Universités vides, prépas pleines : à quand la révolte contre Castex qui maintient cette inégalité et cette hypocrisie ?

Il faut croire que nos dirigeants n'ont pas de grands enfants étudiant à la maison pour cause de facs fermées. Emmanuel Macron, lui, n'a pas d'enfant du tout. Quant à Gabriel Attal, il rêve de « GPA éthique », selon Gala. Alors, forcément, les soucis d'enfants étudiants, c'est très abstrait. Et Jean Castex ? Peut-être a-t-il, comme la grande majorité de nos élites - et de nos professeurs d'université -, des étudiants en prépa. Et là, pas de problème, tout roule comme avant : pas de Zoom à enchaîner, de problèmes de connexion, de partiels foirés, de questionnement existentiel sur cette galère qui dure depuis bientôt un an. À Henri-IV comme dans tous les lycées ayant des prépas, même si les classes du secondaire sont passées en alternance, les prépas tournent à plein régime : 40 élèves entassés 7 ou 8 heures durant dans des salles exiguës, brassés dans des couloirs bien moins larges que ceux de nos facultés. Pendant ce temps, d'immenses campus, des milliers d'amphis, de salles, des centaines de milliers de mètres carrés restent désespérément déserts !

Les inégalités entre étudiants inscrits en prépas et à l'université viennent de loin et sont bien connues : aux premières, les meilleurs étudiants, motivés, relativement aisés et bien informés des meilleurs parcours ; aux autres, les étudiants plus fragiles s'inscrivant dans les filières que leur a assignées Parcoursup. Et l'on sait qu'un étudiant en prépa coûte à la nation bien plus cher. Loin de moi l'idée d'entonner le vieux refrain de leur suppression. Je sais trop ce que nous leur devons, à titre individuel comme pour le pays.

Mais était-il besoin, à l'occasion de cette crise sanitaire, d'accroître encore davantage l'inégalité ? Au contraire, il fallait (il faut !) appliquer le même régime de restrictions - ou d'autorisations - pour les prépas et les universités. Ce principe de cohérence et d'égalité s'imposait. Vous me rétorquerez que l'on ne traite pas de la même façon un lycée avec 300 élèves en prépa (ou moins) et une fac de 20.000 étudiants. Le gouvernement a-t-il fait ce distinguo subtil quand il s'est agi de fermer le café et d'imposer le couvre-feu à 18 heures dans mon village de 300 âmes tout comme dans les métropoles ?

Si les cours en présentiel facilitaient à ce point la circulation du virus en milieu étudiant et au-delà, il fallait aussi faire basculer les prépas en distanciel. Question de logique, et d'égalité. Et que l'on ne nous dise pas que ce n'était pas possible : les étudiants de prépa sont justement les plus autonomes, les plus motivés, les plus soutenus par leurs familles et, aussi, les mieux équipés !

Inversement, si le choix du présentiel, aménagé ou hybride, avait été fait, il fallait évidemment que les universités en bénéficient et toutes avaient préparé des protocoles intelligents, rigoureux, réalistes, comme j'ai pu moi-même le constater dans plusieurs universités du Sud-Ouest en septembre-octobre, avec, entre autres, des locaux spacieux, aérés, des sens de circulation respectés et des projets d'alternance de semaines qu'elles n'ont même pas été autorisées à appliquer !

Or, jeudi, Jean Castex et Frédérique Vidal, le ministre de l’Enseignement supérieur, ont maintenu cette inégalité criante : seuls les étudiants de première année seront autorisés à revenir suivre leurs travaux dirigés (TD), mais en demi-jauge, à compter de lundi 25 janvier. Une mesure tombée au dernier moment et difficilement applicable, car les étudiants ont rendu leurs chambres. Elle n'avait qu'une seule vertu : que le gouvernement se donne bonne conscience. Et puis, y a-t-il des demi-jauges en première année de prépa ? Pire : vendredi après-midi, à l'issue d'une réunion de deux heures au ministère, aucun calendrier de réouverture n'a été donné au monde universitaire.

Les participants ont fait part de leur « déception ». On attendrait des mots plus forts. On a l'impression qu'à l'université aussi, lieu de la réflexion, de la critique et, souvent, de la révolte, ce virus, avec le matraquage permanent et le chantage au « care », a anesthésié tout sursaut vital.

Si Emmanuel Macron et son staff subissent, dans les mois qui viennent, une grande révolte étudiante, et si, dans les urnes, la jeunesse qu'il avait en partie séduite en 2017 se détourne de lui, ce ne sera que justice.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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