[Une prof en France] Mais pourquoi donc réussir le concours d’enseignant ?
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Plusieurs enseignants autour de moi se demandent régulièrement quelle mouche les a piqués lorsqu'ils ont préparé avec sérieux le concours qui leur a permis d'intégrer la grande et joyeuse famille de l'Éducation nationale. Que ne sont-ils partis plutôt dans une ONG, au lieu de réviser ardemment comme des hamsters dans leur cage ? Ils eussent été mieux inspirés de faire la tournée des festivals et de prendre du bon temps, plutôt que d'user leurs yeux à leur table de travail.
On se prend en effet à rêver quand on voit ce qui se passe aux États-Unis. Deux millions d'indemnités pour les Afro-Américains et Hispaniques ayant échoué au concours de recrutement des enseignants ? Mazette ! C'est une somme bien supérieure à ce qu'un enseignant aura gagné en France au cours de sa carrière, quand il arrivera, fringant et guilleret, aux portes de la retraite… Enfin, pour autant que ce terme ne soit pas une antiquité dont on cherchera le sens dans un dictionnaire quand il aura atteint l'âge de la demander.
Bon, d'un autre côté, tout le monde n'a pas la chance d'être noir ou hispanique. Si l'on peut changer de sexe aussi facilement que de maison, il est plus difficile de changer d'origine ethnique. Cela me console un peu lorsque je regrette de ne pas avoir échoué ; même si je suis une femme, et donc une petite chose fragile sujette aux traumas (sic), je n'ai pas la couleur de peau qui rapporte le magot, je n'avais donc aucune chance… Et puis je ne suis même pas américaine - je cumule un certain nombre de handicaps.
Heureusement, dans notre beau pays, de telles aberrations ne sont pas de mise et les tribunaux condamnent rarement l'État à payer quoi que ce soit à qui que ce soit. Et puis, dans la nation de Louis XIV et de Napoléon, on ne gaspillerait pas l'argent public en le donnant à ceux qui échouent… Certains esprits taquins me chuchotent à l'oreille que la politique de la ville dépose depuis des années de grosses valises de billets dans certains quartiers, mais ce sont des quartiers de vainqueurs, les Californies françaises, auxquelles il ne manque que la mer, selon notre Président, dont la parole est toujours avisée.
Ai-je donc bien fait de me former avec exigence pour réussir l'agrégation ? Qu'est-ce que cela aurait changé pour moi si j'avais échoué ?
Pour reformuler la question, comme on aime à le faire dans mon métier, que gagne-t-on, aujourd'hui, à passer un concours de recrutement dans l'Éducation nationale ? Finalement, pas grand-chose. L'école recrute massivement des vacataires, quel que soit le nom qu'on leur donne. Vu la pénurie d'enseignants, les vacataires peuvent choisir leur établissement, le nombre d'heures travaillées, et faire les fines bouches par rapport à ce qu'on leur propose. Si l'établissement ne leur convient pas, ils en changent assez facilement, tant la demande est forte.
Le mieux est d'être contractuel dans l'enseignement privé ; on leur déroule souvent le tapis rouge (sauf pour le salaire, bien sûr, mais c'est une constante dans l'enseignement, et c'est censé être compensé par « la vocation »…). Un titulaire, lui, est corvéable à merci, ne peut refuser un poste partagé sur deux établissements distants de 60 km et doit souvent attendre quinze ans sa mutation dans la région dans laquelle il voudrait vivre, tout cela pour un salaire guère supérieur à celui du vacataire. Alors, évidemment, il y a la sécurité de l'emploi - c'est-à-dire, en réalité, la chance de rester bloqué dix ans dans un établissement que vous voudriez quitter - alors que le vacataire serait quant à lui un travailleur précaire, statut ô combien anxiogène, paraît-il. Voire. C'est peut-être surtout un travailleur plus libre.
Un titulaire voudrait-il quitter l'Éducation nationale, il découvre que son contrat de travail - qu'il n'a jamais signé et qui n'est qu'une conséquence tacite du concours qu'il a réussi - ne prévoit pas de porte de sortie. La rupture conventionnelle ? Refusée dans plus de 80 % des cas par l'administration. Lorsqu'elle est acceptée, il n'y a pas de négociation comme dans le privé, mais une attribution simple de l'indemnité-plancher. Si cette rupture conventionnelle est refusée, le titulaire peut démissionner ? Eh bien, non, pas vraiment. La démission est soumise à acceptation par l'administration, qui peut la refuser si la discipline de l'enseignant est déficitaire, ce qui est le cas de quasiment toutes les disciplines, sauf le sport. Mais alors, comment on arrête ? C'est comme un escape game qui n'aurait pas de maître du jeu et dont la porte se verrouillerait définitivement dès l'entrée des joueurs… Reste la désertion, c'est-à-dire l'absentéisme assumé, jusqu'à la radiation.
Donc, si vous avez l'idée folle de passer le CAPES ou l'agrégation, ressaisissez-vous, dépassez ce moment de faiblesse et allez plutôt à la pêche.
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34 commentaires
Le problème de l’éducation nationale est double : dépendre d’un ministère hypertrophié piloté pour les programmes par des inspecteurs généraux de l’éducation nationale (désignés également sous le pseudonyme de khmers rouges) et de devoir affronter ltrop souvent des élèves qui vous méprisent et leurs parents plus enclins à vous critiquer – voir pire – qu’à éduquer leurs enfants. Enfin vous bénéficiez dans ce beau ministère d’un manque de considération inégalé de la part de la hiérarchie ministérielle. Bref comme vous le comprendrez la vocation c’est bien mais c’est mieux quand on se sent aimé.
Si la réussite du concours n’est effectivement plus tellement prestigieuse, il en est de même pour tous les diplômes hors grandes écoles.
Même le diplôme de médecine peut aujourd’hui faire rire tant les étudiants français n’ayant pas réussi à aller jusqu’au bout son remplacés par des médecins étrangers avec des niveaux d’études proches du BTS.
Certains sont même incapable de se faire comprendre de leurs patients!
Maintenant, sur le salaire (le traitement plutôt) les profs devraient vraiment arrêter de se plaindre, parce que les français en ont assez.
Déjà, c’est quand on a de bons résultats qu’on demande une augmentation, pas quand on est la risée des pays développés.
En suite, j’invite chaque lecteur a regarder la grille salariale des enseignants et de rapporter ce salaire au nombre d’heures travaillées.
Faites cette comparaison avec les enseignants étrangers, soi-disant beaucoup mieux payés.
Et qu’on arrête de me bassiner avec le temps de préparation des cours, on a tous été enfants et on a tous récupéré les cours d’un élève de 2 ou 3 classes au dessus parce que rien n’avait changé.
D’ailleurs, quand Sarkozy a proposé aux profs de préparer leurs cours dans les établissements, avec du matériel payé par l’éducation nationale, pour leur payer ces heures de préparation, les profs ont refusé.
Le principal problème de l’enseignement, ce sont les syndicats qui sévissent depuis des décennies et qui ont totalement discrédité cette profession. Aux yeux des élèves, aux yeux des candidats potentiels, aux yeux des parents d’élèves… Afin de chouchouter les plus vieux et assoupis.
Vorginie, vous decrivez le mal être de tous ceux sui, comme vous, ont travailké d’arrache pied pendant leur adolescence et leur jeunesse pour réussir l’agrégation sans passer par Normale sup..Beaucoup de candidats, de rares élus en raison du petit nombre de places( 120 pour 10 000 candidats en histoire en l’an 2000 et la plupart des admis étant normaliens).La joie de la réussite a été vite effacée par la decouvette de l’affectation dans le Nord loin de la famille, mais c’est la règle…Ce qui l’est moins ce sont les affectations dur deux établissements distants l’un de l’autre de de 20 km et sirués à 80 km du domicile . Mais à 24 ans on est jeune et on peut travailler la nuit pour préparer les cours de 2 classes de collège et 2 autres de lycée, les vacances permettant de prendre un peu d’avance. C’est vrai, le traitement n’est pas mirobolant mais il suffit de s’armer de patience, il augmente peu à pei, sauf quand il est bloqué par le gouvernement…On se demande en effet pourquoi un tel acharnement pendant sa jeunesse pour gagner si peu ensuite…Heureusement, au fil des ans les messages reconnaissant de ceux que l’on a formés et instruits compensent les regrets d’avoir voulu faire ce metier, la vocationexiste encore!
Ne pleurons pas sur la profession d’enseignants, ils ont ce qu’ils ont cherché.
Ils ont véhiculé tous les problèmes qui font couler la France
Au fait , vous votez pour qui chers enseignants ?? Et cela depuis quand !!! Mais on peut tous se tromper !!
C’est bien de ne pas généraliser …
Arrêtez donc de généraliser !
Honnêtement vous croisez beaucoup de collègues de droite, assis tranquillement en salle des profs à lire Valeurs Actuelles ? Vous avez vu beaucoup d’appels de vos collègues à manifester pour exiger le retour de la discipline ou contre les délires « écoresponsables-intersectionnels non genrés » ? Moi, je n’en ai croisé aucun (à part sur BV), et pourtant des profs j’en croise tous les jours. Alors, 15 h de cours ou pas, je vous plains sincèrement d’avoir à faire ce job dans les conditions qui sont les vôtres… mais vous récoltez les fruits de plus de 50 ans de « gauchisme systémique » au sein de l’EN, pas seulement au niveau de la tête, mais aussi parmi une écrasante majorité de vos anciens, mais aussi encore de vos pairs.
J’ai enseigné en Afrique du Nord et ensuite en France. En Afrique je me faisais respecter, en France écœure par les indisciplinés j’ai opté pour l’intendance des lycées en présentant le concours.
C’est un phénomène de pays ou non développé, en Afrique j’ai vue des enfants travaillé pour payer leurs études alors que les parents étaient loin de leur payer alors qu’en France les enfants vont à l’école obligatoire sans conviction. Ça fait une grande différence.
Mon épouse, dans les années 60, a obtenu un premier poste en remplacement d’une enseignante en arrêt de travail pour une période indéterminée (on n’a jamais su de qui elle souffrait, mais elle allait paraît-il très bien , je puis vous rassurer); mon épouse, donc toujours, a fait toute sa carrière ensuite, titulaire à d’autres postes, mais sans jamais n’avoir eu connaissance d’une reprise de « l’assujettie sociale ».
Un agrégé c’est 15h. Un entrepreneur ou un petit commerçant, 70h c’est classique. Certains ont réussi, beaucoup d’autres se retrouvent avec une retraite de misère avec un fond de commerce qui ne vaut plus un clou et je ne parle pas des faillites records en ce moment. J’ai quitté l’école il y a 50 ans et déjà les profs passaient leur temps à pleurnicher.
Exact et je crois même que c’est moins et ils peuvent avoir une autre activité comme leur propre cabinet s’ils font du droit, comme j’avais une autre activité j’enseignais dans des écoles professionnelles privées, les vrais profs me reprochaient de ne pas avoir le CAPET c’est vrai mais alors pourquoi avais-je plus de reçus aux examens qu’eux moi qui était incompétent ? d’ailleurs je ne voulais pas faire ma carrière là-dedans heureusement lorsqu’on voit ce que c’est devenu, enfin ce que le corps enseignant en a fait à partir de 68, je me suis même fait virer d’une école parce que je faisais de la discipline
Seulement 15 de cours peut faire fantasmer beaucoup. Cependant si je prends mon cas, je suis agrégé de physique, je compte près de 25 h de présence au lycée par semaine car je ne peux pas préparer les TP chez moi et puis il faut vérifier le matériel avant les cours et ne pas oublier les nombreuses réunions. Ensuite, chez moi il faut penser aux corrections et à préparer mes cours. Enseignant dans une matière évolutive je dois également me former (souvent par mes propres moyens et à mes frais) à de nouvelles techniques et à des chapitres peut abordés à l’époque des mes études. D’autre part, les 15 de présence devant un public en général bavard et facilement insolent, etc, ne sont pas une sinécure.
Ben tiens donc ! Votre petit commerçant qui bosse 70h par semaine, est-ce à dire qu’il est là pour recevoir les clients 10h par jour, dimanches compris ???
Vous plaisantez j’espère. Dans ma matière, qui évolue chaque année, cela m’arrive de passer plus de 10h à préparer un TP de 2 heures et vous oubliez les corrections et les réunions (la plupart sont d’ailleurs inutiles, mais la présence est obligatoire). D’autre part, 15h de cours demande une très forte concentration devant un public le plus souvent hyper bavard et pénible.
Bonjour Virginie. Pessimiste en cette période de vacancE ? L’effervescence scolaire vous manque ? Indispensable afin de vous éviter de ruminer ? Mauvaise passe Virginie ? Le creux de la vague… Un creux perçu par beaucoup de français. Le pire c’est que nous n’avons pas atteint le fond. Nous creusons toujours. Le jeune qui nous gouverne creuse, creuse, creuse . Il transpire, il bavarde et il creuse…. alors qu’il est persuadé en progrès, le seul à s’en convaincre. Mais dites-vous bien que la vie est un éternel recommencement. Vous le savez. La vague nous portera à nouveau vers le haut, lorsqu’il aura épuisé son quota de « mal-faisance ». Vous retrouverez du souffle, de la vigueur. Votre savoir sera à nouveau porteur . Et puis, reconnaissez qu’une bonne tête possédée vous maintient hors de l’eau, dans une reconnaissance interne compensatrice. Merci papa, merci maman, sans ironie. Bonnes vacances. Détendez-vous. Oubliez le boulot.
C’est gentil, et réconfortant (enfin, j’espère, quant à Virginie)!
Bravo!
Je n’avais pas les facultés paraît il ou eu la change d’avoir des parents de la France profonde occupés qu’ils étaient à s’éreinter pour élever 5 enfants de faire des études ayant quitte l’école avec dérogation a 15 ans j’ai appris le métier de pâtissier fait tout un tas de petits boulot plus ou moins bien payer parfois pas de tous jusqu’à mes 21 ans ou je me suis marié et eux un premier enfant puis monter plusieurs sociétés créer un certain nombre d’emplois en ne travaillent jamais moins de 70 heures par semaine nos premières vacances de 5 jours nous avions 45 ans m’a femme et moi nous ne nous sommes jamais plains aujourd’hui a 66 ans il semblerait que nous ayons pas trop mal réussi paraît il je ne regrette rien m’a banal vie comme pour des millions autres personnes dans ce pays qui comme moi ont eux des parcours tumultueux n’a rien d’extraordinaires la France ou tant de choses vont de travers laisse le choix a une grande majorité d’entre nous de réaliser la vie qu’il souhaite a ou qu’il choisit a condition d’en accepter les conséquences éventuelles sans le reprocher a la collectivité ou à autrui c’est pas gagné !
Merci pour cet excellent et amer constat Ma petite fille titulaire du CAPES est enseignante ….et pense comme vous.
Il faut vite alors qu’elle se reconvertisse mais il y a un peu moins de vacances et un peu plus d’heures de travail et on n’a pas la sécurité de l’emploi.
Malheureusement , il y a eu beaucoup d ‘enseignants à creuser eux-mêmes la tombe de leur beau métier !!
Vu le niveau de la faune des nouveaux français qui fréquentent les établissements scolaires, c est pas des profs qu il faudrait ce sont plutôt des gardes chiourmes rompus au sport de combat qu il faudrait
Bienvenue chez Ubu !
Etre enseignant, était certainement un des plus beaux métiers: transmettre le savoir. A l’heure actuelle, il faut avoir la foi pour embrasser cette mission impossible, dans beaucoup d’endroits.
Sécurité de l’emploi , bon salaire horaire en fonction des heures éffectuées , durée des congés : ceci était vrai il y a des années . Aujourd’hui ,enseigner n’est plus ni un plaisir ni une vocation , sauf dans le privé . La faute à qui et pour qui vote en majorité les enseignants ?
bien vu ! je ne l’aurai pas mieux formulé … on ne récolte que ce qu’on sème, et c’est vrai partout !
Cette personne semble ignorer qu’elle a été nommée dans la fonction publique et qu’elle relève des règles de la fonction publique. Se plaindre de n’avoir pas de contrat de travail relève de la parfaite ignorance du statut des fonctionnaires qui est plutôt protecteur. Tout ce qu’elle dit contribue à casser davantage le statut de la fonction publique. Le recrutement des vacataires est une entorse complète au statut dont elle relève et dont elle ignore le contenu juridique… Ses propos sont teintés de rose. Et malheureusement, on ne récolte que ce que l’on sème.