[Une prof en France] Un permis de conduire orwellien ?

Les candidats à l'examen du Code de la route échouent car ils ne comprennent plus les questions.
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Dans 1984, Orwell préconisait, si l'on voulait instaurer une dictature incontestée, de simplifier le langage, ce qui ôtait à la population sa capacité à développer une pensée libre. Car la langue étend le domaine de la pensée, alors que la diminution du vocabulaire le réduit. L'Éducation nationale semble avoir réussi en partie à atteindre cet objectif, mais on découvre que la Délégation interministérielle à la Sécurité routière vient de se porter en renfort. En effet, les questions posées aux candidats à l'examen du « code », comme on dit, ont été entièrement revues, et la nouvelle mouture a été élaborée avec l'aide d'un « professionnel de la simplification du langage » afin d'être « plus claire » et « plus intelligible ».

Ça existe, un professionnel de la simplification du langage ? On fait des études, pour ça ? Il y a un diplôme ? Une petite recherche sur Internet nous fait trouver de nombreux projets de simplification du langage… administratif. Qui a échangé avec un agent des impôts pour remplir une déclaration, quelle qu'elle soit, conçoit qu'une telle simplification puisse fluidifier les échanges. Mais les questions du Code de la route ont toujours été rédigées dans un langage courant, ce ne sont pas des énoncés techniques. Cette nouvelle réforme induit donc à penser que les candidats à l'examen du Code de la route échouent car ils ne comprennent plus les questions qui leur sont posées. Triste constat qui ne vient que confirmer ce que tout le monde sait déjà, à savoir que la jeune génération ne comprend plus ce qu'on lui dit. Les enseignants le savent : nous devenons des experts en reformulation et en synonymes. Le problème est qu'un énoncé simplifié n'est évidemment jamais équivalent à son original plus complexe et que la grande perdante, dans tout cela, c'est la pensée.

En quoi consiste donc cette simplification ? La Dépêche nous apprend que « les termes complexes sont retirés des questions ». Radio France évoque, de son côté, la suppression des « énoncés à rallonge » et des « phrases négatives » et l'utilisation d'un « vocabulaire simple ». On s'approche du « plus bon » et du « double plus bon » d'Orwell, si même les énoncés négatifs sont maintenant considérés comme susceptibles de créer la confusion dans l'esprit du lecteur.

Pour l'examen du code, on double l'énoncé écrit par son enregistrement audio, dont les candidats prennent connaissance grâce à des écouteurs reliés à leur tablette. C'est donc la machine qui lit les questions. De toute façon, bientôt, ce sera aussi la machine qui conduira, la situation se simplifiera donc autant que le vocabulaire des candidats.

Quand on lit les fiches de présentation que mes élèves de 3e ont remplies à la rentrée, on comprend qu'au déficit de vocabulaire s'ajoute un rapport déficient à l'écrit. Je leur ai demandé d'indiquer sur la fiche la profession de leurs parents. Plusieurs élèves m'ont demandé la signification du terme « profession ». Ils ont 14 ans… L'un a un père « carleur », les parents d'un autre sont « restorateur et vétérinère », ceux de son camarade sont « contable et informaticiéne » tandis que le père de sa voisine travaille dans la « massonerie ». Et comme je leur ai demandé ce qu'ils voulaient faire plus tard, un élève a écrit vouloir devenir « archithéqute ». À l'oral, cela passe à peu près…

La société devra faire une place à ces futurs adultes dont on n'a pas développé l'intelligence de la main, auxquels on n'a transmis ni syntaxe ni vocabulaire et dont le comportement ne respecte pas toujours les règles traditionnelles de respect et de courtoisie.

Le taux de réussite au code avoisine les 50 %. Maintenant qu'on a enlevé les phrases de plus de cinq mots et les mots de plus de trois syllabes, on pourra peut-être, comme pour le baccalauréat, atteindre enfin des taux de réussite de plus de 80 %.

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

47 commentaires

  1. J’ai vu aussi des sujets d’examen mieux rédigés, les réponses étaient données dans la question et encore certains ne trouvaient pas la bonne réponse, cela n’avait pas l’air de choquer les enseignants.

  2. Un code de la route idiot qui n’apprends plus le code réel fait par d’ignobles fonctionnaires parisiens à côté de la plaque, peut-être idéologues, qui ,’ont pas besoin de voiture mais surtout imbéciles ce dont la République en a le secret. C’est le même problème que les migrants et des autres domaines de la vie que l’on pourrie aux Français.

  3. Avec le BAC « distribué » d’aujourd’hui, on lance dans les universités des étudiants qui perdent pied au bout de 3 mois. Avec le nouveau code on lâchera sur les routes des conducteurs lobotomiseés qui viendront grossir les statistiques des accidents… Alors on décrètera des limites de vitesse à 50 kms/h sur les Autoroutes « pour sauver des vies »…

  4. Après ça on s’étonne que, avant d’avoir le permis de conduire, quand ils/elles sont sur leur trottinettes électriques, ils/elles font n’importe quoi, et sont de réels dangers !
    Ça promet les drames de famille lorsque les policiers ou gendarmes devront sonner à des portes le dimanche matin !

  5. Il n’y a pas de pensées sans langage. Aussitôt que ce dernier est abrégé, la pensée l’est autant à proportion.
    Plus l’on dispose de vocabulaire, plus on peut en exprimer la richesse de sa pensée. (Olivier de Kersauson)

  6. Les gros 4×4 gloutons ont d’autant plus d’aveniR qu’avec de telles lumières au volant se déplacer en petite citadine va s’aparrenter à la roulette russe

  7. Décidément il y a bien plusieurs France !
    Ma petite fille a 7 ans et je suis toujours (positivement) effaré par la qualité du vocabulaire qu’elle utilise et la syntaxe de ses phrases ainsi que de ses remarques appropriées…
    Mes neveux c’est pareil, mes petits voisins c’est pareil et tant d’autres !
    Les parents ne sont sans doute pas étrangers à cela ou alors c’est le fait de la province…

  8. Dans les écoles, quand les enseignants utilisent un mot sortis des 200 courants, surtout à plus de deux syllabes, il y a toujours un parent qui vient se plaindre d’avoir été insulté. SUrtout ceux d’origine étrangère si le mot ressemble à un mot de chez eux… Et le prof doit s’excuser et simplifier.

  9. Une question à côté, pourquoi demander aux élèves de remplir la profession des parents ? Quel est le but, l’utilité ?

    • J’ai bien peur que le problème du code de la route nouvelle mouture ne s’arrête pas à un problème de vocabulaire et de compréhension, même si cela est déjà très préoccupant. Il faut aussi regarder ce qu’on leur fait apprendre, et c’est proprement ahurissant. Ainsi, ils doivent savoir quelle est l’épaisseur d’un pare-brise. A quoi cela peut-il bien servir ? Ensuite, on les noie sous un tas de considérations écologiques, mais ils ne sauront toujours pas combien de kilomètres ils peuvent faire avec un plein ou calculer quelle est la consommation moyenne de leur voiture. Etant donné le nombre de fois où je me suis fait griller la priorité par un jeune conducteur, j’en déduis qu’ils n’apprennent pas non plus cette donnée essentielle ou qu’en tous cas ils ne l’intègrent plus. Faire demi-tour dans un sens giratoire ou sur une bretelle de sortie d’autoroute appartient également aux éventualités que vous pouvez rencontrer à vos risques et périls chez ces jeunes.
      L’apprentissage des savoirs et des savoir faire essentiels et indispensables a été remplacé par la panoplie du parfait républicain écologiste et gauchiste, transformant le permis de conduire en annexe de l’éducation nationale.
      Obsédées par la culture du résultat à l’examen, vitrine de leur efficacité supposée, les auto-écoles n’apprennent plus à conduire mais à passer l’examen. Les itinéraires de l’examinateur sont reconnus maintes et maintes fois et appris par cœur, de sorte que le jour de l’examen il n’y ait pas d’hésitations. Résultat : sortis du cas d’école, les jeunes conducteurs sont perdus. Démarrage en côte, entrée et sortie d’autoroute, conduite de nuit, tout cela est à peine évoqué.
      Conclusion : lorsque vous suivez une voiture avec un A derrière, méfiez-vous…

      • pour les statistiques, l’Education Nationale a absolument toutes les infos sur les familles, ce ne sont pas les profs qui les collectent, c’est dans les dossiers d’inscription. Et avec les dossiers de demande de bourses, accès aussi à toutes les données financières. Là, ce n’est pas du tout pour ça, c’est juste un prof qui veut savoir quels types de familles il y a dans la classe. Ca permet aussi de se faire une idée avant les réunions parents-profs.

    • Question qui pourrait aussi être supprimée. Elle me fait penser à l’idiot qui regardait le doigt, alors que le savant lui montrait la lune.

    • Le fichage mon cher monsieur, le fichage qui permet de savoir combien de temps les parents peuvent payer. Tout ce qui est administratif dans cette République n’est plus que de l’escroquerie organisée mais c’est l’ADN même de la République qui a commencé à piller les églises puis les patrons et maintenant le peuple pour gaver tous ces politiques et services publica qui comme les migrants sont beaucoup trop nombreux et trop fainéants qui n’attendent que la paye en fin de mois et leur rente à vie. Avez-vous entendu longtemps parler des 50 % d’absences ces deux dernières années ? ce n’est certainement pas dans le privé. Il faut aussi les payer et sans aucun jour de carence. Les enseignants se plaignent faites le compte 4 mois de vacance /an sans compter les absences de certains c’est l’objectif de tous les services publics et des politiques qui ont tous le même niveau de congés et de loisirs mais pour les loisirs il faut du fric. Voilà la boucle est bouclée.

    • oh, vous ne voyez pas ? vraiment ? çà relève du simple  » bon sens » pourtant – connaître la profession des parents donne un aperçu du niveau social dans lequel l’élève évolu ! çà renseigne en effet sur son accès à un certain vocabulaire, mais pas que ! Bref çà donne un  » profil » –

    • Beaucoup de professeurs font cela, c’est assez logique : si un élève est fils d’instituteur ou de prof, ou d’avocat, il n’aura pas la même aide à la maison, pour faire ses devoirs, que si ses parents sont routiers, caissière ou plombier. Ca donne parfois une vague idée, même si les situations sont évidemment toujours particulières. Et puis certaines professions, qui ont de grandes amplitudes horaires, comme hôtesse de l’air ou infirmière libérale ou boulanger, laissent penser que l’élève va être souvent tout seul en rentrant de l’école, alors que si un des parents est à la maison – mère au foyer ou à mi-temps ou ce genre de choses – l’élève ne sera pas seul. Les profs essaient d’évaluer la situation des élèves, pour savoir aussi ce qu’ils peuvent attendre d’eux. Pareil pour la composition de la fratrie : s’il y a deux enfants à la maison, c’est plus calme que s’il y en a 8, ou s’ils vivent à 6 dans un T2. Il y en a qui sont plus aidés à la maison que d’autres. Cela ne me paraît pas absurde qu’un prof se renseigne à ce sujet en début d’année. L’essentiel pour enseigner correctement, c’est quand même de connaître les élèves.
      Pour faire des statistiques, il y a les dossiers administratifs, pas les fiches des profs.

  10. Le permis va, en effet, suivre la même voie d’effondrement que toute autre sanction d’épreuve. La déréliction généralisée de ce pays en est la cause et la conséquence.

    La France s’est ensauvagée, dans la société, à l’école, où on n’apprend plus rien à des élèves rétifs et bercés au profit immédiat incarné par les caïds de cité et sur les routes où les mêmes comportements s’observent.

    Le code de la route n’étant même plus respecté, ces mesures sont du même acabit que celles qui ont conduit l’EN où elle se trouve.

  11. Educateur sportif depuis 1986, j’ai moi même constaté l’affaissement du vocabulaire « compris » mais aussi « utilisé » lorsqu’il s’agissait de préciser des situations techniques ou de commenter des actions de la part des pratiquants …

    J’ai souvent des élèves dont les parents sont dans « l’Education Nationale » … Eux aussi sont atterrés de constater cet effondrement ! … A tours, un enfant s’est vu refusé son entrée en classe car le matin, il s’appelait « paul » mais l’après-midi il avait décidé de « s’appeler » Sophie ! … Et que dire des « profs » qui ont 15 nationalités dans une classe de 25 gamins qui sont déjà idéologisés par un islamisme « anti français » ? ! …

    Le paroxysme des délires soutenus par ce « Président-des-cercueils » depuis mai 2017, avec ses 3 sinistres de cette
    administration, prouve que rien ne sera « rattrapé » … bien au contraire car ils ne savent faire qu’une chose : « BLA BLA BLA … encore et toujours …

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