[Une prof en France] Vos commentaires à l’honneur

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Comme c'est l'été, nous pourrions faire une petite séance de réponses à certains de vos commentaires, que je lis toujours avec intérêt. Ils révèlent la chatoyance des lecteurs de Boulevard Voltaire et la pluralité réelle de positionnements idéologiques qui prouve que le journal est un vrai espace préservant la liberté de penser.

Un lecteur écrit, le 15 juillet, au sujet de l'école Tzama, que « cette pédagogie du projet fonctionne dès lors qu'on fait le tri des petites têtes blondes. Essayez donc d'en faire l'expérience à la cité du Luth de Gennevilliers ! » J'ai enseigné à Gennevilliers. Le lycée a d'ailleurs été incendié juste après que j'en fusse partie. Je tiens que la pédagogie de projet serait justement bien mieux adaptée à des élèves en rupture de ban que l'enseignement traditionnel, visant simplement à les conformer à des savoir-faire qu'ils n'acquièrent quasiment jamais et à leur transmettre des connaissances qu'ils ne souhaitent souvent pas s'approprier. Il faut dissocier une pédagogie des motivations idéologiques de son fondateur avec lesquelles elle n'entretient pas toujours de lien absolu. C'est ainsi que l'on peut trouver fort intéressantes les propositions de Célestin Freinet tout en n'adhérant pas à ses positions politiques. On peut aussi étudier les préceptes pédagogiques de Rudolph Steiner sans cautionner tous les postulats de la théosophie, de la même manière que la plupart des écoles Montessori se sont dépouillées de la foi chrétienne de leur inspiratrice.

En réponse au même article, Bruno se demande si les écoles indépendantes, qualifiées de « magiques », pourraient résoudre tous les problèmes scolaires de la France et fonctionner « à grande échelle ». Mais il est dans l'idée même des écoles indépendantes de rester d'une taille humaine et de conserver le côté « artisanal », qui s'oppose à l'élevage en batterie que l'on trouve dans les grands établissements où s'entassent des centaines d'élèves, voire parfois des milliers.

Bougna-Pagnoule revient, le 1er juillet, sur la duperie des examens nationaux et déplore qu'on y voie « toujours les mêmes dissimulations par les profs et les inspecteurs de gauche pour masquer leur échec ». Je ne suis pas sûre que seuls ceux de gauche participent activement au mouvement… mais, surtout, je ne sais pas si l'on peut vraiment parler d'échec. Pour que l'on considère qu'il s'agit d'un échec, encore faudrait-il que l'instruction et la transmission de savoirs et de savoir-faire fussent vraiment l'objectif de ceux qui arment la main des inspecteurs. Et la véritable question est peut-être là, si l'on peut encore la poser sans être immédiatement taxé de « complotisme ».

Bernard47 semble penser que les correcteurs sont payés pour faire passer les examens et que l'on ferait des économies en supprimant ces derniers… Je rappelle que pour le brevet, la rémunération est de… 75 centimes par copie. Pour l'épreuve de français, même en allant très vite, nous n'avons pas réussi à faire plus de 4 ou 5 copies par heure, ce qui donne un taux horaire de 3,50 euros. Nous n'avons pas le sentiment de grever le budget de l'État, au regard du milliard d'euros qu'ont coûté les trempettes dans la Seine de nos deux sirènes nationales. Les copies du baccalauréat sont mieux payées (5 euros la copie) et les oraux de français sont annoncés à 9,60 euros par heure, ce qui ne m'a jamais été versé : dans mon ancienne académie, ils appliquaient le taux 1, soit 4,11 euros par heure, ce qui veut dire 2 euros par élève, puisque l'oral de chacun dure environ 30 minutes. Voilà pour la mise au point financière.

Enfin, Tyty se demandait si l'on remontait aussi les notes des concours de recrutement. Point n'est besoin de le faire, puisque ce sont des concours : il suffit de baisser le seuil d'admission. Ainsi, en 2023, le dernier admis au CAPES de mathématiques l'a été avec une moyenne de 5,15, qui est montée à 5,38 pour le dernier admis au CAFEP - en sachant qu'ils ont 30 ans d'âge moyen (que font-ils donc avant ?) et que le plus vieil admissible avait 66 ans, ce qui semble un peu surréaliste… Mais qu'est-ce qui n'est pas surréaliste, dans l'Éducation nationale ?

Soyez remerciés pour la richesse de vos commentaires. Je suis toujours touchée par la vérité de certains témoignages, qui n'hésitent pas à partager des souvenirs ou des moments de leur vie. Continuons à réfléchir ensemble !

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Bonjour Virginie. Fidèle au rendez-vous. Bonnes vacances ? Vous vous étonnez peut-être de l’accent mis à vous encourager. Les journalistes agissent par métier. Vous intervenez en sacerdoce. Du bon sens, de la pertinence dans les présentes réponses . Un bémol peut-être. La position que vous rapportez : « Mais il est dans l’idée même des écoles indépendantes de rester d’une taille humaine et de conserver le côté « artisanal », qui s’oppose à l’élevage en batterie  » . Un appel à une expérience professionnelle qui vous distraira. Vous savez que le taylorisme était le nec plus ultra dans les premiers pas de l’industrie automobile. Parcelliser les tâches afin de faciliter leur mémorisation et d’activer ainsi la productivité, la production, Ford le premier à exploiter cette méthode, industriellement. Sur cet acquis, appliqué en Europe, un certain Citroên s’est intéressé à la précarité des handicapés, notamment des retours au travail de certains salariés à consolider à la suite d’un accident au travail. Il a ainsi conçu un atelier de rééducation à Levallois Perret, atelier par lequel passaient les plus fragiles, affaire de quelques mois afin de les réadapter progressivement aux contraintes d’atelier. Les responsables de cet atelier se sont aperçus que les salariés portaient beaucoup d’intérêt à fabriquer l’objet confié, de A à Z . Dans le même temps l’ensemble des dirigeants a pris conscience que l’activité parcellaire devenait très peu motivante, qu’elle conduisait à des négligences. La répétition devenant machinale, source d’inattentions. A cet instant, le génie Citroën s’est à nouveau manifesté par une énorme prise de risque. Dans la même usine, Levallois, il a confié la responsabilité du montage du moteur de la 2CV , de A à Z, à un seul ouvrier. Une révolution. Le travail parcellaire mis au rencart. Cette expérience s’est révélée bénéfique, a été généralisée à l’ensemble des usines, autant que faire se pouvait. Puis repris par toute l’industrie automobile. Ce qui a très largement participé à « l’amélioration des conditions de travail ». Le travail devenait plus motivant, plus riche . Virginie, vous voyez où je veux en venir. Je vous laisse tirer les conclusions. A l’impossible, nul n’est tenu. Mais sans risques et décisions, on piétine, voire on régresse par rapport au reste du monde. La fameuse résistance au changement est à combattre. Virginie, toujours vive ? Ou endormie ? Nous vous souhaitons des vacances ensoleillées et pleines de joies. A+

  2. Le vrai problème vient de ce que la gauche tient toute l’éducation nationale à tous les étages (profs, inspecteurs, administration), avec, comme vous semblez le sous-entendre, une non-volonté d’instruire et de développer la capacité à réfléchir par soi-même (c’est l’une des 1ères choses que Mitterrand a faite quand il est arrivé au pouvoir en 1981). Et le travail de sape a visiblement été efficace, à en juger par la lobotomisation des esprits qui, à 85%, estiment que la cérémonie d’ouverture des JO était « formidable » ; le matraquage idéologique a été si intense que tout le monde considère comme normal le triomphe de la vulgarité, l’oubli de tout ce qui fait la grandeur de la France (monuments, histoire) et se contente du « bling-bling » comme on n’a cessé de le lui ordonner.

  3. Les écoles artisanales sont une chance pour les parents et leurs enfants la sélection se fait déjà à ce niveau les élites l’ont bien compris et jouent sur les deux tableaux pour se faire élire

  4. C ‘est évidemment pas cher payé, mais c’est payé en plus du salaire mensuel des enseignants, or lorsqu’on est enseignant on sait bien qu’il y aura des copies à corriger, des cours à préparer et des examens à assurer ça fait partie du lot tout comme les vacances, sinon il faut choisir une autre voie. il y a des missions dans l’enseignement qui sont confiées à des chefs d’entreprise, elles, sont bénévoles et demandent une certaine disponibilité quand même. il faut arrêter de toujours se plaindre surtout que les corrections ne durent que 2 ou 3 jours au plus.

    • Je ne crois pas qu’il s’agissait d’une plainte. Juste d’une information. D’un autre côté, effectivement les examens font partie du service des profs en théorie, mais dans la pratique, assez peu de profs sont convoqués et les autres touchent le même salaire « de base » alors qu’ils ne font pas passer des examens. C’est un ordre de mission ponctuel qui est reçu, et les profs de lettres sont presque les seuls avec les profs de maths à s’y coller pour tout et systématiquement : brevet, bac, BTS… C’est la rançon de la gloire pour ce qu’on appelait avant les matières fondamentales, mais qui n’ont aujourd’hui pas plus d’heures que les autres (même horaire en français et en sport en 6e par exemple, or les profs de sport ne sont convoqués à rien, il n’y a même plus d’épreuve au bac). Je crois que c’était une réponse aux commentaires qui disaient que les profs qui corrigeaient les examens en tiraient de nets avantages financiers par rapport aux autres, dans l’esprit travailler plus pour gagné plus…mais ce n’est pas le cas. Il y a juste ceux qui partent en vacances plus tôt, et ceux qui font passer les examens. Et si les vacances étaient un si fort levier et que le salaire était correct, pourquoi alors n’es rangs des profs sont ils vides et pourquoi personne ne postule, s’ils ne font juste que de plaindre sans raison ?…

  5. Si les écoles indépendantes veulent garder une taille humaine, c’est sans doute pour ne pas heurter de front l’Education Nationale publique. « Pour vivre heureux, vivons cachés » s’applique au privé, qui risque de déclencher contre lui inspections surprises et autres indelicatesses de l’Académie, si la taille de l’établissement montre trop son succès, et du coup, les carences locales du secteur public. La taille, à mon avis, n’est pas un gage de qualité, ni dans un sens, ni dans l’autre. Ayant fait mes études au Lycée du Parc à Lyon, je peux vous assurer que même en province, l’excellence est possible dans des « usines » qui fabriquent en batterie, comme vous dites, plusieurs centaines de bacheliers par an. Tout dépend uniquement du niveau des profs, de la DISCIPLINE -en majuscules-, et du milieu socio-professionnel du quartier et des parents.

  6. Dans tous ces comentaires il y a de nonnes idées . Autrefois nous étions jusqu’à 40 ou plus par classe , il y avait de la discipline , du respect et un bon enseignement . Tout ce qui manque aujourd’hui dans la majorité des écoles publiques . Mais le pire c’est que depuis 40 ans ce sont nos gouvernements successifs qui ont saboté l’enseignement , qui ont laissé faire et s’installer le chaos et qui s’acharnent à fabriquer des cancres , sauf bien sur quand il s’agit de leur progéniture qui eux ont droit aux meilleurs écoles . Donc ce sont nos élus qu’ il faut changer et au plus vite .

    • Une lapalissade en quelque sorte… Sinon, cet article est très éclairant et remet fort bien l’église au milieu du village. (Oh, pardon, remet les pendules à l’heure, sinon une église, pouahhh, horreur !)

    • Oui mais il y a mai 68, l’école est devenue ce qu’elle est avec la complicité des enseignants : « il est interdit d’interdire » plus de discipline dans les classes, les élèves tutoient les profs etc. etc. ceux qui voulaient faire sérieusement leur travail étaient des réacs à qui il ne fallait surtout pas adresser la parole. Puis avec les vagues successives d’immigration de nouveaux élèves sont arrivés avec un mode vie différent, vivant comme au pays, d’où une incompatibilité avec notre enseignement que la gauche a résolue en abaissant le niveau. Des proches ont étudié jusqu’à l’âge de 12 ans en Espagne (en espagnol et en catalan) c’est totalement différent et le niveau est plus élevé et les enseignants plus proches des élèves et des familles, à l’ancienne, puis ils ont fait le bac international et un bachelor aux Pays-Bas c’est bien fait, bien organisé et de très haut niveau maintenant ils font des études supérieures dans une grande école de commerce française bien classée sur le plan international ils sont entrés sur dossier, un autre est resté dans une fac aux Pays-Bas classée première fac mondiale pour la discipline enseignée. cette expérience permet de voir à quelle niveau est l’enseignement français.

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