[Une prof en France] Le vocabulaire des jeunes ? Parlons-en !

club des 5

Nous pourrions parler de notre nouveau ministre, de l’hommage défaillant à Samuel Paty, de la lâcheté de l’administration… mais que dire sur ces sujets que nous ne disions pas, déjà, depuis de très longs mois, voire de longues années ?

On nous demande à chaque occasion de « parler avec les jeunes ». Mais qui a déjà parlé avec un moins de 25 ans, et particulièrement avec un moins de 17 ans, a sûrement constaté la pauvreté inquiétante de son vocabulaire. Arrêtons-nous quelques instants sur ce point.

La chute vertigineuse du stock lexical des adolescents est avérée et elle est entretenue par l’industrie du livre comme par celle de la chanson et, bien entendu, par l’école. Mes élèves ne comprennent pas ce qu’ils lisent, mais ne comprennent pas non plus ce que l’on dit en cours. En réalité, ils n’ont, pour certains, pas accès à ce qu’on leur enseigne. Trop de mots leur sont inconnus. Et ils n’ont plus les ressources langagières nécessaires pour deviner le sens d’un mot inconnu se présentant au milieu d’une phrase. Au cours des deux derniers mois, voici les mots que nous avons dû définir ensemble et dont nous avons appris le sens. Nous travaillons sur les récits de guerre : « un effluve, un étendard, la croupe d’un cheval, l’Olympe, une fanfare, un escadron, anéantir, l’artillerie, perpétuel, polyphonique, adverse, sordide, accalmie… » Ils ont 14 ans… parfois 15. La dernière dictée se terminait par cette phrase : « Une queue interminable serpentait sur tous les trottoirs, sous toutes les arcades des rues et, s'engouffrant à travers les portes vitrées des magasins, se pressait autour de tous les comptoirs. » Je leur ai demandé la fonction de « queue » ; presque aucun n’a trouvé que le mot était le sujet du verbe « serpentait ». Mais ils ne savaient pas ce que signifie « serpenter » ni ce que sont des « comptoirs » ou des « arcades ». Je leur ai demandé, en question « bonus », de donner le sens de ce dernier mot ; aucun n’a gagné le point. Pour la plupart, ils n’ont pas répondu à la question. Ceux qui ont tenté quelque chose m’ont parlé de salle ou de « gros cube » de jeux vidéo…

L’industrie du livre encourage, depuis des années, cet effondrement du vocabulaire. Dans l’édition originale du Club des Cinq et le trésor de l’île, on lisait cette phrase : « Ne vous désolez pas d’avance. Nous trouverons bien quelque autre endroit où vous envoyer et où vous vous amuserez tout autant. » Dans l’édition de 2006, elle est devenue : « Ne faites pas cette tête ! » Qu’en est-il de l’édition de 2024 ? C’est sûrement toute la scène qui a été supprimée afin de réduire encore le nombre de pages du livre. Le stock lexical a été réduit de 40 % dans les nouvelles éditions. D’un autre côté, plus personne ne lit de Club des Cinq

J’en reviens à ma détestation du collège unique et à mon immense perplexité face à ce qui se fait pendant les huit années d’enseignement primaire. Grande tristesse, en ce début de vacances pour ces enfants à qui l’on refuse de donner les clefs du savoir.

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Hélas!… Mille fois hélas! Mais tout cela est voulu, tout cela est programmé depuis de longues dates. Supprimons la concurence. Les zélites d’hier et surtout celles d’aujourd’hui, veulent garder leur pré carré de l’intelligence?…NON! du Savoir et de l’instruction afin de garder leurs accès aux postes clés super rénumérés. En bloquant l’instruction aux gosses, ils ferment les portes de ces postes clés. L’éducation nationale est devenue la Fabrique des cancres. « Donnons leurs des jeux et des orgies et la populasse se désinteressera du sénat » se plaisait à dire Jules Césars. Aujourd’hui c’est « donnons les des jeux videos, du pornos, de l’herbe » et ils se teindront peinards! et Surtout: pas d’instructions, pas de savoir!

  2. Et pourtant, ces « jeunes » passent leur temps sur leur téléphone portable ! Ne leur a t’on jamais montré qu’on pouvait y trouver très facilement la définition des mots ? Je connais des gens qui utilisent cette fonction alors qu’ils sont âgés de … 93 ans ! Cette jeunesse, et ceux qui sont censés les éduquer, je dis bien les éduquer, seraient-ils débiles ? Et dire qu’avec l’immigration galopante que connaît notre pays on devrait être au top puisque, paraît-il, l’immigration est un enrichissement. Il est vrai que ceux qui le prétendent sont incapables d’argumenter leurs affirmations.

  3. Ce phénomène a commencé il y a bien longtemps, avec la méthode « globale » de lecture ! Cela a été le début de la gangrène de l’idéologie de gauche à l’éducation nationale , conçue par des sachants pour des apprenants !

  4. Mai 68, vous connaissez ? Non bien sûr, vous n’étiez pas née, ce n’est guère un reproche, mais vous transcrivez bien, avec les mots, les maux qui gangrènent « l’éducation nationale » depuis cette date fatidique et mortifère pour nos chères têtes « blondes ». Hélas, vous êtes bien trop seule à dénoncer « l’indénonçable » !! En tous cas, mille merci (ou…mercis) pour vos éditos.

    • Si, moi , hélas j’étais né bien avant et je suis d’accord avec vous, pour constater les ravages qu’a causé cette « révolution » sur l’éducation nationale, mais pas que sur ça!

  5. En tant que formatrice en enseignements continus auprès d’IDE, AS (Infirmières diplômées d’Etat, Aides Soignantes), il m’a été reproché par mes stagiaires d’utiliser des mots qu’elles ne connaissaient pas.
    Je suis alors appelée par l’établissement de formation pour lequel je travaillais.
    La personne me dit = « mais il fallait, sur le polycopié que vous avez distribuez, indiquer les définitions ».
    Je lui réponds = mais si j’ai fait une liste de mots avec définitions et j’ai mis ce glossaire en fin de polycopié.
    La personne me demande alors = « et vous avez écrit glossaire sur la table des matières? ».
    Je réponds oui.
    Alors la personne me répond = « normal qu’ils n’aient pas trouvé! Glossaire est un mot qu’ils ne connaissent pas. »

    • Ahurissant ! Comment se peut-ils que les adultes parviennent à se comprendre, ils ne pratiquent même plus la même langue. Avec l’origine, les mots ont perdu leurs sens.

      • Il me semble que l’article parle d’un sérieux déficit concernant le bagage dans la maîtrise de la langue. Vous, vous avez trouvé une coquille, dans le sens de faute de frappe, c’est différent.
        Admettez tout de même que le témoignage de Tara est assez révélateur du nivellement par le bas puisque ses élèves sont de jeunes adultes. Oh je sais que parfois je fais des fautes, par précipitation ou par manque de connaissances mais le français n’est pas ma langue natale et je ne me débrouille pas si mal.
        Bref, au lieu de juger, ce qui n’était pas forcément votre intention, commençons par admettre que l’article de Madame Fontcalel et le commentaire de Tara sont tristement d’actualité.

  6. Bonjour Virginie. Nous l’observons, les sujets de l’Education Nationale à commenter ne manquent pas. Reprenons une partie de votre texte : « Mes élèves ne comprennent pas ce qu’ils lisent, mais ne comprennent pas non plus ce que l’on dit en cours. En réalité, ils n’ont, pour certains, pas accès à ce qu’on leur enseigne. Trop de mots leur sont inconnus. Et ils n’ont plus les ressources langagières nécessaires pour deviner le sens d’un mot inconnu se présentant au milieu d’une phrase » . Vous touchez là du doigt le cœur de la faiblesse, de l’effondrement de l’enseignement National, de la culture générale élémentaire des français. Les enfants puis les moins enfants, puis les adultes sont perdus dans un océan de mots, de réflexions incompréhensibles , du B,A , « ba » au 1+2 = trois. Je ne sais plus si je vous ai communiqué cette astuce d’un de mes très anciens instituteurs. Il nous avait demandé de nous procurer un dictionnaire ordinaire. Pendant une heure, nous pratiquions la lecture enchainée. Chaque élève prenait la suite du précédent. Lorsqu’il jugeait qu’un mot risquait de nous être incompréhensible, il stoppait la lecture et nous demandait de rechercher ce mot dans le dictionnaire. Le premier à le trouver avait le privilège de lever la main (il en était fier) et de lire la définition, ensuite commentée par l’instit. Cette petite compétition était très motivante et instructive, au-delà de l’intérêt de l’histoire. Une heure par jour. On s’attachait ainsi progressivement à l’orthographe du mot, à son déchiffrage donc à sa lecture pour aboutir à sa compréhension. Des règles de grammaire étaient également rappelées. De nos jours, comment se fait cet apprentissage ? Enfants trop âgés pour le savoir. Pour en revenir au sujet, l’incompréhension , tous les enseignants sont-ils conscients de cette énorme lacune ? Pas certain. Par contre, vos illustres pédagogues vont vous présenter des méthodes alambiquées, à se tordre les méninges, pour un résultat insignifiant car en décalage total avec les besoins du terrain. C’est la France. Voilà quelques réflexions Virginie. Continuez à nous abreuver de vos difficultés. Ces présentations nous instruisent et vous aident, pour le moins vous soutiennent par nos commentaires. Bonne semaine Virginie et bon courage.

  7. Personnellement, mes enfants qui ont maintenant plus de vingt ans, ont beaucoup aimé la série des Clubs de Cinq et des Six Compagnons. Bien entendu, je ne leur donnais que les anciennes éditions.
    Il paraît que les nouvelles, pour le Club de Cinq, ont été réécrites au présent de narration car les nouvelles générations ne maîtriseraient plus le passé simple.

  8. Quand les sentiments ne peuvent plus être exprimés par les mots, on a recours au langage gestuel.
    Un texte original se change allègrement lorsque les Droits d’auteurs sont échus. Sous couvert du politiquement correct les œuvres, les mots et les noms propres perdent toute leur saveur.

  9. « Et ils n’ont plus les ressources langagières nécessaires pour deviner le sens d’un mot inconnu se présentant au milieu d’une phrase » en effet c’est un constat effarent ! Comment dans ses conditions prétendre qu’ils puissent apprendre une langue étrangère puisque la leur n’est pas maitrisée !! dramatique…

  10. Comment est-il possible de modifier le texte ou le titre d’un livre, quelqu’il soit ? Comment peut on trahir un auteur ?

  11. Pour les parents dont une bonne moitié de divorcés, dès le plus jeune âge des enfants, c’est : prends ta tablette et file dans ta chambre

  12. Je peux comprendre votre désarroi de professeur de lettres mais vos élèves sont avant tout les enfants de leurs parents, ils ne sont donc pas responsables si ces derniers passent leur temps sur des réseaux associaux ou la pauvreté du langage va avec celle des contenus.
    Bien des gens croient nous flatter ma femme et moi devant le très bon niveau de nos enfants alors que je ne suis Français que par le sang versé et que mon épouse et Allemande, Dieu que je méprise ces « flatteries » dire qu’il suffirait de limiter le temps de connexion, de cesser de vouloir rendre Jules Verne politiquement correct pour résoudre ce problème.
    En tout cas soyez remerciée de tenter de sauver ceux de ces gosses qui doivent être peu nombreux mais qui méritent qu’on leur consacre du temps même si la tâche est ardue et le temps soigneusement limité par nos édiles.

  13. Sans entrer dans la littérature, quand j’étais gamin on m’offrait les albums de Tintin. L’autre jour, en zappant, je suis tombé sur le dessin animé de l’album « Coke en Stock », je n’ai pas reconnu la séquence ou Tintin et Haddock découvrent les esclaves dans la cale du cargo.
    il faut que je retrouve cette séquence et que je la compare à l’original que j’ai découvert il y a presque 60 ans!

    • Tintin est une oeuvre fondatrice de cet art qu’est la bande dessinée. C’est un puits de culture, de morale saine, de loisir, d’ouverture sur le monde et sur l’Art. Quand étudierons-nous Tintin à l’école ?

  14. Pour la part, j’ai choisi d’offrir un « club des cinq » à mes petits enfants de 8 et 10 ans. Je ne sais pas si ils l’ont lu. J’ai été étonnée de voir que le livre « Sans famille » était édité en un seul Tome. Nous, nous avions 2 tomes. J’avoue ne pas avoir contrôlé si le texte était celui d’origine. A voir.

    • Je ne comprends pas comment on peut modifier une œuvre. N’est-elle pas protégée ? On finira pas couvrir les nus des musées pour ne choquer un « certain public », réécrire les classiques, changer les paroles des chansons, etc.

    • Pour ma part, j’achète les vieilles éditions du « club des cinq » , pour mes petits-enfants, encore en crèche !

      • Le souci de niveler par le bas a été la principale occupation de l’enseignement public,sans doute dû à une immigration non-européenne venu de l’Afrique du nord ou subsaharienne ayant des difficultés avec notre langue, ajouté à cela la culture du rap et des SMS phonétiques,nous en sommes là désormais, mais je persiste à croire que cela a été voulu par une certaine caste afin d’encretiniser un peu plus la jeunesse pour mieux la maîtriser une fois celle ci adulte,le but étant la sauvegarde du pouvoir Complotiste moi ? Certainement pas et les conséquences parlent d’elles-mêmes.

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