Vente du domaine de Pontigny : des vices de procédure ?
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« Notre ambition est de faire de Pontigny pour la Terre ce qu'est Davos pour l'économie », écrit la fondation Schneider, qui ne résume pas son projet à un hôtel de luxe mais s’inscrit dans une dimension beaucoup plus large. Le choix de la majorité de gauche du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté de privilégier un complexe hôtelier haut de gamme et un centre d’art contemporain à un séminaire de prêtres sur le site de l'ancienne abbaye cistercienne de Pontigny (Yonne) n’a sans doute rien d’étonnant, idéologiquement. En revanche, que la gauche privatise le patrimoine pour le rendre « plus ouvert au public », selon les mots de la présidente de région Marie-Guite Dufay (PS), laisse perplexe.
Des ombres au tableau
Certaines questions méritent d’être soulevées dans cette affaire. En effet, comment expliquer que le domaine de Pontigny soit promis à la fondation Schneider pour 1,8 million d'euros (avec la clause suspensive d’un an pour trouver un partenaire hôtelier prêt à investir dans l’Yonne), quand la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre était prête à payer cash et proposait une offre de 2,1 millions d'euros ?
Les choses seraient-elles écrites de longue date ? C’est ce que laissait entendre le conseiller régional RN Julien Odoul : « Marie-Guite Dufay s’est entretenue avec François Schneider et lui a promis la vente de ce domaine. La fondation Schneider avait déposé la marque Abbaye de Pontigny en janvier 2020. Dès la fin de l’année 2019, il avait la certitude d’acquérir ce domaine et d’acquérir aussi des subventions publiques dans le cadre d’un projet “réinventer le patrimoine”. »
Notre mère la terre, plutôt que notre Père du Ciel...
Grand défenseur du patrimoine, Stéphane Bern avait déclaré, au sujet d’une autre abbaye, celle de Lagrasse (Aude) : « Je pense qu’une communauté pour une abbaye est au contraire un formidable atout ! […] Visitez l’abbaye avec un jeune chanoine souriant qui aime son abbaye et vous verrez… votre visite, que vous soyez croyant ou non, deviendra une extraordinaire expérience qui vous fera aimer le patrimoine ! » L’on sait qu’il a écrit à la présidente de région l’appelant à faire preuve de bon sens pour l'abbaye de Pontigny. Malgré ce soutien de poids, l’idéologie semble l’avoir emporté. Des raisons occultes se cachent-elles derrière cette unanimité à gauche ? C'est ce que laisse entendre une élue d’opposition, membre de la commission culture.
Le débat
Durant le débat, en séance plénière, la semaine dernière, les oppositions Rassemblement national d’une part, droite et centre, d’autre part, ont avancé leurs arguments. Le RN, représenté par Jacques Ricciardetti, commission culture, a souligné que son groupe était « ni pour un projet, ni pour l'autre » et qu'il « était urgent d'attendre ». L’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Alain Joyandet, conseiller régional de droite et président de la commission des finances, a, quant à lui, demandé que le vote soit reporté en attendant que les conditions suspensives des deux porteurs de projet soient levées. Déclarant ne pas avoir « de préférence », il a cependant estimé que la collectivité prenait des risques tant sur le plan financier que juridique en précipitant ce vote. L'argument de la précipitation a été assez vite réfuté par la conseillère de gauche Muriel Vergès-Caullet, pour qui « le domaine est propriété de la région depuis décembre 2003, donc ça fait un certain nombre d'années qu'il est là. » Finalement, le groupe de la droite et du centre, qui avait dénoncé la tenue même de ce vote, n’y a pas participé (à l'exception d’Éric Gentis qui a voté pour), arguant de questions juridiques et de procédure.
Du côté des autorités religieuses
De son côté, la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre dénonce « des vices de procédure et examine l’opportunité d’un recours devant la juridiction compétente ». La présidente de région avait affirmé qu’il manquait au dossier de la communauté une autorisation romaine préalable à la fondation d’un séminaire. « C’est inexact », répondent les religieux, puisque « cette installation dépend du supérieur de la Fraternité avec le consentement de l’évêque du lieu ». Quant à l’évêque du lieu, Mgr Giraud, il est resté neutre dans ce dossier. Sa position aurait certainement pesé dans le choix des élus nous confie-t-on à droite.
Désormais, le sort de la deuxième fille de saint Bernard de Clairvaux (après l’abbaye de Cîteaux) semble acté. Sauf annulation de la délibération par la Justice ou… miracle !
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