[Une prof en France] L’interdiction des devoirs… et de la discipline

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Nul n'est censé ignorer la loi. Pour autant, qui sait que, depuis 2013 et la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école, les devoirs écrits sont interdits en primaire ? « Cette réforme des rythmes va permettre de rendre effective l'interdiction formelle des devoirs écrits à la maison pour les élèves du premier degré », peut-on lire dans le texte de la loi, consultable sur service-public.fr.

Cette question est un serpent de mer. Les parents sont en effet partagés sur ce point : certains plébiscitent les devoirs à la maison quand d'autres les abhorrent.

Les devoirs à la maison avaient déjà été interdits en primaire par la circulaire du 29 décembre 1956, qui précisait qu'« aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe ». Mais cette circulaire avait été abrogée en 1994 par une autre circulaire préconisant que les devoirs fussent faits à l'école, sur temps scolaire. Circulaire elle-même abrogée en 2009 par Luc Chatel, dans une circulaire abrogeant des centaines de circulaires antérieures, certaines remontant à 1855… Eh oui, la circulaire, c'est un sport national, au ministère de l'Éducation, il doit y avoir quelque chose comme une prime de rendement qui justifie l'inflation constante de textes, que personne ne lit et que surtout à peu près personne n'applique.

En 2017, Jean-Michel Blanquer lance le programme « Devoirs faits », lequel demande aux établissements de proposer aux élèves, hors temps scolaire, des heures de travail accompagné, encadré par des enseignants, des surveillants ou des jeunes en service civique. Oui, mais… Déjà, ce protocole ne concerne que les collégiens et non les élèves de primaire, qui sont toujours régis par la législation interdisant les devoirs écrits. Et puis ce programme n'est pas suffisamment doté, ce qui fait que dans mon collège, par exemple, il s'est arrêté début mai, jusqu'à la prochaine rentrée, faute de crédits. On ne peut pas demander à tous les intervenants de tout faire en bénévolat.

Il est donc aussi, très logiquement, interdit par le Code de l'éducation de punir un élève de primaire qui n'aurait pas fait ses devoirs, puisqu'il n'est pas censé en avoir. L'instituteur est seulement autorisé à demander aux élèves d'apprendre leurs leçons, ou une récitation, ou de préparer un exposé, à l'oral ou en faisant des recherches (mais sans prendre de notes ?).

Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg des choses interdites par le Code de l'éducation et la multitude de textes gravitant autour de lui. L'enseignant n'a pas le droit de fouiller le sac d'un élève, même pour y récupérer un portable ou un paquet de cigarettes que ce dernier viendrait d'y dissimuler (demarches.interieur.gouv.fr). Il n'a pas le droit d'exclure un élève de cours, même en cas d'insultes ou de comportement fortement perturbateur. En revanche, il a l'obligation de laisser sortir tout élève qui demande à aller aux toilettes, en sachant qu'il est pénalement responsable de tout ce qui se passe lorsque l'élève est absent de sa classe sur le temps du cours… Si l'élève en question se bat dans l'escalier avec un camarade sur le trajet allant de la salle de classe aux toilettes, l'enseignant est responsable légalement. Et tout est à l'avenant. Il est même interdit de crier en classe, les cris s'apparentant à de la « maltraitance psychologique » et étant interdits par la loi de 2019 sur les « violences éducatives ordinaires », celle-là même qui interdit la fessée et tout propos considéré comme humiliant. Selon les nouveaux éducateurs, « avec les enfants, on ne hurle… que de joie » (fondation-enfance.org).

Que faire, alors, pour gérer les inévitables incidents ? On lit diverses préconisations, comme « diffuser des huiles essentielles »… Le gouvernement canadien préconise le dialogue : « À un élève qui a tendance à vous répondre, vous pouvez dire : "Mathieu, je suis reconnaissant de ton honnêteté et de ta volonté à communiquer ton opinion. Comment pourrais-tu l’exprimer de façon plus respectueuse ?" »

C'est drôle, cela me rappelle les deux remarques que m'avait faites mon proviseur lorsqu'un élève de seconde avait lancé contre moi une chaise qui était venue se fracasser contre le tableau, à quelques centimètres de mon épaule. La première avait été : « Êtes-vous vraiment sûre que vous étiez visée ? » et la seconde : « Qu'avez-vous fait pour le provoquer ? » J'avais sûrement oublié de diffuser des huiles essentielles…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/06/2023 à 19:54.
Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

45 commentaires

  1. L’éducation, sport de combat. Voir , sur un sujet très proche, le très bon film  » Je verrai toujours vos visages »

  2. L’avenir d’un enfant se joue principalement au primaire. Visiblement les nombreux ministres successifs et leurs conseillers ne l’ont pas encore entendu. Les enseignants ont de plus en plus de difficultés à faire régner un climat propice aux études et l’égalitarisme tue inexorablement ce qui devrait être la recherche de l’excellence pour tous.

  3. Merci .Trop bien …Je vous admire …Nous sommes vraiment dans le début de la fin avec toutes ces inepties !

  4. L’éducation, livrée aux idéologues et dingos de toutes nature, participe au déclin de l’Occident au lieu d’en assurer l’avenir. Il aurait fallu purger le système lorsqu’il était encore temps.

  5. Merci Virginie Fontcalel. Devant tant d’incohérences les bras m’en tombent. Les brillantes instances éducatives ne font que détruire au lieu de construire. En primaire j’ai eu des baffes (j’en suis meurtri, ha ha) en secondaire j’ai été collé, je ne m’en suis jamais remis (ha ha), à tel point que j’ai fait un ingéniorat tout à fait convenable! Cherchez l’erreur.

  6. Les enfants ont maintenant surtout le devoir d’aller à l’école pour être éduqués, par exemple pouvoir rencontrer au plus tôt une association LGBT et se familiariser à la diversité la plus grande possible. Pour ce qui est de l’enseignement, les parents sont libres de s’organiser. Au moins, ils n’ont pas le devoir de contribuer a des rédactions imposées à leurs rejetons.
    C’ est parceque les français sont bien éduqués, à l’école, puis par les journalistes, qu’ils ont votés constamment à une large majorité contre Le Pen…
    On ne change pas une équipe qui gagne. Notre ministre garde le cap, comme tout le gouvernement.

  7. Bizarres ces circulaires car en 1956 j’étais en Primaire à Paris et j’avais des devoirs à faire à la maison.

    • En effet, j’avais aussi des devoirs à la maison . C’est aussi la meilleure façon de réviser ce que l’on a appris dans la journée ! Mais il est vrai que le moindre effort est nocif pour nos têtes blondes ou brunes !

  8. J’ai travaillé auprès d’enfants de 8 à 12 ans dans le périscolaire, le me suis faite insulter quotidiennement par ces enfants. Et pas des petites insultes ! On m’a dit en effet que je n’avais pas le droit de me fâcher ou de sévir, seulement d’accueillir avec  » bienveillance  » toutes ces insultes. Ce déchaînement de violence verbale n’est, d’après les spécialistes, que l’expression d’une grande détresse. Ben voyons.

  9. Bientôt un prof Français blanc et catho pire…n’aura que le droit de se faire planter… certains élèves vont à l’école avec un couteau et de plus en plus jeune….

  10.  » la législation interdisant les devoirs écrits » !! Pourtant, le meilleur moyen de s’améliorer en orthographe c’est bien d’écrire. Là on se rend compte des fautes éventuelles, d’où le sens des travaux d’études à la maison. Mais depuis ce mois de mai 68 fatidique, l’enfant n’est-il pas Roi ? De quoi, au juste ? Quant à la discipline, il y a des petits coups de règle sur les doigts qui se perdent !!

  11. Bonjour, je suis professeur de mathématiques, je me suis complètement reconnu dans ce que vous avez écrit, et dans la lâcheté congénitale des personnels de direction. L’institution complètement sclérosée a complètement abandonné les profs, non seulement abandonné mais se permet en plus de les menacer quand ils refusent de se laisser insulter !!! C’est une honte de classe internationale pour l’éducation nationale. Il n’y a aucun pays au monde où on laisse des gamins insulter des profs sans les sanctionner et en disant au prof « vous êtes un menteur ». Je suis en arrêt longue durée actuellement car suite à des clash a répétition avec des élèves (des sauvages) de 4° (12-13 ans: des petits bourgeois blancs des beaux quartiers pourtant) je me suis fais convoqué un nombre incalculables de fois, et la dernière fois, dans le bureau de ce trouillard de proviseur, j’ai laissé éclater ma colère. Je lance un appel à tous les profs: arrêtez de baisser la tête, arrêtez de faire les paillasses. Arrêtez de baisser votre froc en croyant que c’est ainsi que ça va se calmer.

    • Il fut un temps où les chefs d’établissement étaient recrutés parmi les meilleurs professeurs. Depuis les années Mitterrand, et peut-être même Giscard avec son ministre Haby, on attend des chefs d’établissement beaucoup de servilité pour faire passer les réformes et contre-réformes qui tirent notre système éducatif vers le bas sous prétexte de réduire les inégalités. Et surtout pour bénéficier des promotions internes il ne faut surtout pas de vagues dans les lycées et collèges. En cas de problème les réclamations des parents, des élèves, et des représentants des minorités ethniques sont toujours écoutées avec attention et les professeurs considérés comme responsables. Lire « Stupéfiant voyage à travers l’Education nationale », écrit par un ancien proviseur.

    • Pour vous conforter un peu, lisez le livre de Eve VAGUERLAN « un prof ne devrait pas dire ça », cette auteure évoque de façon concrète les raisons du mal-être des professeurs, par-delà la question de la rémunération : l’absence de discipline et de sanctions, le mépris de la part des directions et des personnels en milieu scolaire, l’entrisme des idéologies et de l’Islam, la pression des parents d’élèves.
      Elle montre aussi de quelle manière, par idéologie, les professeurs eux-mêmes ont depuis des années œuvré à leur propre déclassement et sont désormais incapables de réclamer les solutions aux difficultés dont ils se plaignent pourtant chaque jour.

    • Les responsables sont aussi responsables la plupart étant de gauche surtout depuis Mitterand cela s’est aggravé !

  12. Au moins on voit à quoi on s’amuse au ministère. Pour un pognon de dingue. Déjà que plus de 50% des salariés de ce ministère n’on Jamais vu un élève. La tête de l’armee Mexicaine en délirium tremens.

  13. Ça me rappelle un temps que les moins de 40 ans ne purent connaitre: dans le collège que je fréquentais, classe de 3ème, notre professeur de français était de ces statures naturelles qui imposaient un respect et une crainte immédiats, sans qu’il ne fût nécessaire de hausser le ton ni même d’ouvrir la bouche.

    Une bagarre dans le couloir entre deux chahuteurs qui provoque leur chute dans notre classe, après l’ouverture accidentelle de sa porte.
    Saisie manu militari des deux malheureux, éjectés à force de bras à l’autre bout de la classe et sanctionnés par 4h de retenue.

    Un autre temps que je regrette aujourd’hui

  14. Monde de fou …. En 25 ans de carrière je n’ai pas appliqué beaucoup de ces circulaires dieu merci. Ma carrière se finit cette année et c’est tant mieux : j’en ai marre d’assister à la débandade de l’éducation nationale et je souhaite bon courage à mes collègues….

    • Mais ce sont vos collègues qui sont responsables de tout ce bazar depuis 60 ans et les responsables syndicaux. j’ai été pendant 6 ans conseiller de l’enseignement technologique, une fonction qui pourrait être utile et intéressante pour les élèves si les profs ne la boudaient pas, j’avais donc accès à chaque conseil de ceci ou de cela, je n’ai jamais vu une seule fois où le syndicaliste était d’accord avec les décisions du chef d’établissement même pour des choses insignifiantes, c’était systématiquement non, arrêt de la discussion, concertation entre collègues pour rien et rien ne se faisait sans son accord (il donnait une heure de cours de maths comme permanent). Ma prestation était évidemment bénévole et venant du monde du travail j’étais stupéfait, bien que j’aie enseigné pendant quand même quelques années dans des établissement sous contrat à cause des horaires puisque j’avais un cabinet libéral.

  15. Dommage pour les jeunes mais c’est ce que désire l’E.N. et ces dictatures européennes et françaises !
    Que des neuneus que l’on pourra faire travailler comme bon nous semble.

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