Vendre l’essence à perte : le camouflet de la honte pour le gouvernement !

Véran

Depuis plus d’un an et demi, les partis politiques toutes tendances confondues rivalisent d’imagination pour essayer de prouver au citoyen leur capacité à résoudre une crise énergétique qui les dépasse totalement. Ils savent que le prix du baril de pétrole, les marges de raffinages et le change euro/dollar qui représentent à eux seuls 75 % du prix hors taxe échappent aux ronds-de-cuir des ministères. Pourtant, ils gonflent régulièrement les muscles en essayant de prouver au citoyen leur capacité à enrayer les hausses. Entre le blocage des prix proposé par la NUPES qui aurait conduit à une dramatique pénurie et la baisse de la TVA portée par le RN, l’État avait choisi, en 2022, la voie d’une « ristourne à 8 milliards » intégrée dans un bouclier tarifaire à plus de 50 milliards. Rappelons, tout de même, la gloutonnerie fiscale de l’État : sur un litre d’essence à deux euros il prélève 55 % de taxes !

Mais, compte tenu de la dette publique et des taux d’intérêt qui n’en finissent plus de grimper (le taux directeur de la Banque centrale européenne vient d’être porté à 4,5 %), l’État n’avait plus les moyens de prolonger, en 2023, la générosité dont il avait fait preuve en 2022. Pour la même raison, pas question non plus de toucher aux taxes. Pour rassurer le consommateur, le seul levier était donc d’implorer les distributeurs de rogner sur leurs marges.

Explosion des marges de raffinage

Chose promise, chose due. À compter du 1er mars 2023, TotalEnergies, le principal distributeur français, s’était engagé à maintenir les prix du litre d’essence et du diesel sous les deux euros jusqu’à la fin de l’année. À l’époque, le prix à la pompe était de l’ordre de 1,85 €. Cette proposition du major pétrolier détenant 3.700 des 11.000 stations françaises imposait, de facto, que la barre symbolique des deux euros ne serait pas dépassée.

Mais c’était, malheureusement, sans compter avec la dégradation d’un contexte international favorisant l’accroissement du prix du baril (forte demande du Sud-Est asiatique et baisse de l’offre imposée par l’OPEP élargie – incluant la Russie) et, surtout, avec l’explosion des marges de raffinage (+35 % depuis mi-juin) causée par de très fortes tensions sur le marché des produits raffinés dont une partie significative était importée de Russie avant le conflit russo-ukrainien.

On se retrouve donc aujourd’hui avec un litre d’essence qui a mécaniquement dépassé les deux euros. Pour permettre aux distributeurs de maintenir le prix du litre d’essence sous les deux euros, le gouvernement a imaginé une nouvelle règle aussi simple que surprenante : autoriser… à vendre à perte. Une idée que le gouvernement voulait « porter avec force » : le porte-parole du gouvernement Olivier Véran avait annoncé en grande pompe sur les ondes que « la vente à perte représentait potentiellement 0,50 € en moins par litre ».

Condamner les petits indépendants

Signalons tout d’abord que la vente à perte est interdite en France depuis 1963. Elle entre, par ailleurs, en conflit avec les règles élémentaires de la concurrence européenne. Que se serait-il passé aux frontières belge, allemande ou espagnole si la station française locale avait vendu son essence à perte ? Nous laisserons les juristes s’expliquer sur ce point. Concentrons-nous uniquement sur le marché intérieur.

Pour en comprendre l’impact, il faut distinguer trois catégories de distributeurs : les majors pétroliers, les mastodontes de la grande distribution et, enfin, les petits indépendants qui, en France, sont près de 5.000.

Les majors sont à la fois producteurs, raffineurs et distributeurs. Leurs éventuelles pertes sur la distribution peuvent être compensées par leurs profits sur la production et le raffinage : ils auraient donc pu supporter des marges de distribution négatives. Pour les mastodontes de la grande distribution, les carburants sont un produit d’appel pour attirer les consommateurs dans les grandes surfaces. La vente à perte aurait pu représenter pour eux une opération commerciale compensée par un accroissement du volume des ventes en hypermarché, voire par un renchérissement des prix dans les rayons. Il y avait risque que l’essence à perte… encourage l’inflation.

C’était, en revanche, condamner à court terme les petits indépendants dont la rémunération repose exclusivement sur la marge de distribution. La vente à perte aurait signifié pour eux de mettre à court terme la clef sous la porte. Se rendant compte, a posteriori, de son malheureux oubli, le gouvernement aurait alors compensé les petits distributeurs. Une tactique plus qu’habituelle consistant à reprendre avec une main ce qu’on donne de l’autre.

Heureusement, face à cette séquence complètement surréaliste, nous avons des industriels sérieux. Réunis une nouvelle fois, les majors et la grande distribution ont tous annoncé une fin de non-recevoir au gouvernement. Personne ne vendra à perte et seule la limite de 1,99 euro reste d’actualité. Le camouflet de la honte pour un gouvernement d’amateurs !

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

56 commentaires

  1. Et tous ces petits marquis que sont les membres du gouvernement, et autre députés et sénateur, ont ils proposé dans un grand élan patriotique de réduire leurs indemnités réglées avec les impôts des travailleurs français.

  2. Quand on sait que c’est macron (entre autres) qui est responsable de cet état de faits, vu les positions prises à la légère sur le conflit Russie-Ukraine. Sachant que nous venons de doubler les importations de gaz russe via l’Azerbaïdjan et de ce fait avons abandonné les arméniens, victimes de la « real politique », ceci étant dit, vouloir faire vendre à perte le carburant par les distributeurs au risque de les tuer, sachant qu’environ soixante pour cent de ce prix de vente est constitué de taxes, macron ne manquent pas de culot!

  3. Amateurs, oui c’est bien cela le problème, nous sommes gouvernés par des amateurs parfaitement irresponsables , menant notre Pays à la ruine. Qu’en restera-t-il dans quatre ans, à moins que tous ces incompétents ne soient virés manu-militari…

  4. « Que se serait-il passé aux frontières belge, allemande ou espagnole si la station française locale avait vendu son essence à perte ? »
    Eh bien, il s’y passerait ce qui se passe à la frontière luxembourgeoise depuis bien des années. Même si l’écart de prix se réduit avec la France, l’économie de 0,30€ par litre était courante. Et sans vente à perte. Bien sûr.

    • La semaine dernière, j’ai fait le plein de diesel en Allemagne dans une station rurale à 1.719€ le litre… Sûr que ce n’est pas un argument pour imposer la vente à perte !
      Par contre je trouve étonnant que personne ne relève le fait que quand le prix augmente de 2 centimes, la taxe augmente elle-aussi de 1centime. Je pense que cette taxe devrait être un montant fixe non proportionnelle en pourcentage comme actuellement. C’est un peu se moquer du monde que de demander aux industriel de baisser les prix de vente tandis que l’Etat s’enrichit sur les carburants !

  5. Vouloir faire la guerre à notre principal fournisseur d’énergie fût une sottise . La faire pour satisfaire Berlin donc Washington est une trahison . Pour assurer le coup (au cas donc où Macron serait sensé) Washington avait une idée en réserve : faire sauter la source approvisionnement de l’Europe et rendre celle-ci esclave du Gaz-de-Schiste U.S. contre lequel les Verts ne protestent même pas.

  6. Un gouvernement d’amateurs dépensiers et incapables de gérer un budget. Quant notre comptable faute il faut le virer.

  7. Un point me chagrine touijours, ayant fait des maths avant médecine, je pense savoir calculer un pourcentage, concernant les taxes sur l’essence, ce chiffre de 55% de taxes me hérissent, car si je prend le prix brut d’un litre d’essence et son prix de vente, sachant que la différence est faite de taxes, on arrive à bien plus de 100% de taxes, cerise sur le gateau en France, la TVA sur la Tipp, taxe sur la taxe, et l’état ne voit pas comment baisser le prix!

    • Je suis bien d’accord avec vous, les français sont des ânes face aux mathématiques.. Pouvez-vous nous indiquer le prix brut du carburant? Merci..

  8. Toujours la même excuse: le prix du brut… Mais il a bon dos le prix du brut : le prix à la pompe est calculé en appliquant des pourcentages sur le brut (raffinage, taxes). Pourtant ça ne coûte pas plus cher de raffiner un litre de brut même s’il est plus cher. Par ailleurs, le gouvernement encaisse plus de taxes si le brut augmente : par ici la bonne soupe ! Le bon sens serait d’ajouter un forfait par litre pour le raffinage et les taxes, non pas un coefficient. Par ailleurs, Macron a l’excuse facile : on n’a pas de pétrole donc on ne maîtrise pas le prix du brut… Faut-il lui rappeler que pour l’électricité on avait la maîtrise grâce au nucléaire mais qu’il a fermé Fessenheim, vendu Alstom Énergie et accepté que le prix de notre électricité soit indexé par l’UE sur celui du gaz qu’on utilise très peu contrairement aux Allemands ? Jusqu’à quand les Français vont-ils écouter ce baratineur ?

    • Oui, en effet, Macron ou Marcon a l’excuse facile, comme toujours et pour tout ou presque. Contrairement au slogan des années 70, maintenant « on n’a pas de pétrole, mais on n’a pas d’idée non plus », ce qui est bien triste, navrant pour nous. Les incapables au pouvoir demandent sans cesse au peuple les efforts qu’eux ne savent ni ne veulent faire, et bientôt ils nous demanderont d’avoir des idées pour eux, à leur place.

    • Jusqu’à quand les Français vont-ils écouter ce baratineur ?
      Mais jusqu’en 2027 ! Et ils remettrons en place sont successeur idéologique genre edouard philippe.

      • C’est tristement ce que je crains ! E. Philippe, la copie de E. Macron serait pire que l’original (comme sur un photocopieur)

  9. Macron doit avoir environ 300 mots de la langue Française dans son vocabulaire, mais il y un mot, une CHOSE qu’il n’a pas, n’a jamais eue, c’est l’ HONNEUR, parce que cette chose n’est meme pas une chose, mais un ersatz de chose

  10. N’oublions pas l’erreur, que dis-je la faute poltique dans cette affaire de carburanr: la décision de macron, de se mettre à dos la Russie sur ordre des USA et de l’UE ! Résultat, nous achetons quand même le pétrole russe majoré des « royalties » des chinois et des indiens ! Un seul coupable: macron !

    • Macron n’est responsable de rien puisqu’il ne décide de rien. Il n’est coupable que d’accepter d’exécuter les ordres qui lui sont donnés par l’UE, donc par les USA. En revanche, c’est aux 18,7 millions de Français qui l’ont réélu que l’on doit cette situation. Honte à eux et malheur à nous …

  11. j’avais cru comprendre que nous avions un super banquier à la tête du pays….en réalité nous avons le plus incompétent, le plus incapable bon à rien entouré d’aussi mauvais financiers qui n’ont pas le moindre sens de l’économie. Pourquoi ne pas faire une taxe flottante en fonction du coût du baril ?

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