[UNE PROF EN FRANCE] Le royaume de la triche

Les premières places sont occupées par ChatGPT, conseiller particulier et secret des élèves lors des contrôles.
@Sam Balye-Unsplash
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J’assistais, la semaine dernière, au conseil de classe d’une de mes filles, en tant que parent délégué. Classe de première générale. Le directeur a annoncé que l’établissement allait prendre des mesures drastiques contre la triche, qui s’est développée de manière exponentielle, ce qui a incité les élèves honnêtes à s’insurger et à se plaindre. J’ai interrogé ma fille. Les premières places sont en effet occupées par ChatGPT, conseiller particulier et secret d’une quinzaine d’élèves de la classe. 15 sur 35, cela commence à faire un pourcentage conséquent.

L'ombre menaçante de Parcoursup

Exeunt les techniques de triche à l’ancienne, les formules inscrites dans la trousse ou dans la paume de la main, les antisèches dans les chaussettes, sans parler des astuces drôles et ingénieuses imaginées par Les Sous-doués. Les élèves s’arrangent juste pour garder leur téléphone. Pour cela, rien de plus simple : ils en ont un second, qu’ils déposent dans la bannette placée à cet effet sur le bureau du professeur lors des contrôles. Lorsque le professeur distribue le sujet, ils le prennent en photo, l’envoient à leur assistant électronique américain qui, en deux ou trois secondes, leur propose un devoir qu’ils n’ont qu’à recopier. Comme dans tous les réseaux, les fissures sont venues du facteur humain : la solidarité dans les classes a ses limites et l’ombre menaçante de Parcoursup est venue mettre à mal l’omerta complice du groupe. Je ne blâme pas mes collègues. Il est pratiquement impossible d’exercer une surveillance parfaite sur une classe de plus de 35 élèves dans une salle mal agencée, sans espace entre les rangs, quand l’Éducation nationale n’a pas encore livré les exosquelettes qui permettront d’avoir des yeux dans le dos. Les futurs professeurs seront peut-être génétiquement améliorés de manière à avoir des yeux de mouche…

Pourquoi les élèves trichent-ils autant ? Ils ont, évidemment, tous les défauts de leur génération, c’est entendu. Mais dans la classe de ma fille, la plupart des tricheurs font partie des meilleurs élèves, et des plus ambitieux. La réforme du baccalauréat, que vous avez peut-être suivie de loin, a fait de chaque contrôle une pierre du fameux sésame. Mais peu se soucient vraiment du bac. L’enjeu réel, c’est Parcoursup, la plate-forme d’entrée dans l’enseignement supérieur. Or, Parcoursup est ouvert de janvier à mars de l’année de terminale. Ainsi, les élèves montent leur dossier de candidature avec leur premier bulletin de terminale et les trois bulletins de première. Parcoursup reprenant les moyennes annuelles des élèves, chaque contrôle compte et les stratégies de triche prennent tout leur sens.

Comme je suis un dinosaure d’un autre âge, il me semble que ce phénomène pose de nombreuses questions, des questions morales, des problèmes de rapport à la vérité ; enfin, de vraies questions à la fois philosophiques et sociétales.

« Encourager l'initiative personnelle »

Mais un article de GraphoLearn m’a rassurée. Son titre : « La Face cachée de l’échec éducatif : et si on laissait nos enfants tricher ? » La triche pourrait être une manière de « réveiller l’intérêt des élèves et de favoriser un apprentissage actif plutôt que passif. La tricherie est ancrée dans une imagerie négative, synonyme de malhonnêteté. Mais peut-on envisager la triche comme une réponse créative face à un système éducatif figé ? […] Permettre certaines formes de triche contrôlée pourrait encourager l’initiative personnelle, stimuler la collaboration et le partage de connaissances, favoriser une mémoire active par la recherche d’informations plutôt que la mémorisation brute. Nous pensons que le modèle éducatif doit évoluer vers plus de flexibilité et d’inclusion. »

Heureusement que le pédagogisme est là pour changer notre regard obtus et nous ouvrir de nouveaux horizons ! Cessons de faire la chasse à la fraude et « repensons notre approche » : les refus d’obtempérer seraient juste une résistance à l’oppression d’une société policière, les vols à l’arraché une volonté active de redistribution plus égalitaire des richesses, la fraude fiscale un héritage de Robin des bois. « Saisissons l’opportunité de transformer ces défis en nouvelles perspectives ! »

Picture of Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

41 commentaires

  1. je rêve du jour ou il y aura une méga panne lié à un phénomèe météorologique type tempête solaire, et là … on pourra mesurer ceux dont le cerveau fonctionne encore un peu ! Cette société n’a décidément pas vocation à durer.

  2. L’enseignement à distance n’est pas épargné… sauf qu’on se voile la face étant donné que l’utilisation de ChatGPT ou autre n’est pas reconnu comme fraude – ce n’est pas un plagiat. On voit des copies ultra similaires (trame, vocabulaire très stéréotypé, zéro référence au cours) et donc on doit décortiquer les grilles d’évaluation pour descendre les notes (on n’a pas le droit d’accuser l’élève d’utiliser l’IA) en restant « dans les clous ». Beaucoup passent entre les gouttes et se retrouvent avec 18 toute l’année avec un niveau réel plus que moyen. Le bac ne valait déjà plus grand chose mais avec ce système de triche autorisée, ce sont les diplômes supérieurs qui ne vont plus rien valoir… triste humanité qui sous-traite son intelligence à ChatGPT.

    • La destruction de notre civilisation judéo-chrétienne , de notre culture qui a éclairé le monde entier par sa pensée et ses inventions technologiques est en phase de destruction organisée par les propriétaires des réseaux pseudo sociaux, de la fausse intelligence vraiment artificielle, par les gouvernants oligarques de type macrono-mondialiste. Il faut redonner la parole au peuple instruit pour tenter de sauver l’humanité civilisée en virant tous ces pollueurs.

  3. « la plupart des tricheurs font partie des meilleurs élèves, et des plus ambitieux. » nous dit Virginie Fontcalel. Je ne vois ici que de la logique. Les plus ambitieux trichent. Normal, ils veulent réussir parce qu’ils sont ambitieux. Et si en plus il fallait travailler pour réussir, mais où irions-nous Ma Bonne Dame ? D’où la triche. CQFD. La plupart des tricheurs font partie des meilleurs élèves. Là aussi, rien que de très logique. Tricher permet d’avoir un (très) gros avantage au départ vis-à-vis des niais besogneux qui pensent (sont-ils sots ?) qu’il faut travailler pour réussir. Je note au passage qu’il est précisé que « la plupart des tricheurs font partie des meilleurs élèves ». La plupart mais pas tous les tricheurs ! J’en déduis donc que, si tricher permet d’accéder à la tête du classement, cependant il existe des tricheurs qui ne font pas partie des meilleurs élèves… Nous vivons dans un monde hautement immoral qui ne récompense plus, ni la fraude, ni la médiocrité, ni la bêtise. C’est vraiment terrible ! Heureusement, une fois le bac en poche et une fois inscrit sur Parcoursup ces tricheurs infichus d’être dans les bons élèves pourront user leurs fonds de culotte sur les bancs de la Fac de socio de Nanterre ou de Rennes en assistant, en économie, au cours intitulé « Le Marketing du Shit  » du Professeur Louis Boyard ou au cours de littérature Française depuis l’édit de Villers-Cotterêts par le Professeur Sébastien Delogu.
    OUF ! Finalement tout est bien qui finit bien ! Et la morale et sauve ! Youpi !

    • Je ne me fais pas trop de soucis pour les meilleurs …. Les « vrais meilleurs » ! C’est eux qui gagneront et n’auront aucun besoin « d’entrer en politique » pour prouver une quelconque supériorité. Pour les élèves tricheurs et médiocres qui sont malheureusement bien trop nombreux et n’ont rien à faire en post-bac (même en fac) ce sera socio/psycho avec les « éminents » professeurs dont vous parlez auxquels je me permets d’ajouter des Soudais, Rousseau et bien d’autres. Cette belle brochette de gauchistes ne pense qu’à une chose, une seule, fiche le B….. partout où ils passent, juste pour exister.

  4. Les profs trichent aussi….en donnant des sujets qui permettent la réussite de tous mais ne reflètent pas le niveau réel.Avoir de bons résultats est valorisant,permet la paix au conseil de classe et perpétue le système vers le bas.
    Prochaine étape : supprimer les notes…

    • Les meilleurs n’ont pas à s’en faire. Dans les bonnes écoles post-bac, les notes comptent certes, mais s’ajoute une chose … la sélection avant l’admission définitive ! Un entretien sérieux avec la direction … et parfois quelques épreuves écrites. Difficile de tricher dans ces conditions,

  5. Bonjour, je ne suis pas surpris de ce phénomène, que je voyais déjà il y a bien 20 ans ( je suis en retraite depuis 15 ans…). Mais a l’époque nos responsables de l’éducation nationale fermaient les yeux, et étaient très naïf, en autorisant les calculatrices aux examens., au lieu de leur fournir le modèle de base. J’ai eu des jeunes très performants pour décupler les possibilités de leurs machines, afin de pouvoir communiquer entre eux dans les salles..J’ai proposé aux responsables de mettre des brouilleurs dans les salles d’examens. Refus systématique. A croire qu’on les encourage a tricher…

  6. En fac (pour les exposés) je ne communique pas les notes une fois le chef d’œuvre présenté.
    Ces gamins qui se croient bien meilleurs grâce à l’IA ignorent que « leurs » textes les trahissent. Il est déplorable de devoir distribuer des ‘0’ – mais mieux vaut ça que d’entrer dans leur jeu – alors je les note selon leur niveau. Content ou pas content, c’est ainsi…

  7.  » ce phénomène pose de nombreuses questions, des questions morales, des problèmes de rapport à la vérité ; » Encore faudrait-il qu’ils se sentent concernés par ces questions. Pour eux, c’est des trucs d’ adultes – on sait pas pourquoi ils se prennent la tête pour ça . On écoute poliment et on laisse courir .

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