[Une prof en France] Les élèves normaux existent encore !

collégiens

Je vous l'avais promis, chers lecteurs fidèles, et contrairement au gouvernement, je tiens toujours mes promesses : voici une chronique optimiste.

En ces temps de chaos et de gabegie, il est bon de savourer les joies que la vie nous offre. Et ces premières semaines de cours me forcent à faire un constat revigorant : mes élèves sont des enfants normaux. L'an dernier était ma première année dans cet établissement, et ceux qui ont suivi mes chroniques savent qu'elle m'a un peu atterrée. Cette année, j'ai une classe de 3e, dans laquelle se trouve un petit contingent venant de mon ancienne 4e. Et contre toute attente, ces enfants ont appris des choses, et ne les ont pas toutes oubliées pendant les grandes vacances ! Ils font globalement le travail demandé, participent en classe en essayant de réfléchir, suivent les cours de grammaire sans rechigner et s'investissent même en dictée. Et oui, n'en déplaise au lecteur progressiste qui se serait égaré sur BV et lirait ces lignes avec effarement, j'ai rétabli dans mes classes la bonne vieille séparation des tâches et je n'entremêle pas dans des séquences « sac de Mary Poppins » l'étude de la langue et celle de la littérature. Je les fais même réciter, comble de l'horreur pédagogique ! Et force est de constater que cela fonctionne. Pas de miracle, pas d'anamorphose sidérante, mais de timides progrès, une sorte d'extraction lente du marécage qui fait apparaître doucement des formes presque humaines.

Et en plus, ils sont agréables. Mais oui, je vous l'assure ! Polis, plutôt souriants, ils semblent prêts à apprendre. La moitié d'entre eux se destinent à la filière professionnelle. Ils savent qu'avec les lacunes accumulées, les portes du lycée général resteront fermées pour eux. Ils essaient de trouver des solutions. Ils voient leurs camarades sur le bord de la route : sur nos 89 élèves de 3e de l'an dernier, 19 n'avaient à la rentrée aucune affectation, alors qu'ils sont encore sous obligation scolaire. Personne n'a voulu d'eux… Le réel s'invite assez tôt dans la vie de ces enfants, souvent déjà cabossés. Nous sommes au bout de la France, il y a trop de péages et de montagnes entre Paris et nous pour que les délires wokistes de la capitale les aient vraiment contaminés. Alors, on va essayer de faire quelque chose avec eux, de tracer un chemin. Un professeur, c'est comme un capitaine de navire. Il ne choisit pas son équipage mais il doit fixer le cap. Quand la mutinerie gronde, il ne peut guère agir. Mais quand le calme règne parmi ses marins, il peut insuffler la dynamique qui fera avancer tout le groupe dans la bonne direction. Enfin, quand il a conscience de ce qu'il est et qu'il ne s'autocensure pas par une lâche soumission aux directives d'un ministère déconnecté du bon sens.

J'ai même des latinistes qui voudraient apprendre le latin, comme ça, par curiosité intellectuelle, car le lycée du secteur a évidemment fermé son option latin, pour faire des économies sûrement, et puis cela devait trop compliquer le montage des emplois du temps. Ces élèves veulent apprendre, malgré un environnement dans lequel ils passent leur temps à attendre que l'on gère les problèmes de discipline causés par quelques-uns qui font ventouse et ne sont jamais exclus, et alors qu'on les gave de cours pollués par d'innombrables parenthèses sur le climat, l'accueil des migrants, l'éco-citoyenneté et le harcèlement. L'institution devrait un peu plus se soucier de tous ces élèves qui attendent des adultes qu'ils leur offrent de bonnes conditions pour se former.

Cette chronique est donc dédiée à tous les collègues qui, contre vents et marées, maintiennent avec détermination et confiance le cap de l'exigence et qui croient en leurs élèves.

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Vous devez avoir un bon chef d’établissement qui vous laisse enseigner avec vos méthodes, celles qui ont fait leurs preuves et ce n’est, malheureusement, pas toujours le cas partout. Bravo Madame et bon courage.

    • Dans le public, les chefs d’établissement n’ont pas de droit de regard pédagogique, ils ne peuvent pas intervenir. Seule l’académie peut le faire, via les inspecteurs. Dans le privé, les directeurs ont théoriquement un droit de regard pédagogique, mais aucun ne l’exerce semble-t-il (malheureusement ?). Un professeur fait ce qu’il veut dans sa classe, tant qu’il respecte le nombre minimal d’évaluations trimestrielles, et n’est inspecté en moyenne qu’une fois tous les 7 ans. Après, il reste les éventuelles pressions psychologiques et intimidations, quand un directeur est un peu « motivé » mais comme il n’a pas de pouvoir réel, si on a un peu de caractère, on résiste.

  2. Madame, vous démontrez qu’un bon professeur a le pouvoir de bien conduire ses élèves, même dans un système dégradé. Mais pour cela, il faut que le professeur fasse preuve d’un courageux esprit de résistance contre les directives ineptes des inspecteurs et des des instituts de formation, contre la prolifération des écrans, contre la propagande à l’école. C’est un combat quotidien contre le « progressisme » prôné par le gouvernement et par une partie des parents.
    Au fait, M. Attal s’est rendu populaire avec l’interdiction des abayas. Mais que fait-il pour relever l’enseignement ?
    Il devrait déjà soutenir les professeurs comme vous et tout changerait dans les classes.

  3. Votre rubrique est une bouffée d’optimisme qui confirme que seuls ceux qui exercent leur métier avec passion réussissent là où les autres ne font que se lamenter. Bravo Madame. Vous êtes l’honneur du profession vitale pour l’avenir de notre pays.

  4. Merci Madame, vous redonnez de l’espoir à tous ceux qui assistent depuis si longtemps au suicide d’une corporation minée par un progressisme débile qui entraîne nos enfants vers le bas! Puisse une majorité d’enseignants s’éveiller à la réalité et suivre votre exemple.

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