[Une prof en France] Nouvelle usine à gaz du ministère : les groupes de niveau
D'aucuns se sont réjouis des annonces du Minimoy-ministre temporaire, Gabriel Attal, concernant la création de groupes de niveaux en français et en mathématiques, pour les classes de 6e et de 5e. On reviendrait enfin à la sélection, à la méritocratie, et on entendrait sonner, de très loin et faiblement, mais distinctement quand même, le glas du collège unique. Voire… Ces annonces, de pure communication, ont surtout ajouté un glaçage de stress au gâteau d'anxiété qu'avalent quotidiennement les directeurs de collège. Ma directrice a réuni l'équipe de français et nous a déclaré, désabusée : « On a toujours réussi à s'en sortir… ils enchaînent les réformes mais ne savent pas comment c'est sur le terrain. On fait avec, on va s'adapter, on s'en est sorti jusque-là, on va réussir cette fois encore… » Discours vague… « Réussir » ? Cela ne veut évidemment pas dire faire réussir les élèves, augmenter leur niveau, leur faire apprendre ceci ou cela, non… Cela veut juste dire, dans le langage administratif, « faire en sorte que chaque élève soit à tout moment sous la responsabilité légale d'un adulte référent ». C'est tout. Et c'est déjà énorme, voire infaisable dans la configuration actuelle. On ne se rend pas bien compte, visiblement, en haut lieu, de ce que des groupes de niveaux surimposés simplement à la structure existante, non modifiée, du collège unique, posent comme problèmes logistiques insolubles dans la plupart des établissements. L'ampleur de ces problèmes nous laisse présager que cela ne pourra pas fonctionner… Mais on va le faire quand même. Enfin, quand le nouveau ministre trouvera le temps, entre un plateau télé et une visite humiliante dans une école, de publier un texte officiel qui ait un peu plus de valeur qu'une déclaration sur BFM et qui, surtout, fixe le cadre de cette nouvelle usine à gaz.
D'où vient le souci logistique ? On devra répartir des élèves qu'on ne connaîtra pas en groupes de niveaux. Les élèves venant d'écoles primaires différentes et étant évalués par leurs instituteurs, dont il faut toujours ménager la susceptibilité, il y a fort à penser que de nombreux rééquilibrages seront à faire à la rentrée, lorsque les professeurs de 6e évalueront eux-mêmes ces élèves, rééquilibrages qui rendront chaotique le début d'année des 6e. C'était déjà un problème, cette année, avec la mise en place de la blitz-réforme (durée de vie = un an) de l'aide à la réussite obligatoire organisée en deux groupes de niveaux. Mais c'était juste une heure en plus, cela n'avait que peu d'incidence sur les emplois du temps globaux des classes et, souvent, cela se transformait en vague heure de permanence aménagée en étude surveillée. Inutile, mais gérable.
Mais pour mettre en place leur nouvelle idée de groupes de niveaux sur deux niveaux entiers, pour l'intégralité des heures de français et de mathématiques, il va falloir tout reprogrammer intégralement, et comme le groupe des plus faibles sera plafonné à 15 élèves maximum, le groupe intermédiaire à 24 élèves et le groupe des « forts » à 30, on sera obligé de démultiplier les heures actuelles (une classe normale à 30 demande un enseignant, quand deux groupes à 15 en demandent 2, c'est mathématique). Il nous manque donc des enseignants. Chez nous, tout petit établissement de province accueillant seulement 350 élèves, il va nous manquer 20 heures en français. Donc un professeur.
Évidemment, il peut y avoir un miracle. Par l'effet du sex-appeal de Mme Oudéa-Castéra et de sa communication furieusement efficace, les queues devant les bureaux de recrutement de l'Éducation nationale égaleront peut-être celles des boutiques Apple au matin du lancement du nouvel iPhone et tout ira bien, on trouvera le personnel suffisant pour assurer le fonctionnement de la machine et « mettre un professeur devant chaque élève ». Quand vous n'avez pas assez de professeurs pour prendre en charge des groupes de 30, la solution est évidemment de faire des groupes de 15… C'est d'une logique imparable. Mais rassurez-vous, ça va bien se passer…
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28 commentaires
Les groupes de niveau ont été déjà expérimentés il y a une trentaine d’années et se sont heurtés à la réalité des emplois du temps. Impossible à organiser, une usine à gaz ! Il y avait les classes de techno qui fonctionnaient très bien, trop bien puisqu’elles ont été supprimées, sans doute parce qu’elles étaient trop ségrégatives !
Donc Attal va expérimenter de nouveau groupes de niveau et au bout de deux ou trois ans, on s’apercevra que cela ne fonctionne pas.
Attal aurait dû enseigner le pipeau, il est très bon.
Avant la désastreuse réforme Haby , les élèves étaient orientés dès l’ entrée en 6 ème ; il existait trois filières possibles : C..-E-S , C-E-G ou C-E-T selon les niveaux des élèves ; des passerelles fonctionnaient pour passer , par exemple du C-E-G au C-E-S ; les redoublements étaient assez fréquents surtout en primaire et au collège ; le système fonctionnait bien : la preuve : dans le lycée public que je fréquentais , je côtoyais des enfants de ministre ou d’acteur célèbres .Pourquoi avoir changé ce système qui permettait à des enfants issus de classes populaires de suivre les mêmes études que des enfants de milieux privilégiés ?
On pourrait aussi évaluer le niveau des ministres en leur faisant faire une dictée sur papier, au porte-plume et avec pleins et déliés car il faut que ce soit beau, et des exercices de calcul sans calculatrice. Le résultat serait certainement amusant et instructif.
NON ! Pas amusant, mais triste.
On rejette trop souvent l’opprobre sur le corps enseignant , mais lorsque l’on voit le défilé incessant des ministres successifs arrivant avec leurs idées novatrices et bien souvent leur idéologie propre , ne pas être désarçonné en tant que pédagogues , affolant !!! quand je vois les enseignements que l’on dispense au collège pour mon petit fils je suis effarouché , les cours d’histoire au 1er trimestre de l’année 2023-2024 portant essentiellement sur les religions , et pour couronner le tout un contrôle écrit sur l’islam , avec distinctions des lieux dans une mosquée, connaissance des sourates , etc… ( preuve à l’appui), Est-ce là l’éducation que l’on donne à nos enfants ? Met avis qu’il va falloir plus que du charabia d’une Oudéa Castéra pour redresser la barre.
Que d’ambition…dans le continuum des synergies !
Beaucoup s’en sortent, en effet: démissions, arrêts de travail répétitifs… ou alors présence effective, mais service minimum. J’ai été l’époux d’une institutrice pendant 27 ans, et j’ai suivi son déclin, sa perte de foi progressive en sa mission (période MITTERAND, n’y voyez qu’une coïncidence!).
» Il nous manque donc des enseignants » !! Et bien on prendra des profs d’Anglais pour remplacer ceux de math ou de Français et des profs de math pour enseigner l’Anglais ou le Français. C’est y pas prévu par le ministère ça ?
NON ! Nous ne manquons pas d’enseignants mais d’enseignants compétents.
Bon courage à tout le monde enseignant.
Merci pour cette excellente analyse.CQFD.
Ce qui m’interroge, c’est que le discours permanent des enseignants est sur le manque de personnel, étrange dans un pays qui dépense le plus pour son instruction publique, si on remettait les professeurs détachés devant les élèves, cela ferait au moins 40000 enseignants en plus, et comble de bonheur ils ne seraient plus au repos dans les locaux des académies ou des syndicats.
Et si ont refaisait des classes de 40 à 45 élèves comme j’en ai connu. Classes où personne e ne brochait.
Des mesures ingérables qui ne servent à rien . Depuis trop longtemps ils détruisent l’école et ç ne s’arrange pas . Seule solution faudra les virer pour que ça change enfin .
La VRAIE question: « Ca » fait combien de temps que cette administration est devenue une succursale du wokisme ou de l’entrisme islamique ? … Le « mammouth » est à l’agonie depuis des décennies mais seul « la sécurité de l’emploi » et maintenant l’idéologie des « déconstruits » gangrène de plus en plus tous les niveaux scolaires ! …
Les « responsables » en sont même à faire « portes ouvertes » à toutes sorte d’associations s’auto proclamant « progressistes et inclusives » ! … Là aussi, le karcher démocratique ne suffira pas § … La décadence est en accélération de façon exponentielle et le tempo est donné par le plus venimeux des « dirigeants » que la France ait eue à sa tête depuis que la France est « FRANCE » ! …
Désolé mais ce système, je l’ai déjà vécu en collège en 1987. Groupes de niveau pour les 3 matières math, français, Histoire géo. Donc pour constituer une classe, on s’évertuait à mélanger tout les élèves, collège unique oblige. Puis on prenait 3 classes dont on alignait les emplois du temps pour qu’elles aient math le même jour à la même heure. Pareil pour français et histoire géo. Cela rendait les emplois du temps insolubles. Un élève était sensé pouvoir changer de groupe, ce qui ne se produisait jamais. Mon collège avait la chance d’avoir des classes dédoublées en sciences. En EPS filles et garçons étaient séparés. A l’arrivée, seuls les profs de musique et d’art plastique voyaient la totalité de la classe telle qu’elle avait été constituée alors qu’il aurait été si simple de faire des classes homogènes dès le départ. Quand un élève est bon, en général il est bon dans toutes les matières.
Personnellement, j’ai craqué en 2016 avec Najat à la veille de la retraite. Plus personne ne comprenait rien. Voir le sketch de Nicole Ferroni.
Oui, on l’a déjà tenté et on sait que ça ne marche pas parce que déjà on n’arrive pas concrètement à le mettre en place. Mais on rejoue quand même, et les media se félicitent de cette fausse bonne idée ! Les gens ont la mémoire courte et sélective.
Oui, il suffit d’éteindre les voyants…. (signé: Petypoi)
Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris. Dans mon esprit, « retour des groupes de niveaux » ça veut dire (comme de mon temps) qu’au lieu de mélanger tous les élèves dans une classe (c’est à dire des bons avec des moyens et des nuls), ils seraient regroupés (les bons ensembles, les moyens ensembles et les nuls ensembles), mais sans changer le nombre total de classes. La seule différence, serait le professeur qui saurait s’adapter au niveau des élèves qu’il a en face de lui, quitte à être plus particulièrement attentif lorsqu’il est avec les moins bons en usant d’une pédagogie différente.
C’est l’art de l’enfumage du gouvernement : ils disent groupes de niveaux et tout le monde comprend classes de niveaux, parce que c’est ce que les gens espèrent. Mais ce n’est pas la même chose. On reste dans le cadre du collège unique. Les groupes seront juste pour le français et les maths, et les élèves reviendront dans leurs classes « normales », c’est-à-dire hétérogènes, pour toutes les autres matières. Comme ça se fait au lycée avec les spécialités, en quelque sorte. Donc un grand bazar, et un casse-tête pour l’organisation. Les 6e vont être perdus. Et les groupes doivent être alignés – on dit en barrette dans le jardin EN – car en théorie les élèves vont pouvoir changer de groupe car ils doivent s’améliorer, ou rétrograder… Dans la pratique ça va être compliqué… Cela n’a absolument rien à voir avec des classes de niveau différent. Ça obligera aussi tous les profs de 6e à suivre exactement la même progression – donc plein de réunions en perspective. Et si un collège a par exemple 6 classes de 6e à 30 élèves, ça fera au moins 9 groupes, vu que certains seront à 15 élèves maximum et d’autres à 25. Un micmac pas possible en vue, et surtout : on mettra quels profs devant ces groupes, vu qu’il en manque déjà beaucoup ? Ça sent les cours en visio à partir des plateformes en ligne… Ils annoncent comme d’hab une réforme « à moyens constants ». Ça veut dire pas de recrutement supplémentaire prévu. De toute façon il n’y a déjà personne…
Tout à fait en accord avec vous
Normalement, on ne devrait pas « monter » d’une classe si l’on n’est pas de niveau. Le redoublement ne doit pas être vécu comme une « punition ». C’est déjà çà qu’il faut accepter et mettre dans la tête des élèves et parents. Les élèves qui n’ont pas le niveau ne devraient pas être un frein pour l’ensemble de la classe. Je pense que les enseignants ont suffisamment de congés pour faire quelques heures de rattrapage aux enfants en difficulté. Mais tout cela demande une certaine organisation. Quand on veut, on peut.
Tout dans ce gouvernement et ce depuis l’an de grâce 2017 démontre de l’amateurisme. Tout change, pour que rien ne change et le verbe a remplacé l’action. Tous les indicateurs sont au rouge, mais le capitaine s’amuse et fonce dans le brouillard sur une mer semée d’embûches. En juin prochain s’ouvre l’opportunité de dire « stop » au capitaine. Osons espérer que nous saurons nombreux à la saisir.