[UNE PROF EN FRANCE] Une école intrusive pour une société totalitaire

Mercredi. Ma fille me demande si elle pourra sortir en ville après ses cours pour aller acheter des roses. Je m’étonne. Elle me dit que c’est organisé par le collège. Je m’étonne encore et je vais voir sur l’application que nous utilisons pour communiquer avec l'établissement : nous avons en effet reçu un message invitant les élèves à venir à l’école avec des roses (qu’on peut leur vendre, bien évidemment) pour déclarer leur flamme à leur amoureuse ou leur amoureux, mais aussi pour faire une déclaration d’amitié, ou d’affection à l'un de leurs professeurs.
A l’heure où l’on insulte et décapite les enseignants, la réponse que l'on nous propose serait de leur offrir des fleurs ? Et quelle est cette école qui joue toujours plus sur les émotions des élèves, et s’immisce dans leur intimité ? Éducation sexuelle, espaces de parole, jeux de rôles et formations incessantes autour du harcèlement, heures de vie de classe au cours desquelles les élèves sont amenés à exprimer « leur ressenti », comme on dit aujourd'hui… Les affects deviennent rois, et non seulement on leur laisse une place de plus en plus grande, mais on les invite, on les sollicite, on les suscite même. Ces émotions toujours plus présentes ne peuvent qu’amener des débordements dont on fait ensuite mine de s'étonner, et elles sont à l’opposé de la rationalité distante d'un l’enseignement traditionnel et sain.
Un établissement scolaire n'est pas à proprement parler « un lieu de vie », comme de plus en plus de directeurs et de recteurs le souhaiteraient, mais avant tout un lieu de travail, et donc un espace distancié dans lequel chacun joue un jeu social, codifié, réglementé, avec des grades, une hiérarchie, un dialogue équilibré dans lequel doivent dominer le contrôle de soi, le respect, la courtoisie et l'efficacité. La plupart des collèges sont gérés comme s'ils étaient une sorte de tiers-lieu communautaire, réunissant des gens ayant choisi d'être là et partageant une vision et des projets communs. Mais quelle hypocrisie ! Les enfants sont là parce que c'est obligatoire, et ils ne sont réunis par aucun autre point commun que leur âge et la carte scolaire dont dépend leur lieu principal d'habitation (carte scolaire à laquelle essaient d'échapper les enfants scolarisés dans le privé, et qui reste donc, en creux, un de leurs rares points communs). J'excepte les élèves de certaines écoles indépendantes, à l'identité forte.
En incitant les élèves à publier leur affection pour tel ou tel, on leur demande de venir en tant qu'individus, et non plus en tant qu'élèves, et à livrer leur intimité en pâture au groupe, dont on devrait pourtant savoir qu'il est essentiellement malveillant et anxiogène. La pudeur et la distance étaient des protections, dont on cherche à dépouiller les jeunes pour qu'ils soient en réalité de plus en plus vulnérables. Et tout cela est comme toujours déguisé sous les oripeaux du « sympa ».
Ces roses de la Saint-Valentin, qui ont fleuri dans tous les établissements scolaires de France et de Navarre cette semaine, me semblent les couleurs aguicheuses d'une société totalitaire dans laquelle on nous enjoint toujours plus de nous mettre à nu, pour finalement mieux nous manipuler.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR

46 commentaires
En effet, si à l’école on apprenait aux enfants à lire, écrire, compter
Tout cela n’est-il pas dans le cadre des cours de gentillesse ? ( qui n’est pas pareil que de déclarer sa flamme, certes ). Qui peut être contre la gentillesse ? Intrusif, oui. Comme beaucoup de choses maintenant, mine de rien. Oh, pas bien méchantes la plupart du temps. Le but ? On ne sait pas. Il me semble que chaque journée du calendrier à un maintenant un thème, n’est ce pas… ?
Excellent ! L’école « lieu de vie », ça date d’ailleurs de longtemps. 45 ans au moins. Je connais un candidat à l’épreuve orale d’un concours qui eut les oreilles cinglées parce qu’il avait montré, comme vous, le contraire. Mais les « cadres » étaient bien dressés, déjà.
Continuez !
La technique est d’une simplicité biblique : Toute personne en proie à l’émotion est incapable de réfléchir froidement ; c’est le but.
Cette demande est totalement en dehors des missions des établissements scolaires. Je crains même qu’elle soit source de souffrance, de moqueries, pour ceux qui avoueront leur flamme en pleine cour de récré. L’Ecole n’a jamais été aussi violente mais sanctionner, dégager les fauteurs de trouble n’est jamais envisagé.
Cela fait des années que je le pense
L’école devient une sorte de Loft Story.
Pas faux ! Et Dieu sait que Loft Story était un sacré nid de crétins.
Inconcevable ! Fête purement commerciale qui s’est imposée il y a peu, pourquoi faut-il aujourd’hui, l’imposer dans les écoles.
Une petite pensée aux enfants n’ayant reçu aucune rose.
C’est exact on leur demande de venir en tant qu’individu pas d’élève, c’est la raison pour laquelle il n’y a plus de discipline, ni de respect envers les profs, mais ceci correspond à l’idéologie des profs en général. Lorsqu’on est dans le milieu ça ne choque personne puisque tout le monde ou presque a le même logiciel, mais lorsqu’on vient de l’extérieur on est un peu surpris, il arrive même qu’on ait du mal à distinguer le prof des élèves. Un exemple qui illustre cet article : un élève est pris en train d’écrire sur les murs du couloir, un prof trouve ça génial parce que cet ado s’exprime, et pourquoi d’autres ne pourraient-ils pas s’exprimer aussi ? Alors on décide qu’on fera sur les murs des couloirs une immense fresque ou chacun pourra s’exprimer et tout le monde trouve ça formidable, ceux qui ne sont pas d’accord ne disent rien pour ne pas se mettre à dos leurs collègues et le délégué syndical qui de fait est le chef d’établissement puisqu’il impose son point de vue. Ce n’est pas une histoire, c’est du vécu.
Merci madame pour votre parfaite analyse des mécanismes qui sont insidieusement mis en place. Tous les parents devraient la lire attentivement…mais ne sont-ils pas déjà eux-mêmes contaminés ? et puis c’est proposé un peu comme une mode…pour être dans le vent… il faut être comme tout le monde… Le mal est très profond. Comment pourrons-nous redresser tout cela ?..
Mais les parents ne peuvent pas faire grand chose devant cette machine a transmettre une idéologie et souvent les parents se moquent de l’enseignement et certains même ne savent même pas ce que c’est suivant les départements concernés.
Les enfants découvriront l ‘amour à l ‘âge où la nature le prévoit , on a pas à anticiper artificiellement ce sentiment , c’est du totalitarisme !!
Bien d’accord. On veut en faire des adultes avant l’heure, briser leur innocence beaucoup trop tôt.
Aux quatre coins de la société française, avec une intensité qui s’accroît depuis des décennies, s’allument des signaux évidents qui nous disent qu’il faut virer de bord à 180 degrés et abandonner la spirale autodestructrice des errances gauchistes post soixante-huitardes.
Comment expliquer l’entêtement suicidaire des français qui les conduit à toujours voter pour ceux qui ne veulent rien changer et qui nous précipitent vers la décadence ?
Bonjour Virginie. Quelle clairvoyance ! Plus exactement, ce qui n’ôte rien à la qualité du constat, quelle satisfaction à ne pas se sentir seul dans nos réflexions. En éducation Nationale, chaque jour apporte son lot de surprises extravagantes alors que l’essentiel, l’instruction, est négligé. Le principal objectif de cette institution, ce qui se dévoile de plus en plus avec effronterie, formater, manipuler l’esprit des plus faibles surtout ceux à la famille en capilotade. Mais en format bien wokiste. Ils s’en défendent mais leur inspiration se dévoile comme le nez au centre du visage. Fluidifier les esprits afin d’en faire des serpillères. J’exagère ? Non, c’est la voie qui permet de soumettre. Cette liberté d’expression de plus en plus bridée en est un autre exemple.
Dans le passé, ces roses d’enfants étaient destinées aux mamans, renforçaient la fête des mères prochaine. La maman au dessus de tout. L’école prétend se substituer, s’immiscer tel un coin dans ce lien charnel. Quelle dérive. Amener l’enfant à l’égocentrisme, à l’individualisme. Quelle société à venir.
« Un établissement scolaire n’est pas à proprement parler « un lieu de vie » . J’ai déjà entendu ce refrain il y a déjà quelques dizaines d’années. Il s’agissait de dissocier les objectifs de l’école de ceux du monde industriel. Ce qui n’est pourtant qu’une continuité dans l’instruction. Seul le geste évolue, la finitude. Virginie, vos deux derniers paragraphes sont exemplaires de clairvoyance.
Vous évoquez certaines écoles indépendantes, à l’identité forte. Une nouvelle école d’excellence ouvre ses portes à la prochaine rentrée , Le domaine de Chalès, au sein de l’académie St Louis de Chalès. Ecole libre, 600 élèves, garçons internes, sur un site de 175 hectares disposant notamment d’un certain nombre de surfaces sportives, d’un théâtre, d’une chapelle. Sa Direction recrute les enseignants. Une opportunité ?
Virginie, toujours curieux de lire et de savourer ce qui nous nourrit de la vie scolaire. Un monde en attente de la « révolution » qui lui permettrait de se révéler significativement, les bœufs devant la charrue. Bonne semaine Virginie et bon courage.
Par paralellisme des formes les élèves seront ils invités à apporter un cactus à l’intention de ceux qu’ils n’aiment pas? Et si par malheur un élève issu d’une minorité ne recevait aucune rose ?
Bref les profs feraient mieux d’apprendre le français et le calcul que de jouer au Minitel rose.