Valérie Pécresse et la carpette anglaise
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« Je suis candidate à la présidence de la République pour restaurer la fierté française. » Ainsi s’est exprimée, le 24 juillet, dans Le Figaro, la présidente de la région Île-de-France, ajoutant : « Je me présenterai [à la primaire] en femme libre. » À la suite de quoi, Daniel de Poli, membre très actif d'Avenir de la langue française (ALF), a envoyé à la prétendante une lettre ouverte, lui rappelant que la fierté française passe d’abord par la langue française. Aurait-elle oublié son prix, bien mérité, de la Carpette anglaise obtenu en 2008 ? Ce « grand prix d’indignité civique » créé en 1999 pour désigner les déserteurs de notre langue et leur veule soumission aux puissances financières mondialisées, responsables de l’abaissement de la France, son identité, sa démocratie ?
Mme Pécresse est une enragée de l’anglais. On n’en finirait pas d’accumuler les preuves de sa soumission militante à l’empire. Le 28 mars 2008, alors ministre de l’Enseignement et de la Recherche, elle déclare que « le français est une langue en déclin » dont il faut « briser le tabou dans les institutions européennes ».
Sur le site Région îledeFrance, elle présente sa biographie en français et en anglais. En 2019, elle édite le Paris Region AI Challenge, lance le Navigo Easy et, en 2020, l'Entrepreneur Coaching Day. Actrice du Made for Sharing du Comité Jeux olympiques Paris 2024, elle prononce, à Lima, son discours en anglais pour défendre les Jeux olympiques de Paris. Sans doute aussi notre prétendante brigue-t-elle un prix spécial du jury européen. Elle y aurait des devancier/è./e.s et épigones illustres : en 2007, Christine Lagarde. En 2010, Aubry avec son Care et son What would Jaurès do? En 2013, Fioraso (prix exceptionnel), en 2014, Moscovici adressant une lettre, entièrement en anglais, au ministre Michel Sapin ! Sans compter les institutions (Ma French Bank de la Banque postale) et les prix spéciaux étrangers dont celui, accordé en 2019, à Ursula von der Leyen, pour vouloir imposer l’anglais comme langue des institutions européennes.
À moins que Mme Pécresse n’entende, par « fierté française », les Fiertés LGBT pour lesquelles elle multiplie les engagements ? Ennemie du « en même temps », elle voulait briser, en 2008, « le tabou du français » à la faculté. Un autre casse les codes depuis quatre ans. Entre code et tabou, n’y aurait-il pas de quoi s’entendre ? En attendant, la loi Toubon est violée sans que Marlène Schiappa ne réagisse.
Avant de se lancer dans la bataille, notre candidate devrait méditer, en femme libre, la phrase, exhumée des archives écrite par de Gaulle au ministre des Armées, le 19 juillet 1962 : « Mon cher ministre, j’ai constaté, notamment dans le domaine militaire, un emploi excessif de la terminologie anglo-saxonne. Je vous serai obligé de donner des instructions pour que des termes étrangers soient proscrits chaque fois qu’un vocable français peut-être employé, c’est-à-dire "dans tous les cas" » : ces quatre mots écrits de sa main.
Mathieu Bock-Côté, en 2018, s’était vu, lui, dérouler le tapis rouge par la Carpette. Vive le Québec libre !
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