Une série à voir ou revoir cet été : Rebellion, sur l’histoire contemporaine de l’Irlande

REBELLION 2

« La vie prend racine dans la mort ; et des tombeaux des patriotes – hommes et femmes – s’érigent les nations » (Patrick Pearse, cité par Jean Mabire dans sa biographie).
Il y a des séries dont on nous rebat les oreilles tous les quatre matins, comme Game of Thrones ou, à une certaine époque, Lost et X-Files ; et d’autres qui ne sortent jamais de l’anonymat alors que leur intérêt est manifeste. Il en va ainsi de Rebellion, mini-série feuilletonnante en deux saisons (pour le moment) de cinq épisodes chacune produite par RTÉ, le service public de radiodiffusion et de télévision irlandais.

Disponible sur Netflix, Rebellion se donne pour ambition de parcourir les évènements majeurs survenus en Irlande au cours du XXe siècle. Long programme, en effet, quand on songe à tout ce qui s’est passé entre la création du Sinn Féin, en 1905, et l’accord du Vendredi saint qui mit fin, en 1998, à trente ans de conflits en Irlande du Nord – la série pourrait aisément s’étaler sur dix saisons.

La première revient longuement sur l’insurrection de Pâques 1916. À l’époque, le député John Redmond venait d’obtenir des Britanniques la promulgation du « Home Rule » (l’autonomie) pour l’Irlande qu’il réclamait depuis 1912. De quoi déclencher les hostilités avec les unionistes du Nord qui menaçaient de prendre les armes contre les populations catholiques via leur milice créée en 1913, l’Ulster Volunteer Force (UVF). En réaction, le Sud, partisan du « Home Rule », créa à son tour l’organisation armée des Irish Volunteers. La crainte légitime de voir la mise en œuvre du projet d’autonomie repoussée aux calendes grecques par l’hostilité du Nord et par le déclenchement de la guerre de 14 poussa les Irish Volunteers de Dublin, commandés par Patrick Pearse, à faire jonction avec la Citizen Army du socialiste James Connolly afin de prendre d’assaut un certain nombre de bâtiments stratégiques de la capitale, le 24 avril 1916, et de proclamer la naissance et l’indépendance de la République d’Irlande. Durant près d’une semaine, ce sont 1.100 patriotes irlandais qui parvinrent à tenir tête à 16.000 soldats britanniques. Leur entreprise fut soldée par un échec militaire qui se mua en une victoire idéologique…

La seconde saison revient sur l’oppression des membres du Sinn Féin par les Anglais et sur les premières actions de l’IRA menée par Michael Collins en 1921, lequel avait placé ses espions au sein du château de Dublin où s’exerçait le pouvoir ennemi. Un climat de tensions qui conduira au traité de partition du pays et déclenchera une véritable guerre civile entre d’un côté ses partisans, avec à leur tête Michael Collins, et de l’autre ses opposants, conduits par Éamon de Valera.

La série nous permet ainsi de croiser les grandes figures de l’époque, telles que Patrick Pearse, James Connolly, Michael Collins, Éamon de Valera (hélas très injustement méprisé par les scénaristes) et Arthur Griffith. Croiser seulement, car les personnages principaux du récit sont fictifs, des citoyens lambda, de toutes classes sociales, plus ou moins liés les uns aux autres mais séparés par les événements. On comprend l’idée qui anime les créateurs de Rebellion, à savoir que les peuples font l’Histoire. Certes, cela s’entend, et les intrigues sont globalement réussies, mais en tant que spectateur, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y avait déjà fort à faire avec les personnages réels dont la destinée fut, pour la plupart, tragique ; c’eût été l’occasion, au moins, de donner corps à ces mots de Pierre Joannon, historien spécialiste de l’Irlande, lorsqu’il écrivit : «Le panthéon des grands hommes cache un cimetière d'espérances brisées. »

À contourner ces personnages incontournables, les scénaristes réduisent l’intérêt de leur travail, manquent de bien contextualiser l’ensemble et risquent de perdre en cours de route ceux qui ne seraient pas familiers de l’histoire irlandaise. Restent une belle reconstitution visuelle de l’époque, des personnages attachants et bien écrits ainsi qu’un casting féminin particulièrement réussi.

On attend avec intérêt la troisième saison.

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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