[Une prof en France] Les Héritiers : l’école au prisme de l’idéologie

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J'ai eu un moment de faiblesse, je l'avoue humblement : j'ai regardé le film de Marie-Castille Mension-Schaar intitulé Les Héritiers. Vous ne l'avez certainement pas vu. Le titre bourdieusien aurait dû m'alerter mais, je vous l'ai dit, j'ai été faible, un soir de fatigue, et j'ai regardé…

Ce film, sorti en 2014, dégouline de bons sentiments, ce qui n'est pas nécessairement un mal en soi, mais il est surtout parfaitement invraisemblable et dangereusement idéologue, comme l'actualité le confirme cruellement. L'intrigue tourne autour d'un professeur d'histoire-géographie au lycée Léon-Blum de Créteil, Mme Gueguen. Elle est le professeur principal d'une classe de seconde particulièrement difficile à laquelle elle va proposer de participer au Concours national de la Résistance et de la Déportation. Ce concours existe vraiment. Toute la communication du film tourne autour de cette illusion de « réel » : on nous dit que c'est une histoire vraie adaptée au cinéma et le scénariste a donné de nombreux entretiens pour affirmer que tout était inspiré de sa vraie vie, des personnages aux situations. Sérieusement ? Cela ne peut être cru que par ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans un lycée dit sensible et qui n'ont aucune connaissance de ce qui se passe dans les « banlieues », comme dans de nombreuses petites villes de province.

Les clichés bien-pensants s'enchaînent : la juste colère de l'élève voilée qui est refoulée par une administration à l'esprit étriqué alors qu'elle vient chercher son diplôme du baccalauréat mais refuse d'enlever son voile, la générosité du gentil musulman qui rend service à ses voisins juifs, la cohabitation fraternelle dans la classe entre l'élève juive et les autres, l'émotion des jeunes, essentiellement musulmans, lorsqu'ils découvrent le sort des enfants juifs déportés dans les camps, la métamorphose de l'élève insolente et agressive après la lecture des mémoires de Simone Veil, la courtoisie des femmes musulmanes voilées voulant laisser, dans le bus, leur place assise à une dame âgée, blanche et un peu bourgeoise, qui ne leur répond même pas et les ignore, par racisme pur certainement, le professeur de français méprisant qui n'obtient rien de ses élèves car il ne porte pas sur eux un regard bienveillant, l'investissement remarquable des élèves quand on leur propose un projet qu'il vont évidemment mener à bien, la victoire finale devant toutes les autres classes de France…

Si l'on regarde le palmarès de ce concours sur les dix dernières années, on trouve pourtant très peu de candidats appartenant à la même « diversité » que les personnages du film. Peut-être n'est-il pas si simple ni si fructueux d'aborder avec eux ce type de sujets, contrairement au propos lénifiant du film ?

Pour avoir fréquenté pendant de longues années un lycée de la banlieue nord de Paris, et pour suivre avec une assez vive attention ce qui se passe chez une partie des jeunes de notre pays depuis quelques années, j'ai reçu tout cela avec une grande incrédulité.

Quel objectif poursuit-on lorsque l'on grime ainsi la réalité ? À qui veut-on faire croire qu'un regard bienveillant suffit à bouleverser en profondeur et de façon homogène une vingtaine d'adolescents d'origines diverses et de religions antagonistes ? Et qui peut croire que seuls les « mauvais profs » sont en échec dans ce type d'établissement, sur le plan pédagogique comme sur le plan disciplinaire ?

Les quadras bobos du canal Saint-Martin ont dû trouver en ce film un baume réconfortant : oui, le vivre ensemble est possible, et quand il échoue, c'est à cause des autochtones qui ne savent pas se comporter correctement avec les jeunes ; oui, la fraternité intercommunautaire est possible, il suffit de faire vivre une émotion commune autour du sort des enfants juifs ; oui, ces jeunes méritent notre confiance, qu'ils ne trahiront pas, et sont juste maltraités par ceux qui n'appliquent pas les principes pédagogiques de Bourdieu…

Quand on voit tout cela sur l'écran magique du cinéma, il se répand comme un arc-en-ciel de douceur et d'optimisme sur la grisaille du monde, et on peut croire un moment que le réel n'est pas tel qu'il est.

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Avec cela, il faut penser à « la diversité  » injectée de force, à coup de passe-droit, dans les grandes-écoles … L’administration et l’état s’en retrouvent infiltré par des ennemis du pays.

  2. Ce travestissement de la réalité par le milieu artistique ne se borne pas à la représentation de l’école. Tout est représenté à l’envers, dans une propagande écolo-bobo-woke effrénée. Les thèses les plus irréalistes sont assénées comme si elles étaient la réalité.

  3. Les bons sentiments ressassés, couplés au déni de réalité, finissent en général comme tout ce qui est obligatoire, au mépris des consciences, c’est-à-dire par entraîner la révolte et le blasphème. Gageons que les Français vont peut-être bientôt blasphémer collectivement…La révolte gronde en tous cas et les pestiférés, les « nauséabonds » d’hier, ceux qui pourtant osaient dire le vrai dans le désert d’une lâcheté généralisée, semblent aujourd’hui devenus présentables.

  4. Ah le monde du cinoche !
    J’ai oublié « woke » !
    Ces gens-là, gorgés de subventions dans lesquelles ils se noient, pondent des nanars imbéciles porteurs d’un soi-disant message malheureusement dangereux.
    Ils ont tué le rêve, en tuant le cinéma.
    Ils disparaîtront avec leurs pellicules dans le fond d’une usine désaffectée.

  5. Bonjour Virginie. Vous justifiez le motif pour lequel je ne regarde plus aucune production française depuis 15 ans. Heureusement, la richesse de la production littéraire compense. Ce qui ne me prive pas pour autant de regarder les productions étrangères. D’après votre description du scénario de ce film, les scènes contentent les bouches bées, ces gourmands à pleurer d’envies, avides de moraline à quatre sous. Vous êtes excusée. Le séduisant voile parfois le pire. En extension, l’arbre cache la forêt. L’air du temps français est ainsi formaté, manipulateur. Il n’est qu’à observer ces manifestants qui sous prétexte de défendre le peuple palestinien soutiennent en vérité l’action du Hamas, ces barbares sans retenue. Dans de précédents commentaires je soulignais la voie sociale-nationaliste (le nazisme pour faire simple) empruntée par l’extrême gauche. Cela se confirme, elle ne s’en cache plus. Sectarisme, racisme, ségrégationnisme, agressions, bastonnades, pour en arriver aux pogroms, minis à ce jour mais certainement appelés à se développer si l’Etat ne réagit pas. Et en la matière, l’action, la réaction, ne sont pas son image de marque. Bien ! Virginie, votre profession a de nouveau été atteinte . Notre sincère tristesse vous accompagne . S’il était besoin de le redire pour le souligner, une nouvelle conséquence de l’extrême faiblesse de l’Etat. Un Etat embourbé dans son inextricable labyrinthe administratif et judiciaire dont il se défausse avec cette réflexion ordinaire convenue en macronie « Cela fait 50 ans que cela a commencé…. » Je traduis : « nous ne sommes pas responsable, c’est les autres ». Mais depuis six ans qu’ont-ils fait de leur intelligence si souvent vantée par des élites ? Rien si ce n’est alimenter le tonneau des Danaïdes en matière de délinquance par le biais d’une immigration massive incontrôlée et oisive, fatalement porteuse de dérives. Bon…. Je cesse là, je vous saoulerais de mes récriminations. La macronie en est une source inépuisable. Bonne semaine Virginie.

  6. J’ai connu un temps, lointain et … heureux où les petits « cathos » (comme moi), les petits arabes et les petits juifs étions assis côte à côte sur les bancs de l’école primaire, puis au collège et au lycée. C’était hier, dans un beau pays, l’Algérie qui a sombré dans l’horreur des exactions des barbares du FLN (les mêmes que ceux du Hamas) où tout ce qu’on vous raconte sur la colonisation est une fumisterie sans nom de la propagande gauchiste . Vous connaissez la suite et surtout ce qu’est devenu ce triste pays …..

  7. Je crains que ce type de délire ne serve qu’a déclencher l’attribution de subventions généreuses. La bande des intermittents du spectacle y trouve son compte. Quant au sujet, c’est vous qui voyez.

  8. Même en l’absence de Musulmans, dans les classes difficiles, la bienveillance ne suffit ABSOLUMENT pas à remettre au travail des adolescents qui n’ont AUCUNE motivation.

    Donc, je n’ai pas vu ce film, mais j’imagine qu’il est un tissu de mensonges.

  9. Vouloir modifier le réel pour qu’il colle à ce que l’on souhaite est dangereux. Ceux qui se disent victimes pensent à tord qu’ils ne sont en rien responsable de leur sort et se complaisent à ne pas changer. Enfin, les enseignants finissent par jouer le jeu de leurs supposés victimes et ne font que renforcer ces derniers dans leur déni. Ces mensonges doivent être dénoncés. Merci madame Fontcalel de votre lucidité.

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