Venezuela : le silence assourdissant du pape François
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Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunissait, samedi, pour examiner la situation au Venezuela, que plusieurs pays du continent sud-américain ont reconnu Juan Guaidó comme président par intérim et réclament, comme maintenant plusieurs pays européens dont la France, la convocation de nouvelles élections libres, le silence du pape François sur la situation de ce pays de 31 millions d’habitants, catholiques à plus de 95 %, est devenu assourdissant.
Et ce n’est pas la déclaration minimaliste du Vatican précisant que "le pape suit de près l'évolution de la situation" qui pourra faire taire les légitimes interrogations.
Dans une interview publiée le 26 janvier par l’agence de presse de langue espagnole EFE, le cardinal vénézuélien Baltazar Porras, considéré comme faisant partie des proches du souverain pontife, explique qu’il est "en contact permanent avec lui" et précise "que les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) ont leur propre dynamique*" et qu’un message du pape François sur la question vénézuélienne pourrait "détourner l'objectif de cet événement" !
Il ajoute, cependant, qu’il est très probable, compte tenu de la gravité de la situation, que "le pape en fasse mention de manière plus directe dans l'angélus dimanche ou lors du voyage de retour" [...] ».
La parole du pape sur ce continent dont il est originaire est attendue plus qu’ailleurs. Une parole qui malheureusement dans le passé a été sujette à bien des ambiguïtés.
S’il est exact que c’est sous l’égide du Vatican, avec entre autres l’entregent de son envoyé spécial, l’archevêque italien Claudio Maria Celli, spécialiste de l’Amérique latine, ou le « Général » des jésuites, le Vénézuélien Arturo Sosa, qu’ont été organisées plusieurs tentatives de médiation entre le président Nicolás Maduro et l’opposition, il n’en est pas moins vrai que, depuis le début de la crise politique, économique et sociale vénézuélienne, le Vatican a fait preuve de beaucoup de mansuétude à l’égard des manœuvres dilatoires du pouvoir. Et montre une certaine réticence à condamner clairement la répression du pouvoir vis-à-vis de ses opposants comme, du reste, les nombreuses attaques contre l’Église vénézuélienne.
À Caracas, chacun a toujours en mémoire les paroles prononcées par le pape, le 29 avril 2017, lors d’une conférence de presse après son voyage en Égypte pendant le vol de retour, au sujet de la crise au Venezuela : "Il y a eu une intervention du Saint-Siège [...]. Cela n’a pas marché. Car les propositions n’étaient pas acceptées, elles se diluaient, c’était un oui, oui mais non, non. Nous connaissons tous la situation difficile du Venezuela. C’est un pays que j’aime beaucoup. [...] Je crois qu’il y a des conditions très claires. Une partie de l’opposition ne l’accepte pas. C’est curieux, l’opposition elle-même est divisée. Et, par ailleurs, il semble que les conflits s’intensifient toujours davantage [...]."
Un discours plus que surprenant, prononcé en 2017, de la part de celui qui s’est fait le héraut de tous les parias de la Terre, de celui qui avait tenu à rentrer de Lesbos de manière spectaculaire, en avril 2016, avec trois familles syriennes, pourtant de confession musulmane, de celui qui, depuis Panama, demande aux États de secourir les migrants et de les accueillir.
Pour mémoire, plus de 2,3 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays depuis 2015.
Y aura-t-il enfin une parole du pape pour condamner ces dirigeants qui, selon la formule de l’écrivain cubain José Martí, ne servent pas "la grandeur de leur peuple" ?
* NDLR : les Journées mondiales de la jeunesse 2019 se sont tenues au Panama du 22 au 27 janvier.
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