[Une prof en France] Perles du brevet : en rire ou en pleurer ?

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Les traditionnelles perles du bac ou du brevet… On en rit chaque année, et une journaliste a même pu écrire, dans un article : « On aurait presque envie de devenir professeur pour pouvoir rire avant tout le monde ! » Mais qu'ils deviennent professeur, il y a des places à prendre ! Toutefois, je ne suis pas sûre qu'ils sortiront des corrections hilares. Même si je suis une lectrice de Rabelais et que, comme Beaumarchais, « je me presse de rire de tout, de peur d'avoir à en pleurer », j'avoue que je suis de plus en plus scandalisée par ce que je lis, ou horrifiée, ou désespérée, en tout cas plus vraiment amusée. Je vous laisse donner votre avis dans les commentaires qui sont toujours un lieu d'échange intéressant.

Plusieurs points ressortent. D'abord, la pauvreté dramatique du vocabulaire de ces candidats et leur absence inquiétante de maîtrise de la syntaxe du français, ce qui rend toute communication difficile. Ensuite, leur inculture crasse : ils n'ont aucune idée du rôle d'une infirmière de guerre et ils la font, pour la plupart d'entre eux, participer activement aux combats, voire dézinguer des hordes d'ennemis en mode Call of Duty ou World War Z, à grands coups d'arme automatique. Cela laisse rêveur. Harmonie et joie seront la marque de la société de demain. Dans tous les cas, nos jeunes vont devoir développer rapidement un certain nombre de compétences de base quand ils seront sortis des griffes de l'Éducation nationale.

Le sujet invitait les candidats à raconter l'accident par lequel Marguerite, infirmière durant la Première Guerre mondiale, a été défigurée et a perdu l'ouïe. Ils devaient aussi réfléchir aux raisons pour lesquelles elle s'était engagée au service des autres.

Voici ce qu'ils ont écrit. Toutes les citations viennent de copies différentes, appartenant toutes au lot que j'avais à corriger. Mes collègues ont lu à peu près la même chose, sauf quelques-uns qui semblaient avoir de meilleurs lots.

« Je vit des hommes sautées par la puissance des obus ; des membres de leur corps se décrochait tel une fleur lorsqu'on enlève ces pétales. J'était à la recherche d'un corps encore en vie, là je vois un homme tombait devant moi, je cours, le retourne sur le dos, je vois qui lui manque un avant bras alors je lui demande où est-ce qu'il l'avait perdu il me pointait du doigt où était son avant bras alors je cours et je le récupère. »

« Je rentra dans la tranché et vu un camarade au sol mort je pris sont fusil le charga et alla le venger, je me coucha au sol à côté d'une pile de soldat mort puis j'attendait qu'une personne passe. 3 jours plus tard j'ai tiré sur plus de 200 personne et je me senti mal donc je me reposa dans les tranché sautéraine puis après une petite heure de repos je decide de re aller au combat mais cette fois-ci je prenna une mitrailleuse et tira sur les maison ennemi. »

« Tous a couvert !!! dit Ulisse, sauf que Marguerite n'entends pas, Penanster n'a pas eu le temps de lui dire en langue des signes. Marguerite prena une balle entre les deux yeux et tomba au sol, Weil et Penanster cri : "Couvrez nous, Marguerite c'est pris une balle y faux qu'on aille a l'infirmerie vite !!" Arriver a l'infirmerie Marguerite fût un très gros dodo et parta au paradie… »

« Puis à des moments j'aller a l'hopital pour les aidé a soignée les soldats, il avait beaucoup de soldats brulée ou il leur manquait un bras, une jambe. Il en avait même qui était sourre ou qu'il avait qu'un seule yeux. »

« Je suis obliger de sauter tout les 10 mètre ou même de les evite mais avec les quelconque balle d'arme qui saute de partout je pouvait m'en prendre une et finir par mourrir et c'es pas ce qu'il faut ni perdre la vie. »

« J'espère sortir de cette zone et sortir en entière, car je tourne ma tête a droite il y a pas de sortie a gauche la même devant rien du tout plus j'avance plus j'ai peur de me faire mal. proche de la fin de la zone je me prend une grosse deflegation puis trou noir je me retrouve sur un lit je trouve sa bizarre que je n'entend plus rien… la guerre finit ? combien de temp je suis là ? »

« Les gueule cassée son enormement J'en voit plein je tourne ma tête de chaque coté et il y a que sa la guerre, cela me fait mal je voit plein d'amis ou de proche combattre pour notre france et cela et normale mais me dire qui revient peut etre jamais ou qui seront pas entier cela et du a l'imaginer, si j'avais les droit pour combattre, je le ferait. »

On leur demandait aussi de décomposer l'adjectif « insupportable » et d'en donner la signification. Voici la proposition d'un candidat : « Une chose qu'on ne supporte plus et qu'on en a marre ». Un autre : « Le sens du mot insupportable est que la situation devient chiante, c'est nul, on ne veut plus rester dans la situation. »

Une description d'image ? « Oui, l'image reflète bien le texte car on y voit deux personnes blessées, un en habit de guerre et l'autre en tenue d'infirmière. On voit le paysage derrière où ça à l'air d'être le bordel… » Il avait pourtant presque une bonne orthographe, celui-là…

Une dernière, pour fêter l'arrivée des vacances. Dans le texte, le visage de Marguerite était comparé à un « parterre de roses dévasté ». On leur demandait d'expliquer l'image : « La figure de style dans cette phrase est un poème elle est particulièrement adaptée pour décrire le visage de Marguerite car Marguerite est une fleur. » C'est mignon, quand même…

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

82 commentaires

  1. Quelle importance ? Pour pédaler avec un sac isotherme sur le dos, ne suffit-il pas de pouvoir déchiffrer les noms de rues et de lire des numéros ? Ce sont nos « élites » qui doivent se réjouir. Il suffira à leur progéniture de ne faire une faute que tous les 5 mots pour conserver leur supériorité vis à vis des « sans-dents ».

  2. Otez-moi d’un doute…S’agit-il vraiment de corrections du brevet, c’est à dire d’élèves de 14-15 ans ? On pourrait penser à des enfants de CE2, et encore… Dire que nos grands-parents passaient le « simple » certificat d’études au même âge et maîtrisaient la langue française !

    • Le certificat d’études primaires a été supprimé en 1970. Heureusement, ou malheureusement, car la cohorte de bachelier aurait fondu de moitié ! La somme du capital des connaissances a été également répartie et a donc a chuté de moitié.

    • A croire, mesdames et messieurs, que vous n’allez jamais sur les réseaux dits sociaux. C’est l’écriture de base des jeunes, ou moins jeunes, quand ils n’écrivent pas en langage SMS. Quant à leurs références, c’est évidemment les jeux vidéos, le cinéma ou les séries netflix. Dés lors, il ne faut pas s’étonner de cette inculture.

  3. J’ai bientôt 79 ans, je me targue d’encore écrire dans un français convenable; mais je le dois plus à mes parents (officier de Police, employée de commerce) qu’à l’Éducation Nationale, pourtant des années 50! Décalage déjà à cette époque, leur époque, où l’orthographe et la grammaire avaient un caractère obligatoire sans compromis…

  4. Il y a de vrais perles prouvant le niveau de culture de notre jeunesse et vous les trouverez chaque jour dans l’émission phare de TF1, les douze coups de midi.

    • Cette semaine en Belgique, le présentateur de la télé officielle publique subventionnée annonce un « Comte de Monte-Christo » écrit par Victor Hugo….

  5. Lors des premières émissions de TV, les journalistes expliquaient que nous serions cultivés grâce à cet outil et j’y ai cru . Aujourd’hui rares sont les présentateurs parlant un français correct. Une jeu de la méridienne est tenu par un homme plutôt sympathique mais aucun enseignant ne lui a jamais expliqué que le E Muet est le secret de notre langue, si bien qu’il « dégueule » les phrases finissant par cette lettre . . . est il est applaudi .

  6. Un grand merci aux professeurs de l’Education Nationale qui formattent les élèves avant de les instruire.

    • Si il leurs avait été demandé de parler de leur fond de culotte, ils auraient surement été plus disert. L’encouragement à la perversité prend beaucoup de temps sur les matières de base, maths et Français.

  7. Un jour, j’ai trouvé : « je me retournis et je l’apercevus »…
    Le problème vient du manque de travail systématique sur les conjugaisons et la haine du par cœur, jugé réactionnaire…

  8. Pas d’inquiétude pour l’avenir de ces chérubins , le peuple souverain vient d’en envoyer des cohortes à l’AN .

  9. Quand on compare aves les lettres écrites par les jeunes poilus de 14_18, on se rend compte de ce qu’on a perdu.

    • Sujet intéressant pour de prochaines épreuves au bac, ou au DNB. Comparaison entre un texte de jeunes poilus de 14-18, et un texte de ces jeunes de notre époque. Vraiment, le nivellement par le bas va en deçà du fond. Comment faire pour que nos enfants aient vraiment conscience de ce qui se passe ? Les parents vieillissants sont en plein désarroi !

    • Je me répète.une fous de plus , ma grand mère qui aurait 124 ans aujourd’hui allait à l’école a pied depuis le ferme familiale après les travaux du matin, nourriture des volailles, traité des vaches et j’en passe. Cerificat d’étude a 13 ans, ellr écrivait encore à 80 ans sans une faute d’orthographe. Que sommes nous devenus.

      • Et je suppose qu’elle connaissait tous ses départements avec Chefs lieux et sous préfectures, les principaux fleuves et leurs affluents que dans ses écrits, mêmes dans ses lettres on retrouvait une introduction, une démonstration on une explication et une conclusion… Elle savait aussi sans doute calculer de tête pour l’essentiel des besoins de la vie.Mais, jusqu’en 46 je crois, elle n’avait pas le droit de vote ! Maintenant, c’est à 18 ans et sans rien connaître à rien pour bon nombre d’entre eux. Heureusement, subsistent encore des jeunes qui aiment la culture, les langues, qui réfléchissent, partent dans les université étrangères et reviennent pour assumer des postes aurement importants que ceux de nos énarques (ou quelque soit son nouveau nom) ou encore Science Po. Imaginez qu’un Hollande qui a enseigné la finance dans cette école s’est permis de dire « ça coûte (il manque déjà le « ne ») pas cher, c’est l’Etat qui paye ! Alors à ce niveau, même le caniveau est plus haut !

      • C’était une époque où il y avait le goût et/ou la résignation de l’effort. Si tu ne peux pas te débrouiller seul personne ne sera là pour t’aider ou le faire à ta place.
        Aujourd’hui, quel intérêt d’apprendre puisque le principal est de se faire comprendre.
        De plus, si tu ne sais pas, internet est là pour te le dire. Et tant pis si ça fait 10 fois que tu cherches la même information en une semaine… et que tu ne comprends toujours pas parce qu’ils te manquent les bases.
        Et en parallèle, l’usage des écrans fait beaucoup de tort à la capacité de concentration, des enfants et de la notre, ce qui n’aide en rien à apprendre.

  10. J’ai une violente envie de corriger ces fautes d’orthographe et de grammaire.
    Aller madame, se sont les vacances, bon repos.

  11. Je ne pensais pas que c’était aussi horrible ! « je rentra, je me coucha »… cet élève-là m’a l’air très inspiré par Renaud ! « Dès que le vent soufflera, je repartira… ». J’ai ri, forcément, puisque je n’y suis pas confrontée dans ma vie, mais je vous plains sincèrement. Il doit falloir un certain courage — pour ne pas dire un courage certain — pour y aller tous les jours.

    • « Le peinturier a bien peinté » .
      Le peintre a fait un bon travail , quoi .
      Vous avez raison Madame , on rit bien mais ce n’est pas franchement drôle.

  12. Plutôt de quoi pleurer , ces jeunes sont censés être l’avenir de ce pays , c’est mal barré . Les entreprises ont du souci à se faire . Mais tout ça est voulu par nos élus qui depuis trop longtemps ont détruit l’école .

    • j’ai 60 ans passé … Je viens de faire « un entretien d’embauche » … La première chose qui a « accroché » l’attention du recruteur : moins de trois fautes dans la lettre de « motivation » ! …
      J’ai présenté mes excuses … ce qui l’a fait sourire ! … Sauf que je ne suis pas « embauché » à cause ? ! … de mon âge ! …

      • La faute, à la base, revient à l’Éducation nationale qui avait instauré l’écriture inclusive il y a pas mal d’années. Les pauvres élèves n’y comprenaient rien, et l’orthographe en a pris un sacré coup ! Et peut-être que, de fil en aiguille, l’orthographe a fini par se perdre dans tout ce fatras.

  13. Je salue, Madame, votre dévouement qui tient lieu de sacerdoce, au point où nous en sommes rendus.

    Dans ce florilège, je retiens « Je rentra ».

    J’arrive encore à rire de cette pathétique naïveté à croire maîtriser un passé simple qui est désormais du registre de la science-fiction.

    Le temps n’est pourtant plus à rire.

    • Moi j’aime bien « je prenna » et sa variante « il prena ». Et la scène avec le blessé qui montre du doigt l’endroit où on pourra retrouver son avant-bras… Digne des Monty Python ou d’un vieux film avec Gérard Jugnot, Darmon et consorts, intitulé « Sans peur et sans reproche ». Mais je crains que les élèves n’aient été sérieux…

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