[Une prof en France] Portrait d’une école différente : Tzama

Capture d'écran Tzama
Capture d'écran Tzama

Les vacances étant arrivées, je n'aurai plus guère d'anecdotes à vous raconter, et dans le chaos politique qui a gagné la France, l'école ne semble pas près de remonter dans la liste des innombrables « priorités » que se fixent nos dirigeants, au premier rang desquelles trône visiblement leur propre carrière.

Forte de ce constat, je me suis dit que nous pourrions parcourir ensemble les chemins des écoles différentes, et les sentiers de l'Histoire. Des écoles qui fonctionnent, quel que soit le modèle qu'elles se sont choisi, il y en a en France, et nous pourrions aller à leur rencontre. Nous pourrions aussi tourner nos regards vers le passé et aller consulter quelques grands pédagogues de la Renaissance au XXe siècle, pour réfléchir à leurs propositions.

Pour ouvrir cette séquence estivale, allons donc nous promener sur les bords du Rhin, dans ce Grand Est à l'identité forte et au climat contrasté. Une petite école y tente, depuis 2021, une expérimentation fort intéressante. Elle se nomme Tzama, mot dont l'origine est à chercher du côté de l'alsacien et signifie « ensemble ». Sans mièvrerie, ce nom résume une partie du programme de l'équipe qui a monté l'école : les uns avec les autres, les uns pour les autres, et chacun en communion avec la nature.

La pédagogie choisie est mixte et mêle les pédagogies actives (Montessori, Freinet…) et les apports des écoles de la forêt. Une des spécificités de l'école est, en effet, que les élèves passent 50 % de leur temps en extérieur. L'idée est de se reconnecter avec la nature, dans l'esprit du mouvement 8 Schields de Jon Young, qui connaît un grand succès aux États-Unis depuis la fin des années 60. Les maîtres mots de l'école sont bienveillance, autonomie, entraide et partage, joie et nature.

Le lundi commence par une distribution des tâches et l'élaboration des objectifs de la semaine, pour renforcer « la responsabilisation des enfants et la mise en pratique de compétences transversales dans la bienveillance et la coopération », selon la charte de l'école. Et la semaine se termine par un conseil animé par les enfants eux-mêmes, au cours duquel « ils apprennent à argumenter, exprimer un point de vue, et à écouter des opinions divergentes ».

Comme dans la pédagogie scoute, qui est assez comparable à ce qui se fait dans les écoles de la nature et dans les mouvements proches de l'esprit 8 Schields, l'autonomie est essentielle et fortement encouragée : l'enfant doit d'abord chercher seul les solutions aux problèmes qui s'offrent à lui, puis se tourner vers la coopération entre pairs et, en dernier recours, s'adresser à l'adulte. Pour que cela soit possible, la pédagogie de projet est privilégiée. S'appuyant sur une phrase de Confucius « J’entends et j’oublie, je vois et je me souviens, je fais et je comprends » et sur les recherches en neurosciences - qui ne font que confirmer ce que l'expérience nous apprend… - rappelant qu'on ne retient que 10 % de ce qu'on entend, contre 90 % de ce que l'on fait, les élèves sont engagés dans des projets qu'ils doivent ensuite restituer devant le groupe.

Les apprentissages théoriques ne sont pas négligés et chaque élève a une feuille de route qu'il doit suivre pour assurer sa progression individuelle, et un « cahier de réussites » qui lui permet de savoir où il en est dans ses apprentissages et ce qu'il doit améliorer. Dans l'esprit des enseignants, « les plans de travail individuels atténuent la compétition, puisqu’ils sont tous différents. Ceci étant, les enfants voient aussi ce que font leurs camarades et cela peut apporter une stimulation supplémentaire » : on retrouve donc l'émulation positive que tous les systèmes éducatifs anciens tâchaient de mettre en place, et qu'une simple compétition-exclusion a souvent remplacée avant d'être elle-même détrônée par un égalitarisme stérilisant et jaloux.

Enfin, la dernière particularité de cette école est le tri-linguisme : les apprentissages se font indifféremment en français, en anglais et en allemand, les trois langues étant pratiquées chaque jour par les enfants et les différents intervenants qui les encadrent.

Que l'on adhère ou pas à cette vision de l'éducation, force est de constater qu'elle est intéressante et qu'elle apporte des réponses réfléchies à de nombreuses questions que se posent les parents soucieux de l'épanouissement global de leur enfant, à la fois intellectuel, moral et physique.

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

26 commentaires

  1. De combien d’hectares faudrait t-il agrandir le territoire européen/français pour que chaque enfant puisse bénéficier d’un tel espace, libre d’autoroute, de HLM, de zone de stockage ? Où pêcher tant de bienveillance parmi les adultes en domination. Je suis né en 1949 : à l’école c’est tout juste si on ne marchait pas au pas. J’étais un très bon élève. Je me souviens : Il y avait aussi la carotte et le bâton. Quant aux symboliques têtes blondes d’antan, je recommande un comptage après visite chez l’opticien

  2. « Socio-constructivisme au centre des apprentissages », on se croirait à l’époque bénie des IUFM ! Cette pédagogie du projet fonctionne dès lors qu’on a fait le tri des petites têtes blondes. Essayez donc d’en faire l’expérience à la Cité du luth de Gennevilliers !

  3. Ma regrettée épouse institutrice, décédée avant sa fin de carrière, a débuté celle-ci en suivant son instinct, à l’écoute des ses élèves, menant sa classe avec prévenance et autorité (ce qui n’est pas antonyme), déplaçant parfois son bureau au fond de la salle, écrivant au tableau en début d’année « on ne travaille bien que dans la joie »… Puis, les différentes et contradictoires conférences pédagogiques, les circulaires ineptes et nombreuses, les politiques d’orientations directoriales, les parents d’élèves montant venant assiéger ces lieux saints, l’Éducation Nationale en bref… ont eu raison de son idéal pédagogique non idéologique. Quand la maladie l’a atteinte, elle n’assurait plus que des heures de présence pour justifier son salaire.

  4. Il y a quelques meneurs de la gauche qui devraient y faire un stage, ce sera salutaire pour la vie de tous les jours. Imaginez un personnage méchant et con qui devrait passer une semaine dans cette école…

  5. Mes enfants ont été scolarisés durant leur cursus primaire dans une classe unique à 5 niveaux. Du coup ils ont spontanément appris à être autonomes et à s’entraider entre élèves. Mais bon, notre maire soutient à Macron a laissé tranquillement fermer cette école. Maintenant les enfants sont trimballés et répartis dans plusieurs écoles du secteur, pas en fonction de l’intérêt des enfants mais en fonction du nombre de place dans les différentes écoles des villages alentours. Les enfants du village ne se retrouvent même plus dans le même établissement, voire dans le même bus. Encore une mesure géniale pour assurer la cohésion style Macon.

  6. Dans certaines écoles à l’étranger la préparation au BAC international ressemble un peu à cette méthode, des élèves qui arrivent sans vraiment avoir de connaissance en anglais finissent l’année en parlant parfaitement l’anglais sans avoir pris de retard scolaire puisque les cours sont faits en anglais. Dans les matières enseignées il y a plusieurs niveau en fonction des besoins qu’on aura dans le futur suivant l’orientation scolaire qu’on veut suivre et il y a moins de matières mais celles enseignées sont de plus haut niveau qu’en France. Mais en France il ne faut surtout rien changé parce que ça dérange les profs qui devraient se remettre en question. Etudiant je n’étais pas bon en maths, puis on me demande de faire des cours de maths, je me remets dans les bouquins et je me dis mais c’est facile pourquoi on ne m’a pas expliqué ceci et cela de telle manière, parce que le prof enseignait depuis 30 ans qu’il faisait le même cours et qu’ils ne cherchait pas à savoir pourquoi sa classe était si nulle, quant à mes élèves ils n’ont jamais eu de difficultés. Une anecdote mais il faut se replonger dans les années 50 Le directeur vient rendre les bulletins scolaires et là c’est la Berezina, alors ils nous dit que nous sommes nuls, qu’il n’a jamais vu une classe comme ça, et, un élève lève la main et lui dit naïvement : »Monsieur le Directeur nous ne sommes pas plus c.. que les autres, ça ne viendrait pas des professeurs » à méditer

  7. Je modérerais votre enthousiasme pour le pédagogue Célestin Freinet qui était communiste et voici ce que sa femme écrivait sur lui : « Dans sa classe, il porte l’accent sur le matérialisme scolaire qui restera le souci de toute sa vie ».

  8. Le scoutisme est un très belle formule pour apprendre à se prendre en charge, à entreprendre et pour aussi pratiquer une solidarité concrète. L’école est faîte pour enseigner et non pour éduquer ou RÉÉDUQUER à quelque idéologie que ce soit.

    • Oui, en total accord avec vous. Habituellement, nous recevons un groupe de scouts (louveteaux et guides pour notre part), régulièrement, à cette époque. Un dîner, une douche, et une nuit (où ils se partagent les chambres de nos enfants en dormant sur les tapis ou sur le lit dans leurs duvets), et un petit déjeuner après lequel ils partent, à pieds vers la destination suivante. Cette année, pour des raisons familiales, nous ne pouvons pas les recevoir. Dommage car nous faisons des rencontres superbes, avec des enfants (louveteaux ) et des jeunes adolescentes (guides) qui nous réconfortent sur la jeunesse actuelle.

  9. Je trouve que ça fait un peu secte cette école, genre « Temple solaire », et je n’y aurais pas mis mes enfants

  10. Les Français en majorités avaient choisi le renouveau, ceux qui n’ont pour la plus part d’entre eux jamais gouvernés sauf que nous sommes dans un pays très remarquable où les magouilleurs politiques tiennent le haut du faussé mettant la population dépourvue en bas alors qu’elle chois le contraire. C’est part un ancien premier ministre, la France d’en haut, il savait ce qu’il disait.

  11. Je n’ai rien contre les longues promenades en forêt, bien au contraire, mais comment fait-on quand on habite à la Courneuve ou à Saint-Denis (93) ? Par ailleurs, l’article n’aborde pas l’enseignement des connaissances fondamentales (lecture, calcul, etc.) Un oubli ? Encore une petite question … j’aimerais connaitre le nombre d’enfants accueillis dans ce type d’établissement. En banlieue, les établissements gèrent plusieurs centaines d’élèves chaque jour, parmi lesquels on recense de nombreux cas difficiles (et c’est un euphémisme). Je ne suis pas certain que ces écoles « magiques » affrontent les mêmes problèmes. J’ai un peu l’impression qu’on compare le petit artisan du coin qui travaille dans son atelier avec un apprenti avec une grosse usine robotisée qui produit à la chaîne. Ces méthodes, si séduisantes soient-elles me semblent difficilement applicables à très grande échelle et encore moins dans nos fameux « quartiers sensibles » où les gamins arrivent habillés à l’afghane, avec la tête farcie de propagande moyenâgeuse. Mais je peux me tromper.

    • Oui, ce genre d’enseignement ne peut être adapté qu’à des gens civilisés et éduqués, quant à la Courneuve, il y a quand même un parc.

    • « comment fait-on quand on habite à la Courneuve ou à Saint-Denis (93) ? ». Certe, je suis une dinosaure ! . Mais lorsque j’avais 4 ans, j’allais en Centre aéré à la Courneuve (ma mère m’a dit le lieu) pendant les vacances. Il y avait des fermes, des chèvres et des moutons. J’aimais beaucoup, au point qu’il me reste des images de cet endroit magnifique. Lorsque je passe sur l’autoroute qui longe ladite Courneuve, je me demande toujours où pouvait bien être ce Centre aéré.

  12. Ayant commencé à aller à l’école en 1944, j’ai appris que le savoir se transmet, ce que j’ai essayé de faire pendant plus de 30 ans avec mes étudiants carabins, aujourd’hui la mode mise en place par les pédagogistes est centrée sur le tout enfant, on en voit les résultats. Un de mes Maîtres disait que la meilleure réforme pour l’enseignement soit que: les enseignants enseignent et que les étudiants étudient, on en est loin.

  13. Ça donne envie ! C’est un système qu’il faudrait développer en France pour permettre aux enfants d’utiliser leurs ressources personnelles et stimuler leur inventivité. Et qu’elle sérénité !

    • Super, mais je ne pense pas que ce système d’enseignement convienne à tous les profils d’enfants…il leur faut -à mon avis-certaines prédispositions et une ouverture d’esprit que tous ne possèdent pas au même nveau… Par contre en école privée je crois que ce serait une bonne idée…

      • Entièrement d’accord ! Ce type d’enseignement est adapté à des enfants d’une intelligence un peu au-dessus de la normale, qui ont déjà en eux le besoin de créer.

  14. Ces écoles contibuent à l’épanouissement des enfants dans un cadre serein . Aujourd’hui tout est bon pour éviter de mettre nos petits dans ces écoles publiques . Le niveau est en baisse , il y règne l’insécurité , on y fait intervenir des gens qui n’y ont pas leur place et pour les parents qui travaillent beaucoup coûtent plus chères que les écoles privées puisqu’ils paient ( souvent trop cher ) en fonction de leurs revenus , une injustice sociale supplémentaire pour les honnêtres travailleurs . Et une école privée alsacienne ne peut qu’être bonne (c’est mon côté chauviniste qui parle ).

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