que la directrice ou principale n’est pas fait la leçon à la prof, moi j’ai eu droit à cela avec des élèves plus âgés !
    Cela s’est mal passé, j’ai réagi, lettre au recteur, au cabinet du ministre, à quelques parlementaires… en conclusion ai-je dit : on apprend aux élèves qu’il y a des règles mais qu’elles sont faites pour être contournées. Donc -un des deux exemples fournis dans mon courrier- aussi dans la vraie vie, genre je pique un scoot, je refuse de m’arrêter à la demande de la police, elle me cartonne avec la voiture (une chance pas de blessé) !
    Bon, c’était ma dernière année, je n’ai pas vraiment su la suite… mais il paraît que mon proviseur a muté pour le plus petit collège du département ! Peut-être ne pouvait-il plus tenir son lycée, j’ai un peu secoué le cocotier…

  5. On aimerait connaitre la suite, donnée par la directrice : soutien du professeur, renvoi au moins temporaire, de la jeune élève insolente…On peut toujours rêver !
    Le laxisme de l’administration de l’éducative nationale y compris de ses ministres successifs est la cause du naufrage de notre Education Nationale et du calvaire subit par le corps enseignant,
    Les meilleurs vont s’en aller, ne restera que les médiocres qui feront de ce beau métier un refuge pour ses longues vacances et congés de maladie…

  6. Si papa est là c’est que fifille avait sont iphone interdit au collège… Si l’EN mettait des brouilleur de fréquence on devine qui serait furieux… On a du mal à imaginer que M soit Française blanche catho…..

  7. Rien ne va plus dans notre pauvre France.
    Plus une seule administration fonctionne correctement.
    On ne compte surtout pas sur la macronie en pleine dérive pour redresser la barre du régalien.

  8. Cette histoire dénonce à l’évidence la lâcheté et l’irresponsabilité de la Directrice.
    Quand il pleut (analogie) le professeur a un petit parapluie pour s’abriter, le directeur a un parasol et l’inspection académique a carrément une tente de campagne.
    Même quand le prof prend un coup de couteau, c’est qu’il l’a forcément cherché. C’est tout juste s’il ne faut pas qu’il présente des excuses ou un mea culpa. En revanche, on ne se demande pas comment un élève a pu entrer en classe armée d’un surin.
    Je vais être méchant mais je pense que, si on en est arrivé là, c’est la faute des enseignants eux-mêmes, qui ont encaissé sans réagir, se laissant rabaisser, avilir, préférant faire grève pour des causes complètement étrangères à leur métier (Viet Nam, etc…)
    Leur ministre (excellentissime) leur en a remis une couche et où sont les réactions ? Encéphalogramme plat. Fort de cette absence de réactions, N’Diaye va mettre l’an prochain le bac à la Noël ! Amusons-nous Folleville !

  9. Il n’y a même plus de commentaires à faire tellement le désastre est immense en termes de respect des autres et de politesse. Vivement le retour du « prof » sur une estrade, le lever des élèves lorsqu’un supérieur entre dans une classe, des sanctions et l’exclusion définitive des perturbateurs après trois sanctions.

    • Après trois sanctions c’est trop, renvoi à la deuxième, au moins temporaire. Il faut vraiment afficher une fermeté exemplaire. Plus de laxisme !

  10. Il manque une partie du contexte. les acteurs, fille et père, ne sont-ils pas du type à engendrer des catastrophes ? toujours les mêmes ?

  11. Fut un temps, pour calmer les esprits, il y avait. le bon « prenez une feuille…  » Interrogation surprise.

  12. Autre temps, autres mœurs. De mon temps, quand l’instituteur (trice) ou le professeur(e) donnait une punition ou faisait un rappel à l’ordre, on se gardait bien d’en parler aux parents en priant pour que l’enseignant en question ait oublié l’incident et ne songe plus à en parler à la réunion parents professeurs…Mais ça, c’était avant…

  13. Pour rappel et sans connaître l’âge de la professeure: en 1968, les professeurs étaient solidaires des élèves dans cette phrase nocive restée indélébile : il est interdit d’interdire. Ils en payent le prix. Vers les années 1992, ma fille qui n’avait pas 10 ans, l’avait affiché sur sa porte de chambre. Une seule fois…..j’ai géré ce problème.

  14. De mon temps, c’est très très loin, on prenait une baffe par l’instituteur, pas l’institutrice, ça, c’était chez les filles, vu qu’à l’époque on n’était pas mélangé si l’on peut dire. De plus, on évitait de la ramener à la maison, car c’était la deuxième couche assurée. La faute à qui si vos enfants se conduisent mal et ne respectent rien en classe et ailleurs, cherchez bien, vous allez finir par trouver.

    • Et on faisait les « punitions » en cachette! Genre : écrire vingt fois le verbe X à touts les temps et tous les modes ou la règle des participes passés…dont beaucoup auraient besoin aujourd’hui…

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