Valérie Pécresse crie au feu pour les banlieues : posture ou imposture ?

Valérie Pécresse veut exister. Après le départ d'Alain Juppé et l'irruption de François-Xavier Bellamy, elle cherche à occuper l'espace politique qui sépare ces deux figures contrastées. Le JDD révélait, lundi, qu'elle avait fait une véritable scène à Laurent Wauquiez, lui reprochant d'avoir été mise devant le fait accompli pour la désignation du jeune philosophe comme tête de liste pour les européennes. Lundi soir, toujours selon ce journal, elle ne soutenait toujours pas officiellement cette liste. Ambiance.

La présidente de la région Île-de-France s'était faite bien discrète durant le mouvement des gilets jaunes. Pas trop son monde. Pas trop son truc.

Du coup, elle essaie, aujourd'hui, de créer l'événement dans une interview au Figaro intitulée : « La situation des banlieues est explosive. » Une vigie, Valérie Pécresse. Une prophétesse. Si jamais ça venait à "exploser" (et comme ça a déjà explosé il y a quinze ans...), elle pourrait dire : j'vous l'avais dit.

L'angle de ce retour médiatique est bien trouvé : il lui permet de faire valoir son poste d'observation privilégié, car elle est censée régner sur le Ve, mais aussi sur les banlieues. Deux mondes auxquels il faut savoir s'adresser "en même temps". Et donc, des choses, elle en vu :

"La dernière fois que j'ai rencontré Emmanuel Macron, je lui ai dit qu'il existait une crise des banlieues masquée par celle des "gilets jaunes". La situation est explosive. 80 lycées ont été attaqués, en décembre. Ces attaques étaient perpétrées par des bandes cagoulées, organisées et extrêmement violentes. Elles visaient à mettre le feu aux poubelles, aux voitures, aux lycées… Des enseignants ont été aspergés d'essence. J'ai vécu cela comme un signal d'alerte. [...] Je me suis dit que les émeutes de 2005 pouvaient se reproduire à tout moment. Il suffirait d'une étincelle."

À la compétence « proximité », Valérie Pécresse peut ajouter sur son CV : réflexion sur les causes. Pas inutile, quand les jeunes philosophes viennent marcher sur vos terres. "Les racines sont profondes." Vous admirerez le choix du terme.

Autre corde à son arc : l'action. "J'appartiens à la droite des solutions. [...] Mes réponses tiennent en trois mots : autorité, mixité et réussite. Pour cela, il faut rétablir l'ordre, avoir une vraie stratégie de peuplement et redonner de l'espoir en relançant l'ascenseur social."

Mixité ? Habilement, elle évite d'ajouter « sociale », ce qui fait aujourd'hui gauche délavée, et préfère parler de « peuplement ». Un peu comme on disait « colonie de peuplement. » Y aurait-il donc un problème d'immigration, de communautarisme ? "Je suis pour une réduction de l'immigration, le renvoi des clandestins et l'instauration de quotas. Il faut arrêter d'aggraver le problème d'intégration. Mais stopper l'immigration ne résoudra pas les problèmes actuels des banlieues." Valérie Pécresse, c'est la droite du « en même temps ». Elle commence par crier au feu et elle termine par un bel optimisme : "J'ai de l'espoir. Il y a une vraie dynamique entrepreneuriale et une telle volonté de réussir dans les quartiers populaires. [...] Il se passe de belles choses."

Le même jour, Julien Dray, ex-apparatchik PS et très longtemps élu de banlieue, déclare au même Figaro : "On a laissé dans les banlieues s'installer un trafic de stupéfiants gigantesque de mafia." Comme un écho au « on » de Valérie Pécresse : "On le voit depuis des décennies, il est temps d'agir." Et quelle action, contre les trafics ? "Doubler les microcrédits pour combattre l'économie souterraine."

Microcrédit : c'est un peu celui que nous inspirent Mme Pécresse et tous ces « on » qui ont « laissé faire », qui ont « vu » mais n'ont rien dit, rien fait, favorisant ainsi "l'explosion" qu'ils redoutent.

Alors, Valérie Pécresse, lanceuse d'alerte ou danseuse alerte ?

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